POP Montréal Jour 3 | Annahstasia, de la trempe des plus grandes ?

par Alain Brunet

crédit photo: Sarah ODriscoll

POP Montréal est sans conteste un des événements majeurs de l’automne pour les vrais fans de musique. Du mercredi 27 septembre au dimanche 1er octobre, des dizaines et des dizaines de découvertes et acclamations d’artistes nichés dans la pop se produisent à Montréal. Suivez l’équipe de PAN M 360 jusqu’à dimanche !

Détrompez-vous, le folk afro-américain n’est pas un nouveau truc, tout est question de diffusion et de perception.  Il s’en crée depuis longtemps, et nous en avions vendredi un exemple plus que probant, dans le Hall du Rialto.

Certes, il est beaucoup trop tôt pour affirmer que la Californienne Annahstasia est de la trempe musicale d’une Nina Simone ou que sa plume pourrait atteindre un jour le niveau d’un Langston Hughes . Ne partons pas en peur mais… Il est clair comme de l’eau de roche que cette artiste exhale une profondeur, une singularité et un talent hors du commun. On ne peut que se prosterner devant l’élégance absolue de son être, de sa voix (un tantinet écorchée en fin de programme), de son folk, de son instrumentation – guitares acoustique et électrique, violoncelle, basse, percussion. 

Le contenu et la forme se conjuguent parfaitement, l’engagement personnel est exprimé avec la distance poétique nécessaire aux meilleurs écrits chansonniers.  Bref, on ne trouve pas de travers apparents chez cette femme brillante et magnifique, bénie des dieux. Convenons qu’elle use de matériaux un tantinet datés (folk, jazz, musique de chambre) mais… quel usage!  Faire du neuf avec du vieux et revivifier des formes classiques, cela est réservé à très peu d’artistes. Notre relation avec Annahstasia n’en est qu’à ses débuts, on vous l’assure.

M.I. Blue

En première partie de programme, M.I. Blue a fait valoir son talent. Encline à la soul / R&B, au folk et au jazz, elle se présente sur scène avec une instrumentation sobre, guitare/basse et batterie, elle mène à bien son répertoire original, incluant une évocation Nat King Cole ou même une parenthèse bossa nova. Son classicisme et son raffinement séduisent d’emblée, sa voix d’alto révèle une artiste en pleine émergence de son identité musicale. Cela dit, rien n’est totalement gagné pour M.I. Blue, d’autres pierres devront être ajoutées à son édifice pour que l’on puisse conclure à une identité vraiment affirmée. Pour l’instant, on doit reconnaître son talent et observer la suite de son développement.

Fraud Perry et Backxwash

En fin de soirée au Piccolo Rialto, on a pu apprécier la présence spectaculaire de la rappeuse et chanteuse montréalaise Fraud Perry. Elle se la joue très sensuelle et elle assume pleinement son personnage hypersexualisé, néanmoins assoiffée de liberté, d’autonomie et d’affirmation de soi. Ses textes évoquent souvent des conversations virtuelles, dialogues musclés avec divers interlocuteurs, souvent des hommes et des femmes qui ne l’abordent pas à la hauteur souhaitée et dont elle a tôt fait de ramener à son niveau, c’est-à-dire face à face. Le beatmaking est solide et multigenres, puise dans le grime, le hip-hop, le trap, la soul/R&B. La dégaine générale peut être vulgaire et directe, mais ne laisse pas indifférent. Sans conteste, Fraud Perry a quelque chose de spécial.

En fin de programme nocturne, l’artiste trans d’origine africaine Backxwash a été convoquée pour remplacer au pied levé la rappeuse Junglepussy. La Montréalaise nous a rappelé pourquoi elle avait remporté le Prix Polaris en 2020. Bombe d’expressivité! Le beatmaking hardcore et métal propulse ce rap paroxystique, extrêmement violent et ô combien addictif. Backxwash a ainsi renoué avec Montréal, laissant présager un prochain chapitre de sa trajectoire pour le moins atypique.

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