Très rares sont les spectacles d’aréna ou l’on puisse entendre une mouche voler. Sauf quelques infimes débordements, l’écoute des nouvelles propositions de Polly Jean Harvey fut exemplaire, respectueuse pour employer un euphémisme. Pendant une première moitié de programme en ce samedi soir à la Place Bell, nous étions tous à peu près prosternés devant la papesse de l’avant-folk et de l’avant-rock, authentique génie conceptuel et artiste superbement incarnée.
Depuis ses débuts discographiques en 1992, elle a sorti une dizaine d’albums, concoctés avec John Parish, son collaborateur de toujours – elle avait 19 ans lorsqu’elle était la chanteuse d’Automatic Dlamini sous la gouverne de John Parish, elle en a aujourd’hui presque 55 et lui 10 de plus. On peut ainsi dire de John Parish qu’il est à Polly Jean ce que Warren Ellis est à Nick Cave : symbiose d’une vie entière de création,
Aucun opus de PJ Harvey ne peut être qualifié de moyen ou médiocre. Quant au plus récent album, l’énergie qui s’en dégage sied bien PJ et ses collaborateurs expérimentés – basse, guitare, claviers, batterie, électronique. De plus en plus aérien et de moins en moins tempétueux, les travaux de Polly Jean ne négligent pas l’exploration sonore pour autant. Fort en voix et en guitares (acoustiques ou électriques), cet avant-folk-rock-ambient est assorti de textures extrêmement personnelles, produites par des claviers analogiques et autres sons de synthèse.
Ainsi on a eu droit à l’exécution intégrale du récent album I Inside the Old Year Dying, réalisé de nouveau par Flood et Parish, ce qui est une pratique rarissime pour des tournées de cette envergure, déclinée dans des salles de plus ou moins 10000 sièges comme la Place Bell, remplie samedi soir. Généralement, les artistes de cette stature saupoudrent leurs nouvelles chansons dans un programme de tubes attendus de leurs fans. Polly Jean Harvey n’exerce pas sa médecine ainsi. Elle fait à sa guise et on la prend comme tel, son talent exceptionnel lui autorise cette indépendance. Ce n’est certainement pas moi qui s’en plaindra, bien au contraire.
Trois décennies plus tard, on apprécie encore au plus haut point cette Polly Jean, cette simplicité apparente, cette approche presque rurale, ces mélodies incarnées, cette magnifique voix de contralto mâtinée de blues, bref le lyrisme assumé de ses textes impliquent aussi une quête de complexité dans les détails de ces harmonies et rythmes simples, épurés.
Vêtue d’une robe longue et d’une cape aux motifs forestiers, Polly Jean se prête à des élans chorégraphiques et gestes que l’on pourrait qualifier de chamaniques.
Une fois le nouvel album entièrement exécuté, le folk rock de l’Anglaise ne boude pas la saturation et devient progressivement plus rock, jamais totalement. L’énergie de ses 40, 30 et 20 ans revient, solidement parfois mais sans exubérance. On peut néanmoins contempler la rutilation de ses joyaux jadis taillés, tirés des albums Let England Shake, Is This Desire?, Uh Huh Her, Rid Of Me, White Chalk et surtout le génial To Bring You My Love dont elle a interprété la chanson titre, Send His Love To Me, Down by the Water, et C’mon Billy.
On peut conclure à un programme superbement construit, à l’exécution quasi idéale d’une soliste et d’une formation exemplaire. Seul bémol, ce spectacle semblait parfois conçu pour un plus petit amphithéâtre, sans projections d’envergure, sur une scène sobrement ornée et éclairée. Mais bon, petit détail de la vie…
LISTE DES CHANSONS AU PROGRAMME
1. Prayer at the Gate / I Inside the Old Year Dying
2. Autumn Term / I Inside the Old Year Dying
3. Lwonesome Tonight / I Inside the Old Year Dying
4. Seem an I / I Inside the Old Year Dying
5. The Nether-Edge / I Inside the Old Year Dying
6. I Inside the Old Year Dying / I Inside the Old Year Dying
7. All Souls / I Inside the Old Year Dying
8. A Child’s Question, August / I Inside the Old Year Dying
9. I Inside the Old I Dying / I Inside the Old Year Dying
10. August / I Inside the Old Year Dying
11. A Child’s Question, July / I Inside the Old Year Dying
12. A Noiseless Noise / I Inside the Old Year Dying
13. The Colour of the Earth / folk celtique chanté par John Parish / Let England Shake
14. The Glorious Land / Let England Shake
15. The Words That Maketh Murder / Let England Shake
16. Angelene / Is This Desire?
17. Send His Love to Me / To Bring You My Love
18. The Garden / Is This Desire?
19. The Desperate Kingdom of Love / Uh Huh Her
20. Man-Size / Rid Of Me
21. Dress / Dry
22. Down by the Water / To Bring You My Love
23. To Bring You My Love / To Bring You My Love
24. C’mon Billy / To Bring You My Love
25. White Chalk/ White Chalk