PHÉNOMÉNA & Arts in the Margins | Java, Bali et Sumatra au programme

par Laurent Bellemare

Quelques jours plus tôt, à son quartier général de La Sala Rossa, le festival Phénoména accueillait un événement unique organisé par Arts in the Margins. Il est effectivement rare de recevoir la visite d’artistes venus d’Indonésie de notre côté de  l’océan. C’est pourtant trois fameux artistes de musique électronique expérimentale des îles de Java, Bali et Sumatra qui nous étaient présentés. Réunis sous la bannière du label javanais Yes No Wave Music, tout ce beau monde était en pleine tournée canadienne afin de présenter un bel échantillon de ce qui se fait de mieux dans l’archipel sud-est asiatique.

Wok the Rock

Le DJ Wok the Rock, fondateur du label Yes No Wave Music, avait la tâche de démarrer la soirée. Il a su réchauffer la salle, déjà bien remplie, en présentant des mix tout aussi intrigants qu’accrocheurs. En guise d’introduction, l’artiste échantillonnait la voix du chanteur Rully Shabara, connu pour son travail avec Senyawa, créant une atmosphère particulière alors que les mots en bahasa indonesia étaient répétés en un rythme saccadé. Un second échantillon de cette même voix allait d’ailleurs être entendu plus tard, à la fin de sa prestation. Entretemps, Wok the Rock travaillait avec des trames fort diversifiées, des tambours de hsaing waing birmans aux sonorités plus synthétiques. Sur le plan du rythme, la musique avançait souvent à deux vitesses, superposant des rythmes effrénés à une texture sonore plus lente et libre. Le tout progressait de temps à autre, ponctué par de surprenantes modulations rythmiques. Chose certaine, c’est qu’une partie de la foule semblait déjà être entrée dans une transe psychédélique, ce qui n’allait que s’amplifier au fil de la soirée.

Rani Jambak

Rani Jambak est une artiste sonore minangkabau, groupe ethnoculturel habitant la province de Sumatra du Nord. Toute sa démarche est axée sur l’écologie et la réutilisation des sons de son environnement naturel et culturel, dotant sa musique d’un univers sonore riche et unique. Afin de voyager léger, elle n’a malheureusement pas fait grâce à son public du Kincia Aia, instrument qu’elle a inventé et qui s’inspire des moulins à eau traditionnels. Plutôt, elle offrait une performance minimaliste avec ordinateur et microphone, assumant ici un côté dansant. Même son entrée en scène était faite dans les règles de l’art de la musique électronique, soit en prenant graduellement la place de Wok the Rock en mode back to back. Si tout était pulsé et très accessible, la musique de Jambak était également colorée par des environnements sonores urbains et forestiers inconnus du grand public. L’artiste possède également une voix remarquable, qu’elle a mise à profit en chantant de nombreuses pièces vocales. Il faut souligner l’excellence de l’exécution des lignes vocales, qui étaient non seulement parfaitement justes mais remplies d’expressivité, chose dont témoignaient également les mouvements corporels de Jambak. L’échange d’énergie constant entre l’artiste et son public aura fait de ce moment le clou de la soirée.

crédit photo Rani Jambak : Deanna Radford 

Gabber Modus Operandi

Résidants sur l’île de Bali, les deux artistes de Gabber Modus Operandi sont explicites quant à leur musique. Ils créent ensemble un gabber électronique rapide, agressif et psychédélique. Dès leur entrée sur scène, le volume des enceintes a considérablement augmenté et les rythmes insistants ont tout de suite entraîné la foule dans une frénésie collective. On se serait cru dans un rave, ou à l’une des Nocturnes du festival Mutek. D’ailleurs, on avait regretté l’annulation du duo indonésien lors de l’édition 2022 de ce festival. Voilà qui est rectifié.


Alors que la moitié du groupe gérait une station de DJ, le second musicien faisait surtout usage de sa voix. Il scandait, racontait et criait des paroles noyées de la réverbération et les effets, rien qui s’apparentait à du chant ordinairement conçu. Habillé à mi-chemin entre un militaire et un skieur, il enfilait également des gants sur lesquels étaient fixés des lasers verts. Ces faisceaux fluorescents ajoutaient grandement à l’éclairage et se promenaient librement dans la salle au gré des mouvements frénétiques du chanteur. À ces rythmes et ces voix qui semblaient incontrôlables, un choix personnalisé d’échantillons venait tapisser les trames, comme celle d’instruments de gamelan. La foule se souviendra également de l’imitation très approximative d’un kecak balinais que le groupe tentée en demandant au public de s’asseoir par terre. Vaguement futuriste, mais d’une intensité immédiate, Gabber Modus Operandi a su ameuter tout le monde grâce à son délire psychotrope.

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