hip-hop

Travis Scott, redoutable au Circus Maximus

par Guillaume Laberge

Le 9 janvier, Travis Scott a enflammé la foule montréalaise lors de son passage au Centre Bell pour sa tournée Circus Maximus. L’occasion était de célébrer la matière de son quatrième album studio UTOPIA sorti en juillet 2023. C’était la deuxième fois que le rappeur texan remplissait le Centre Bell, lui qui avait fait bonne impression auprès des montréalais lors de sa visite en 2019, pour sa tournée Astroworld – Wish You Were Here.”

Ainsi, environ 20 000 fans de rap ont bravé des conditions météorologiques extrêmes pour être en la présence d’un rappeur au sommet de son art, le temps d’une soirée. Et ils n’ont pas été déçus. 

Au lieu de Teezo Touchdown en première partie comme c’est le cas dans la majorité des spectacles de sa tournée, c’est son DJ Chase B qui a pris la scène d’assaut. Ce dernier enchaînera certaines de ses chansons les plus populaires des dernières années, question de réchauffer la foule avant l’arrivée de son collègue de longue date.

Travis Scott est apparu devant un public affamé vers 21h20. La scène immense ressemblait aux ruines d’une montagne avec quelques têtes gravées dans la roche et où il se promenait tout au long du spectacle, interagissant avec différentes sections de l’aréna. Il ouvra le spectacle avec Hyena , suivi de Thank God  et Modern Jam, respectant ainsi l’ordre d’Utopia en en jouant les trois premières chansons. 

La mégastar alterna ensuite entre des titres plus populaires tirés d’ancien projets, tel que 3500 et Nightcrawler, avec des chansons où il est l’artiste invité comme Aye de Lil Uzi Vert ou encore la nouvellement sortie Backrooms de Playboi Carti, tout en continuant de présenter ses pièces sur Utopia. Que tu sois un nouveau ou un vieux fan, il y en avait pour tous les goûts.

Tout au long du spectacle, le son était dans le tapis, plus particulièrement la basse qui était prédominante, le tout mélangé avec la voix de Scott baignant dans l’autotune et les cris  inépuisables des fans. En a résulté l’un des concerts les plus bruyants auxquels j’ai assisté. 

“Le son était tellement fort que des verres se sont brisés dans les loges et des tuiles du plafond sont tombées”, a dit Bruno Corica, un employé du Centre Bell présent à l’événement.

Déjà gonflés à bloc, les fans sont passés de chauds à bouillants lorsque Scott a entonné avec eux ses plus gros morceaux d’Utopia  tels I Know? et Meltdown

Le spectacle a atteint son apogée lorsque le rappeur interpréta FE!N 11 fois de suite devant les olés! d’un public qui en redemandait toujours plus. Chaque répétition du morceau déclenchait une montée en intensité, ces 20 minutes de feu ont constitué le moment le plus marquant de la soirée.

En gardant ses fans debout pour l’entièreté du concert,Travis Scott a su démontrer encore une fois qu’il est l’un des meilleurs performers dans le milieu.

cumbia / hip-hop / latin rap / latino / reggaeton

Akawui: pertinence mapuche au Solstice d’hiver

par Alain Brunet

Place Émilie-Gamelin, la soirée autochtone du Solstice d’hiver nous a permis de faire un peu de rattrapage avec les récentes créations du chanteur, auteur, compositeur Akawui Riquelme, très actif sur la scène locale et plus encore. D’origine chilienne comme plusieurs concitoyens québécois et canadiens, le Montréalais Akawui a du sang mapuche, peuple autochtone très important établi dans la partie méridionale de l’Amérique latine. 

Akawui en impose. Bon chanteur, il sait s’imposer sur scène, n’hésite pas à sortir de la zone chauffée de la scène et se défoncer malgré le froid très vif de ce 21 décembre. Force est d’observer que la connexion avec les peuples autochtones d’el norte est naturelle et nous rappelle drette là que les premiers peuples du Chili et de l’Argentine sont un ferment de premier plan pour  la culture latino-américaine en général, y compris dans les zones septentrionales où nous sommes. Et c’est pourquoi l’artiste montréalais Akawui est pertinent, aux portes de l’hiver.

Ses identités culturelles sont autochtones, latines, québécoises francophones, panaméricaines, mondialistes. Son expression est vaste, chaque chanson représente un courant de la pop latine d’aujourd’hui : rap  keb, rap latin,, hip hop, rock latin, cumbia, reggaeton, pop et plus encore. Sorti l’été dernier, son album El Futuro Es Tribal intègre le chant de gorge inuit, le chant chants maori Haka, des percussions afro-colombiennes, des flûtes quena et des flûtes de pan des Andes, des chants Pow wow des Premières Nations, des chapelets de guitares soukous. 

Les 9 titres de l’album ont été enregistrés dans les studios d’Indica à Montréal et produit en France par  Hedayat Mirnezami. Sur scène, le son est différent : guitare, basse et batterie sont derrière Akawui et ses instruments variés. Les accompagnateurs sont très solides, excellents instrumentistes dans ce créneau au service du frontman. 

Que peut-on espérer de plus ?  Tout est là pour la prochaine étape. Quels en seront les facteurs clés?  Suggérons qu’Akawui pourrait mettre encore plus d’emphase sur le beatmaking et les arrangements de son répertoire, sans en négliger les ingrédients actuels.

baroque / classique

Un Messie signé YNS et l’OM à la Basilique Notre-Dame.

par Alain Brunet

Dans les contrées liées historiquement et politiquement à l’Angleterre, le Messie de Handel est l’œuvre sacrée la plus jouée à l’approche de Noël. Handel était certes Allemand de naissance mais avait fait sa carrière à Londres où il devint citoyen d’adoption et sujet du royaume. C’est pourquoi son fameux Messie, bon an mal an, est joué deux ou trois fois plutôt qu’une dans une grande ville comme Montréal.

En 2023, le Messie l’était d’ailleurs présenté à Montréal par deux orchestres montréalais, soit à la Salle Bourgie en version ancienne avec Arion Orchestre Baroque et ses instruments anciens puis cette semaine à la Basilique Notre-Dame par la superstar Yannick Nézet-Séguin aux côtés de son Orchestre Métropolitain, d’un Choeur Métropolitain réduit mais composé de professionnels trié sur le volet, ainsi que de 4 solistes : la soprano québécoise Magali Simard-Galdès, la contralto québécoise Rose Naggar-Tremblay, le ténor britanno-colombien Spencer Britten, et le baryton-basse québécois Philippe Sly.

Dans la version de l’œuvre ici présentée, on avait prévu 45 stations en trois parties distinctes : ouverture, arias, récitatifs, récitatifs accompagnés, choeurs. Tous ces éléments constituent cette œuvre incontournable du répertoire sacré de la période baroque, composée en 1741. L’œuvre se consacre à la résurrection du Christ et à ses conséquences rédemptrices sur les fidèles de la chrétienté. Prévue à l’origine pour la période de Pâques, l’exécution du Messie s’est progressivement déplacée vers la période de la Nativité, et nous voilà bien assis sur un banc d’église pour en apprécier les vertus avec cette joie inhérente du temps des Fêtes.

Lorsqu’on a goûté au Messie exécuté en version originelle, soit avec instruments anciens qui en modifient sensiblement l’interprétation et les sonorités, revenir à une exécution avec instruments modernes est une expérience clairement différente. Bien sûr, écouter le Messie dans un lieu sacré confère une certaine magie à cette expérience, mais les conditions acoustiques n’y sont pas optimales lorsqu’on est habitués aux conditions acoustiques de la Maison symphonique.

Cette version avec instruments modernes exclut plusieurs procédés baroques, moins de sons liés, plus d’éclat vu la nature des instruments conçus après la période baroque (cordes de métal au lieu de cordes de boyaux, notamment), solistes formés selon des techniques vocales mises au point bien après la confection de l’œuvre.

La soprano Magali Simard-Galdès aura bien fait son travail sans trop en mettre, la contralto Rose Naggar-Tremblay m’a semblé plus magnétique encore et laisse présager une magnifique carrière, le ténor Spencer Britten a très bien chanté mais sans dominer la basilique, et le baryton-basse Philippe Sly est à mon sens celui qui s’est le mieux démarqué de la représentation de mercredi, par son coffre et et sa présence altière.

Côté instrumental, la direction orchestrale s’est avérée sobre et rigoureuse, toujours au service du chant. Évidemment, le Choeur Métropolitain atteint son point culminant à la 39e station. L’auditoire se lève pour apprécier le fervent Alléluia et même en applaudir l’interprétation.

Fort agréable soirée, certes, un orchestre et des chanteurs.euses bien préparés par le maestro bien-aimé. Cela dit, on ne peut affirmer qu’il s’agisse ici d’une grande spécialité de l’OM malgré la très belle facture de son exécution. La relecture d’une œuvre baroque par un orchestre « moderne » ne requiert-elle une longue pratique avant d’atteindre les plus hauts standards connus ? On retiendra néanmoins le rôle crucial du trompette solo Antoine Mailloux, très solide et très inspiré aux stations 42 et 43. Malgré ces menus détails de la vie, on ne se formalisera de rien et on ne boudera certainement pas ce plaisir d’apprécier de nouveau notre OM et de sauter à pieds joints dans la période des Fêtes.

Crédit photo: Denis Germain – Orchestre Métropolitain

Hervé Niquet dirige l’OSM | Reconnaître le divin dans la musique

par Rédaction PAN M 360

Œuvre rare et exécution parfaite, L’enfance du Christ d’Hector Berlioz a été chaleureusement reçue par le public de la Maison symphonique mardi soir. Le dernier concert de l’année, la saison des fêtes se termine en triomphe pour l’OSM.

Une histoire est nécessaire pour souligner ce concert. Il y a deux ans de cela, l’OSM avait programmé L’enfance du Christ d’Hector Berlioz avec Hervé Niquet comme chef. Certains avaient décidé de sauter sur l’occasion de voir une œuvre si rare et unique qu’ils avaient pris des billets pour toute la famille rapprochée. Malheureusement, le sort en aura voulu autrement et la seconde fermeture des salles durant les fêtes de 2021 a été amèrement reçue.

Il a fallu attendre deux ans pour finalement pouvoir voir ce concert et l’attente fut totalement justifiée. Une fraîcheur alléchante émane de la partition et la musique, certes évocatrice, mesurée et équilibrée d’une main de maître. On ne tombe jamais dans le cliché, au contraire, et on est immédiatement saisi par la beauté et la puissance des paroles et des accompagnements.

L’œuvre raconte l’histoire de l’exode de la Sainte Famille après la naissance de Jésus, suite au décret du roi Hérode ordonnant le meurtre de tous les nouveau-nés. La première partie, « Le songe d’Hérode », est la plus remarquable, avec une performance intense et dévouée de la part de Robert Gleadow, dans le rôle d’Hérode. On sent le conflit des émotions qui bascule dans la folie et la lourdeur des actions avec, notamment, l’appui sur le pizzicato des contrebasses. Les autres parties, qui racontent la fuite en Égypte et l’arrivée à Saïs, sont charmantes à leur manière, avec la forte présence de thèmes presque orientalistes durant la seconde, et des passages touchants durant la troisième. Cyrille Dubois, le ténor en charge du récitant, sort du lot et sa magnifique voix, si claire et franche, a ému la salle à maintes reprises. L’ensemble des solistes était solide et virtuose.

L’orchestre était excellent, avec un effectif assez réduit mais efficace. Les bois étaient énergiques et dialoguaient avec les cordes, assez conséquentes, qui occupaient l’essentiel de la scène. Le chef, Hervé Niquet, dirigeait avec fluidité et une énergie suave, teintée d’un respect profond pour l’œuvre. On peut noter le travail remarquable des flûtes et de la harpe durant le Trio enchâssé dans l’œuvre juste avant l’épilogue. L’arrière-scène était occupée par un chœur de qualité, dirigé par Andrew Megill, qui était toujours en temps et clair comme le cristal, tant pour les voix féminines que masculines. Le « Amen » final était d’une délicatesse transcendante. L’exécution de l’œuvre est marquée par une douceur et un contrôle qui ont marqué l’esprit du public, qui a applaudie chaleureusement pour quatre, voire cinq rondes.

Une mise en scène simple mais évocatrice était en place. L’éclairage qui passe du bleu froid pour suggérer la nuit, au doux vert pour évoquer la clairière et à l’aveuglant rougeâtre pour illustrer le désert et le soleil est à saluer. Le jeu d’acteur des solistes était inégal, mais fort apprécié, surtout pour Hérode. 

Un seul sentiment habite le spectateur de ce concert, soit le regret de ne pas avoir pu offrir cette expérience magique à plus de gens. L’enfance du Christ est une œuvre hors du commun qui mérite d’être plus souvent jouée. On n’aurait pu espérer une meilleure interprétation et on en ressort ému et grandit par la beauté de la musique.

Solistes :

Un récitant : Cyrille Dubois

Marie : Julie Boulianne

Joseph : Gordon Bintner

Hérode : Robert Gleadow

Un père de famille : Tomislav Lavoie

Polydorus : Geoffroy Salvas

Un centurion : Joé Lampron-Dandonneau

Pour plus d’information sur les concerts à venir, visitez la page des concerts de l’OSM ICI.

Crédit photo : Antoine Saito

death metal mélodique / death metal technique / metal / metal symphonique / punk-metal / thrash-metal

Le retour de l’immuable : Meshuggah, In Flames, Voïvod and Whitechapel

par Laurent Bellemare

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y avait de l’excitation dans l’air. Cela faisait plus de six ans que Meshuggah ne s’était pas arrêté au Québec – huit pour la région de Montréal ! Le temps a joué en faveur du groupe, qui est sans équivoque au sommet de sa popularité. On est loin de l’époque où le quintette devait se contenter d’un Club Soda bien rempli. Samedi dernier, c’est un stade plein à craquer qui attendait les maîtres du déphasage rythmique. Il faut dire qu’une belle brochette de grands noms de la scène metal était également au programme pour susciter l’intérêt de l’événement. Quoi qu’il en soit, cette soirée ne fut rien de moins qu’un rassemblement réussi, un méga événement de musique heavy qui marquera les esprits pour les années à venir.

Whitechapel

Whitechapel… voilà un groupe qui a bien changé depuis ses débuts à la tête du très brutal mouvement deathcore des années 2010. Par le passé, les influences death metal étaient toujours clairement audibles sous un enrobage hardcore parsemé de breakdowns exubérants. Dans l’immensité de la Place Bell, on avait l’impression d’assister à la prestation d’un tout autre groupe. Whitechapel n’a eu que 25 minutes pour laisser sa marque, et force est de constater que le groupe n’a pas fait grand-chose pour mettre en valeur son évolution musicale. Aucun des six morceaux joués ne fait appel à la voix chantée de Phil Bozeman, grande nouveauté des deux derniers disques. À l’inverse, très peu de moments rapides nous ramènent à l’époque des trois premiers albums.

Restent donc des grooves sur des grooves, qui donnent une bonne moyenne du son actuel du groupe sans en révéler les couleurs plus dynamiques. On peut aussi contester la présence de trois guitaristes, dont au moins deux jouent toujours la même chose. Est-ce uniquement par souci de puissance sonore brute ? La basse était, à l’exception d’un tremblement en arrière-plan, pratiquement inaudible. Tout cela n’a finalement pas gêné le public, très enthousiaste face à la prestation musclée du groupe américain.

Voïvod

Fidèle à quatre décennies d’excentricités novatrices, Voïvod était à bien des égards l’anomalie du lieu. Le groupe culte de Jonquière n’était programmé que pour cette seule et dernière date de la tournée, manifestement une invitation privilégiée de la tête d’affiche. Le quatuor nous a immédiatement ramené en arrière, avec une énergie plus thrash metal old school, voire punk. Après avoir sorti une compilation de reprises au cours de l’été, Voïvod nous a offert une succession de classiques, passant en revue les points forts de sa discographie. Nous avons même eu droit à la fameuse version métallique de « Astronomy Domine » de Pink Floyd. Deux morceaux issus d’albums récents ont encore témoigné de la vitalité créative du groupe, qui ne semble pas s’éteindre. Il faut saluer la résilience du groupe. Non seulement il a su se réinventer au fil des pertes tragiques et des changements de personnel, mais il est resté au sommet de l’expérimentation dans son genre respectif. Le batteur Michel Langevin et le chanteur Denis Bélanger, tous deux dans la soixantaine, se comportent encore comme d’infatigables artistes de scène. L’ancienneté mise à part, c’est sans compromis et avec une vitalité impressionnante que Voïvod a offert à la foule un spectacle à la hauteur de son héritage. On regrettera seulement une sonorisation médiocre pour le bassiste, pratiquement inaudible.

In Flames

Ayant pratiquement inventé le pendant mélodique du metal suédois, In Flames est un autre groupe à avoir connu son lot de changements stylistiques. Depuis les années 2000, le groupe a évolué vers un son plus accessible, multipliant les refrains exprimant la vulnérabilité et les albums controversés. Foregone, nouvellement sorti cette année, témoigne cependant d’une volonté de synthétiser cette évolution par un certain retour aux sources. À l’image de ce nouvel album, In Flames a offert une performance puissante et sans faille, comme un groupe en pleine possession de ses moyens.

À travers ses nouvelles pièces, In Flames a ponctué la soirée de pièces tirées d’albums de premier plan. Le groupe est même remonté jusqu’en 1994 pour jouer une rareté du premier album Lunar Strain ! Il y a aussi eu des succès de l’ère Reroute to Remain (2002) et Come Clarity (2006), dont les refrains ont été chantés avec enthousiasme par la foule. En somme, la sélection était judicieuse et évoquait autant la nostalgie que la fraîcheur d’une nouvelle direction musicale.

Il faut saluer le charisme du chanteur Anders Fridén, dont la technique particulière semblait en grande forme, tout comme son sens de l’humour. Le jeu des instrumentistes était au rendez-vous et le son était là, ce qui n’aura pas déplu aux fans venus spécialement pour In Flames.

Meshuggah

Les premières notes de « Broken Cog » donnent immédiatement le ton pour l’heure et demie à venir : des guitares à neuf cordes grondantes et oppressantes et une batterie puissante et énigmatique. Le tout accompagné de spectaculaires lumières stroboscopiques préprogrammées avec précision. L’aspect visuel est donc d’une importance capitale pour le spectacle, car les musiciens n’ont guère besoin de bouger sur scène pour dégager une aura captivante.

Avec une sonorisation impeccable et très peu d’interaction avec le public, Meshuggah a joué des classiques et des morceaux du nouvel album Immutable. Certains moments forts du concert se sont démarqués, sortant le public d’une certaine torpeur psychédélique. C’est ce qui s’est passé lorsque toutes les lumières se sont éteintes et que le morceau « Mind’s Mirrors » de Catch 33 (2005) a été joué. Les ronflements de guitare atonale et la narration au vocodeur créent une apesanteur terrifiante. Vient ensuite l’interprétation des pièces complémentaires In Death – Is Life et In Death – Is Death, suivant la logique chronologique du même album. Ce segment de vingt minutes, tout comme le rare « Humiliative » de l’EP None (1994), est un véritable cadeau pour les fans du groupe. À noter que pour chaque titre, voire chaque section musicale, un éclairage spécifique dynamise l’expérience sensorielle.

Au terme de cette prestation magistrale, Meshuggah a choisi de terminer la soirée en beauté en jouant « Bleed », un classique instantané, et « Demiurge », dont l’énergie du breakdown final est aussi contagieuse que dévastatrice. On ne pouvait rêver meilleur rappel. Une fois de plus, le groupe suédois s’est distingué par l’originalité de son art et sa force d’exécution. Il est maintenant temps d’attendre le prochain cycle d’albums et de tournées, où Meshuggah sortira de la longue dormance créative à laquelle l’entité nous a habitués.

OSL | Fééries festives pour chœur et orchestre

par Alexandre Villemaire

Après avoir offert un début de saison aux thèmes et énergie contrasté, mais fortement ancré dans le romantisme, c’est un programme de féérie de Noël qui a attiré famille, amis et parents à la Salle André-Mathieu pour entendre l’Orchestre symphonique de Laval dans son troisième et dernier grand concert avant la pause hivernale : L’OSL en fête. Bravant le froid et la circulation dense aux abords de la Place Bell, le public a eu droit à un concert chaleureux et un programme réconfortant dirigé pour l’occasion Julien Proulx dont le dynamisme l’énergie et les mouvements, des indications de phrasé lyriques aux petits déhanchements et pas de danse, étaient signifiant à chaque instant.

Commençant dans la plus pure tradition des préludes/ouvertures, la page musicale qui introduit l’opéra Hansel et Gretel d’Engelbert Humperdinck – œuvre régulièrement interprété en Allemagne durant le temps de Noël -, est un enchaînement des thèmes principaux qui jalonnent l’opéra et qui, comme l’a justement fait remarquer Julien Proulx dans son allocution « dessine l’arc dramatique de l’opéra ». Les Paraphrases sur des airs de Noël du compositeur québécois François Morel ont présenté un premier pot-pourri dans un écrin vif et coloré. Après les mises en bouches orchestrales, la suite de la première partie mettait à l’honneur les voix des Petits Chanteurs de Laval, représenté ici par une cohorte mixte de leurs membres les plus vieux, dans des pièces vocales emblématique du répertoire choral de la saison des fêtes (Es ist ein Ros entsprungen, Noël huron, Noël nouvelet, Gesù Bambino, Ça, bergers, assemblons-nous). Vocalement, la préparation est impeccable : la sonorité des voix est claire, uniforme et les quelques voix des jeunes hommes ténors et barytons ont offert une belle rondeur. L’arrangement par Michael Oczko du Noël huron (Jesou ahatounia) était particulièrement réussi de même que le noël italien Gesù Bambino où les lignes musicales et les dynamiques étaient pleines de reliefs. Concluant la première partie, les musiciens ont offert le fameux Christmas Festival de Leroy Anderson, autre pot-pourri emblématique de Noël s’il en est, dans sa version pour chœur. 

Le défi qui nous apparaît pour n’importe quel chœur avec orchestre qui se produit dans la Salle André-Mathieu, salle qui n’est pas nécessairement des plus adaptés et acoustiquement sympathique pour ce type de formation, est la balance du son. Les voix des petits chanteurs étaient nécessairement amplifiées, mais peinent parfois à se distinguer de la masse sonore de l’orchestre, surtout dans les fortissimos, malgré les indications de phrasés et d’intensité mené très justement par Julien Proulx. La position de notre siège, assez près des premiers violons, est peut-être également un facteur qui joue sur notre perception sonore, mais il nous était par moment difficile d’entendre et de comprendre le texte des chants. Sans être un irritant majeur au rendu et à l’appréciation du concert, nous pouvons tout de même formuler le souhait au Père Noël que Laval et son orchestre se dote d’une salle mieux adaptée à tous styles de répertoire.

Au retour de l’entracte, l’orchestre nous a emmené valser avec élégance avec Les patineurs d’Émile Waldteufel, une page légère remplie de frétillements et de contraste entre des lignes exubérantes et douces. Pièce de résistance du concert et indémodable classique du temps des fêtes, la suite no 1 du ballet Casse-noisette a été présenté de façon ludique par le chef d’orchestre qui, en rupture avec la convention voulant que l’on n’applaudisse pas entre chaque mouvement, a invité le public à ne pas en tenir compte. « Vous les connaissez par cœur, si vous les aimez, n’hésitez pas à applaudir. On se fait plaisir! » à indiquer Julien Proulx. Cette intention cadrait parfaitement avec le caractère familial et accessible de ce concert. Les divers personnages de l’univers du conte d’E.T. A Hoffman, de la fée Dragée aux Mirlitons, ont ainsi défilé devant nos yeux et dans nos oreilles avec une grande musicalité. En guise de rappel, l’orchestre à présenter l’autre tube de Noël de Leroy Anderson, Promenade en traîneau, qui par son orchestration imagée et son utilisation ludique et humoristique des percussions fait mouche à tout coup!

Présenter un concert de Noël, quelle que soit sa forme et son effectif, est toujours un exercice qui peut s’avérer périlleux : tout le monde en fait, généralement tous en même temps avec plus ou moins les mêmes œuvres au programme. Le danger de tomber dans le kitsch, le surfait et le suranné plane toujours. Était-ce un programme novateur et d’une grande originalité? Non. Mais les fêtes n’ont pas besoin d’être exubérantes à l’excès et sans cesse renouvelées pour être appréciables. L’important, c’est de bien faire les choses, sans prétention, de s’amuser, de vivre le caractère intemporel et magique de ces musiques et c’est exactement ce que la famille des musiciens de l’OSL a offert à son public.

Crédit photos : Annie Diotte

OSM | Énigmatique et puissante Turangalîla-Symphonie

par Elena Mandolini

L’OSM, dirigé par Rafael Payare, présente ces 5 et 6 décembre la Turangalîla-Symphonie, œuvre puissante et énigmatique du compositeur français Olivier Messiaen. Impossible de rester indifférent devant cette œuvre monumentale et marquante. L’OSM a su y rendre justice et donner de nouvelles dimensions à tous les instruments de l’orchestre. Payare est, pour sa part, fidèle à sa réputation : il a mené l’orchestre de manière remarquable avec énergie et grande musicalité.

La Turangalîla-Symphonie est une œuvre surprenante et unique en son genre. Le titre est une jonction de deux mots sanscrits, qui signifient respectivement (et en faisant quelques raccourcis…) mouvement et amour cosmique. Cette symphonie, découpée en dix mouvements, s’articule sur l’exposition de quatre thèmes : la statue, l’amour, la fleur et les accords. Tout au long de l’œuvre, ces quatre thèmes sont développés et variés. La partition fait place à un grand nombre d’instruments de percussion et à clavier, de sorte que la scène de la Maison symphonique était pleine à craquer. Toute la section du fond de la scène était destinée à une imposante installation de percussions. À l’avant-scène, deux claviers, le glockenspiel et le piano (Jean-Yves Thibaudet) côtoyaient un instrument peu connu et rarement vu : les ondes Martenot (Cécile Lartigau). Ce dernier instrument est parfois discret lorsque jouant en compagnie de tout l’orchestre, mais certains mouvements, s’apparentant à la musique de chambre, laissent entendre distinctement cet instrument aux multiples possibilités sonores. La partition de piano, pour sa part très exigeante, est magnifiquement interprétée.

Musicalement, la Turangalîla-Symphonie est un jeu constant de textures et de lignes mélodiques superposées, versant par moments dans l’atonalité. Il s’agit d’une œuvre complexe, aux sonorités parfois anxieuse et très souvent majestueuse. Le thème de la statue, par exemple, est composé d’accords graves soutenus par les cuivres. On note plusieurs changements de tempo, très bien exécutés par l’orchestre. On admire la précision de l’orchestre durant les moments à l’unisson, et on constate toute la puissance de l’OSM lors des fréquents passages fortissimo, qui nous laissent ébahis. Ces nuances intenses sont suivies de transitions très réussies entre les différents mouvements, avec une coupure nette ou un decrescendo parfaitement contrôlé.

Pour plusieurs raisons, il est impossible de rester indifférent à l’écoute de la Turangalîla-Symphonie. D’une part parce qu’elle nous laisse entendre des instruments et des combinaisons peu vues ailleurs, d’autre part parce que la puissance et la vivacité de l’OSM atteint ici un nouveau sommet. La présence de cette œuvre au programme de la saison est à saluer vivement.

Une autre représentation aura lieu le mercredi 6 décembre. INFOS ET BILLETS ICI!

Crédit photo : Antoine Saito

Une fenêtre sur le sublime – Andrew Wan et Luc Beauséjour à l’église St.-George – FBM

par Rédaction PAN M 360

Ce n’est pas tous les jours que l’on a la chance de voir réunis sur scène deux interprètes aussi importants pour leurs instruments respectifs au sein du monde culturel montréalais. Avec Andrew Wan au violon et Luc Beauséjour au clavecin, le public réuni à l’église St.-George vendredi soir était préparé à une soirée magique et virtuose.

Et il n’a pas été déçu! Le programme, certes long, était parfaitement adapté à la sensibilité particulière des musiciens. La beauté sublime et pure de la musique de Bach était mise en évidence dans les Six sonates pour violon et clavecin. D’une construction assez constante et normée, on peut voir des idées merveilleuses se développer au fur et à mesure qu’on avance dans la partition. L’esthétique est définitivement baroque, mais on entrevoit à plusieurs reprises des motifs qui laissent présager les époques futures, notamment classique et même romantique. Les rythmes dansants et enleveurs de nombreux mouvements sont spécialement délicieux.

Les deux interprètes étaient dans un dialogue intime qui témoignait de leur respect mutuel et de leurs qualités respectives. Wan est un excellent premier violon à l’orchestre, mais excelle tout autant, voir plus, dans ces contextes de récital. Sa finesse et sa technique irréprochable font de lui un maître de presque tous les répertoires. Sa présence sur scène vendredi était puissante, touchante et adroite. Le son de son violon, datant du 18e siècle, a rempli la salle et les oreilles du public, qui a été marqué. 

Luc Beauséjour a quant à lui été simplement parfait. Les déluges de notes de la partition (rappelons que Bach était un virtuose du clavier) ne semblaient jamais ébranler sa prestance et sa rigueur des rythmes et des notes. On sentait toute sa maîtrise du répertoire et de son clavecin (issu de sa collection personnelle). La clarté des voix est remarquable, surtout avec un instrument aussi neutre sur le plan des intonations. 

On aurait beaucoup aimé entendre plus fort l’instrument, surtout avec le volume du violon assez élevé.

On se demande pourquoi le Festival Bach Montréal, présentateur et producteur du concert, n’a pas amplifié, juste un peu, le clavecin. À l’entracte, on entendait partout les regrets de ne pas l’entendre adéquatement. Le choix de la salle était également en cause, étant donné le plafond assez haut et les façades de bois qui absorbaient le son. C’est un détail, mais cela a affecté la réception de nombreux spectateurs, surtout à l’arrière. Le Festival se contentera d’une salle pleine cependant, malgré la déception de certains amateurs de clavecin et de Beauséjour.

Andrew Wan et Luc Beauséjour ont captivé, ému rejoint l’ensemble du public. Leur musique a fait réfléchir et rêver. On espère retrouver ce duo sur scène dans le futur, pour qu’on se sente encore une fois inspirés par le souffle enchanteur de leur musique.

indie pop / indie rock

Karkwa, prise 2 | Une entorse au temps

par Théo Reinhardt

Tel qu’annoncé dans la critique précédente, une autre génération s’exprime ici sur le retour de Karkwa sur scène, question de rappeler que tout ressenti a ses particularités propres et doit être exprimé. À PAN M 360, nous ne croyons pas au relativisme des opinions et des goûts, mais lorsque nous avons l’occasion de faire valoir plus d’un point de vue sur un concert ou un enregistrement, nous le faisons. Et voilà le texte bien senti et bien construit de Théo Reihardt sur le show de Karkwa au MTELUS.

Karkwa au MTELUS? Si vous me l’aviez demandé avant cette année, c’était pour moi un album live enregistré lors de l’ultime concert du groupe en 2011. Un album que j’écoutais pour vivre une expérience par procuration.

Mais ce n’est heureusement plus le cas. Après 12 ans, Louis-Jean Cormier, François Lafontaine, Martin Lamontagne, Stéphane Bergeron et Julien Sagot sont de retour dans leur vieil uniforme, à fouler les planches du Québec. Et en fin de semaine, c’est leur occasion de revenir à leur vieux Metropolis, cette salle qui les a inscrit dans l’Histoire.

Attendez un peu… Qu’est-ce que je fais, moi, à aller voir Karkwa? J’ai 20 ans, on pourrait croire que le groupe aurait passé par-dessus la tête des gens de mon âge. Or, ce n’est décidément pas le cas. Disons que je ne me suis pas senti seul du tout dans la salle du MTELUS. On aurait pu supposer que la foule soit composée principalement de rockeurs de la génération Y, de trente-quarantenaires trippeux voulant rajeunir le temps d’une soirée. Mais non, si Karkwa accrochait les jeunes en 2010, ils en font autant aujourd’hui. Louis-Jean Cormier, entre deux chansons, communique leur agréable surprise de jouer devant tant de jeunes. Il dit que nous avons « ouvert une brèche dans le temps ». En revenant après 12 ans, vous aussi, les gars. Comment le manquer?

C’est vrai que, malgré le silence, l’absence de pub, et le faible espoir avant cette année de revoir le groupe se former, Karkwa a su se frayer un chemin vers les gens de ma génération. Pour moi, ce sont les auteurs de chansons que j’ai entendues plus ou moins régulièrement en grandissant, mais c’est un groupe que j’ai réellement découvert à l’adolescence, alors que mon intérêt pour la musique québécoise s’intensifiait. Et même encore, cela a pris jusqu’à ces dernières années pour que je m’attache à leur œuvre. Fasciné par Les chemins de verre, son expérimentation, sa liberté, sa poésie textuelle et sonore – les cordes suraiguës de Le vrai bonheur sont à ce jour un de mes sons favoris en musique – et aussi toute la question du prix Polaris, Karkwa s’est confirmé à moi comme un classique de la culture musicale keb. Rien de bien différent d’il y a une décennie, donc, seulement en différé.

J’avais donc très, très hâte à leur concert. Chaque fois que j’écoutais la version live de Moi-léger, je me voyais, bouillonnant d’excitation juste avant l’éclosion de la chanson, comme on l’entend dans l’enregistrement.

Heureusement, je peux dire que le groupe a comblé les attentes, et, avec  ce nouvel album indéniablement écrasant en live, les a sans doute dépassées.

D’abord, on sent les cinq membres au sommet de leurs moyens. « Il y a 12 ans, on voulait conquérir le monde. Ce soir, on est juste ben relax. », dit Louis-Jean Cormier. Lui et ses amis n’ont plus grand chose à prouver, tant de choses à jouer, et le public est conquis d’avance. Ainsi, on assiste à cette collégialité des membres sur scène, comme Cormier l’exprime. Une décontraction qui permet au groupe d’être complètement présent. Car cette absence de stress ne doit pas être confondu avec la paresse. Non. Karkwa en 2023, ça brasse. La batterie de Stéphane Bergeron et les percussions de Julien Sagot, particulièrement, sont bestiales. On parlait d’ouvrir une brèche dans le temps; c’est peut-être l’œuvre des manigances synthétiques rugissantes de François Lafontaine. 

Des anciens classiques aux titres du nouvel album, Dans la seconde, on remarque que la force de Karkwa est de maîtriser une dynamique étendue, osciller entre douceur et puissance. Le meilleur exemple que je peux en donner est la récente Nouvelle vague, une de mes préférées du nouvel album, véritable tsunami sonore sur scène. Le titre pousse au max le contraste à l’œuvre sur Le pyromane, Moi-léger, Le bon sens, Le compteur, L’acouphène… vous comprenez. C’est lourd, c’est bruyant à s’en tendre les muscles, parfois c’est doux. C’est ça, Karkwa. À saluer aussi, un excellent travail d’éclairage, qui faisait ressortir le meilleur de cette caractéristique.

En sortant sur la rue Ste-Catherine, je ne ressentais rien d’autre que de la satisfaction et de l’émerveillement. Des chansons qu’on connaît depuis longtemps et qui prennent finalement vie, c’est spécial.

Le temps s’est peut-être arrêté, ou ralenti, ou il s’est rattrapé pour 12 ans en une heure et demie. En tout cas, quelque chose a changé, la brèche est bien ouverte, parce que désormais, en écoutant l’album live, je ne pense pas à 2011, mais bien à décembre 2023. Karkwa, c’était peut-être avant, mais pour moi, c’est maintenant. 

Et maintenant, c’est toujours.

indie pop / indie rock

De retour après la pause, Karkwa supérieur à la somme de ses parties ?

par Alain Brunet

Une douzaine d’années après une pause à peu près aussi longue que sa durée de vie active, Karkwa a repris du service avec l’album Dans la seconde et une tournée d’envergure qui dépoussière cette question remisée dans un recoin du cerveau: en 2023, Karkwa est-il supérieur à la somme de ses parties ? Une question à laquelle il était plus facile de répondre il y a 12 ans et sur laquelle nous ne nous prononcerons pas ici, vu le recul insuffisant. Mais…

Contentons-nous de fournir quelques éléments de réponse, soit en exprimant les perceptions qui suivent au terme d’un concert présenté dans un MTELUS à guichets fermés, le jeudi 30 novembre. La soirée du lendemain sera aussi l’occasion de poursuivre la réflexion avec le compte-rendu de notre estimé collaborateur Théo Reinhardt, qui était trop jeune avant la pause et qui découvre Karkwa sur scène.

Devant un auditoire conquis d’avance, l’introduction du concert se déploie tout en space rock. Cette Ouverture éthérée que pilote François Lafontaine, maître-es-claviers, précède un fondu enchaîné tout simplement parfait pour Parfaite à l’écran.  Tirées du nouvel album Dans la seconde, les deux premières pièces au programme se soudent à Le pyromane, entonnée par un parquet densément peuplé d’inconditionnels. Puis c’est L’acouphène, puis c’est À bout portant.  Enfiévré par des éclairages roses, pourpres et rouges, ce trio de classiques précède Gravité.  

Pour sa première allocution, le désormais moustachu Louis-Jean Cormier s’adresse métaphoriquement aux lieux plutôt qu’à ceux qui les occupent. “ Il faut que tu saches, Montréal, à quel point on a changé…   “Très important que tu saches, Montréal, à quel point on a changé. On n’est plus les mêmes, on n’a plus la même attitude, les mêmes intentions…”MTELUS, tu as devant toi les 5 meilleurs amis du monde…”

On comprendra que, 25 ans après la fondation de Karkwa mis en pause au début de la précédente décennie, les intentions ne sont pas tant de conquérir que de faire plaisir et de se faire plaisir à jouer ensemble. Après Karkwa, ce fut effectivement La voix (La vwa!) pour Louis-Jean Cormier, qui devint un coach consensuel de la téléréalité musicale, ce qui ne lui a certes pas nui pour atteindre un degré de popularité clairement supérieur au groupe qui en avait conféré la crédibilité. Ce qui n’enlève rien à ses accomplissements en solo, et on en dira autant de ses collègues, particulièrement François Lafontaine et Julien Sagot.

Sur une moquette de claviers doux, Moi-léger prend du poids au fur et à mesure de son exécution assisté des chants d’un auditoire ravi. De retour dans le nouveau chapitre, on se trouve dans le lâcher prise évoqué Dans la seconde, dont le pont s’annonce majestueux, délicieusement orné manière krautrock par les claviers de François Lafontaine et des battements de mains presto vivace contribuant à l’envolée.

 

Et puis ça rocke dans le rouge vif, dans ce soleil de plomb mis en scène dans Nouvelle vague. Les guitares prennent le relais, la tension monte d’un cran. Marie-Pierre Arthur, membre de la famille élargie comme on le sait, est invitée à monter sur scène pour côtoyer LJC : “ Oublie pas mon coeur avant qu’on s’écoeure” dit la chanson. Marie-Pierre balance le 2e couplet et le jam nous fait redécoller.

À fond la caisse et sans déraper dans les courbes, Karkwa roule en pleine maîtrise sur le Chemin de verre, chanson conclue jeudi avec des guitares graveleuses et un dernier couplet servi devant un mur aux tons de bleu. C’est écrit dans le ciel, on va Dormir le jour et on aura droit à un épisode stoner rock sur fond noir et blanc. Ça gronde de partout ! Les percussions se doublent, les 8 tiges de lumière resplendissent sur scène. 

LJC manifeste son contentement aux fans, les guitares tricotent de la soul autour des claviers, cette fois new age / ambient. Le groove qui s’ensuit rappelle Radiohead (comme on l’observait naguère), c’est L’échafaud. Un groove rock lent et dramatique devient ensuite la roue d’Épaule froide. La ballade Du courage pour deux est servie avant le rappel, chanson réaliste assortie d’un bridge surréel.

Et c’est le rappel, trois titres ont été prévus. D’abord Échapper au sort, un hymne de circonstance, émaillé de rock et de de martèlements binaires. L’exécution est toutefois interrompue par un ennui technique et Karkwa nous fait oublier ça avec un court pastiche U2esque avant que l’hymne s’impose finalement et s’imprègne en nous. Et puisqu’il s’agit bien de “faire plaisir”, une demande spéciale est exaucée: Karkwa déclenche un Coup d’état bien senti avec des relents de Pierre Flynn et d’Octobre, le tout culminant avec un jam bouillant dans les dernières mesures.

Gentleman devant l’Éternel, LJC n’oublie pas de saluer feu Karl Tremblay et la soirée se conclut avec 28 jours au 30e jour de novembre. Marie-Pierre Arthur et Pat Watson, qui avait jadis ouvert pour Karkwa en 2006 et qui a courtoisement accepté de refaire l’exercice en toute humilité malgré son immense  réputation, montent sur scène et chantent avec Karkwa. Le vrai bonheur pour les fans de la première ligne et les plus jeunes, venus s’instruire dans le pur plaisir.

Crédit photo: Marc-Étienne Mongrain

KARKWA SE PRODUIT AU MTELUS LE 1ER, 2 ET 9 DÉCEMBRE, AINSI QUE LE 23 NOVEMBRE 2024

Festival Vibrations | Le voyage sud-américain de l’Ensemble de musique du monde

par Elena Mandolini

Le Festival Vibrations bat son plein à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Plusieurs concerts sont offerts au public, couvrant un vaste éventail de styles musicaux, et faisant partager la scène aux étudiant.e.s et aux professeur.e.s de l’UdeM.

Le 30 novembre avait lieu à la Salle Serge-Garant un concert de l’Ensemble de musique du monde, tout nouvellement formé. Le directeur de cet ensemble, Juliàn Gutiérrez, s’est réjoui de la création d’un tel ensemble au sein de l’Université, puisqu’il témoigne d’un réel intérêt pour la musique de partout. Le répertoire de la soirée était consacré à la musique et aux danses d’Amérique latine, mais comporte également quelques arrangements de chansons connues en d’autres langues, traduites en espagnol. 

L’ambiance est à la fête, et le format intime du concert donne le sentiment que nous y sommes tous invités. Le répertoire interprété est assez standard, mais les étudiant.e.s y mettent de l’énergie et beaucoup de musicalité. Les percussionnistes portent et soutiennent les pièces, et le reste de la section rythmique est d’une précision irréprochable. La section instrumentale, épurée, composée d’un trombone, d’une trompette et de saxophones ténor et soprano font également preuve d’une grande précision et unicité. Chaque instrumentiste offre également des solos solides, rythmiques et lyriques. Cependant, le son est mal calibré, ce qui rend assez difficile d’entendre clairement les accompagnements de ce quatuor.

Chaque œuvre interprétée contient une partie vocale accompagnée de très belles harmonies. Durant toute la soirée, le chef se fait aussi chanteur, ce qui donne lieu à de riches harmonisations à trois voix. Ici aussi, les voix sont parfois un peu enterrées par l’accompagnement.

Le public est aussi assez souvent invité à participer aux festivités. On chante des lignes mélodiques simples en mode question-réponse, mais, surtout, on danse beaucoup. La soirée se termine sur un très agréable I Will Survive traduit en espagnol et transcrit dans un style bachata qui donne une nouvelle dimension à célébrissime chanson de Gloria Gaynor. Cette belle soirée aura encore une fois démontré le grand talent de la relève musicale montréalaise.

Le Festival Vibrations se poursuit jusqu’au 2 décembre. Plusieurs événements sont gratuits! INFOS ET BILLETS ICI!

L’Orchestre de l’Agora au Festival Bach | La famille Bach en sereine contemplation

par Rédaction PAN M 360

L’Orchestre de l’Agora au Festival Bach est souvent gage d’une soirée enchanteresse, mais cette fois-ci, les attentes ont été dépassées. L’église anglicane St. Andrew & St. Paul s’est illuminée mercredi soir grâce à une mise en scène soignée et active, mais surtout grâce à un programme bien pensé qui a su mettre en valeur la musique vocale de Johann Sebastian Bach et des membres de sa famille qui l’ont précédé.

Un orchestre restreint, mais efficace a accompagné un chœur merveilleusement bien équilibré à travers le concert. Les voix principales étaient entre les mains de solistes de grande qualité : Myriam Leblanc (soprano), Nicholas Burns (contre-ténor/alto), Daniel Johannsen (ténor), et Matthias Helm (basse). Nicolas Ellis faisait office à la fois de chef d’orchestre et de choeur. On le sentait impliqué dans toutes les facettes du concert.

Le programme prenait la forme d’une démonstration des normes de la composition chorale avant l’arrivée de Johann Sebastian Bach sur la scène musicale grâce aux œuvres de ses oncles Johann Christoph et Johann Michael Bach. Au sein des œuvres de compositeurs méconnus, on peut trouver des éléments qui ont fait de JS Bach le maître qu’il a été.

Les œuvres de JC Bach sont d’une composition très standard. Il s’agit de chorals typiques, avec toutes les règles et les prescriptions de simplicités de la doctrine luthérienne. Mais à travers cette rigueur, on retrouve une aisance à naviguer à l’intérieur des cadres de la norme et une élégance indéniable, surtout dans la dernière œuvre, Es ist nun aus mit meinen Leben, qui encadre la dernière cantate au programme de JS Bach. JM Bach est quant à lui plus aventureux que JC et son choral, mais reste assez près de la norme, un peu à l’image de JS Bach qui savait quand respecter les règles d’écriture et quand les enfreindre. Il s’agit également d’un choral accompagné, un format que JS Bach a souvent utilisé.

Mis à part l’enchevêtrement délicieux des œuvres de JC et de JS durant la seconde partie, la présence des oncles de ce dernier au programme semble occuper une seule fonction : démontrer toute la maîtrise du langage musical et la virtuosité du grand maître. C’est le jour et la nuit. Entre la composition chorale ultra rigide et somme toute simple de ses prédécesseurs et les canons à deux, trois, voire quatre voix des cantates, on sent une grande distance. Et ce, même avec les œuvres de ses débuts. La dernière cantate, Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit, démontre une écriture complexe qui ferait rougir les réformistes.

Une grande partie des textes orbitaient autour du thème de la mort (un mot souvent utilisé), et se conclut par un final magnifique, avec le « Weilt, gute Nacht » de Es ist nun aus mit meinen Leben (JC Bach) qui semble s’éteindre, en compagnie des lumières et du protagoniste du texte. Un instant de recueillement magique qui a touché le public, et invoqué une longue série d’applaudissements. Outre le manque des paroles originales (en allemand) sur l’écran derrière le chœur, ce fut une soirée parfaite. On a déjà hâte à l’année prochaine!

Pour plus d’information sur programmation de l’Orchestre de l’Agora et sur les concerts à venir, c’est ICI.

Crédit photo : Antoine Saito

Inscrivez-vous à l'infolettre