Semaine du Neuf | Les expériences haptiques et interdisciplinaires de Jimmie Leblanc et Fareena Chanda

Entrevue réalisée par Elena Mandolini
Genres et styles : musique contemporaine

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Dans le cadre de la Semaine du Neuf 2024, l’ensemble Paramirabo présentera le samedi 9 mars un concert dédié à trois compositions de Jimmie Leblanc. Comme fil conducteur, on retrouve l’expérience haptique, autrement dit l’expérience du toucher. Pour monter ce programme, le compositeur a revisité et retravaillé des œuvres composées il y a près de 10 ans. L’une d’entre elles, Ice, a été conçue en collaboration avec l’artiste Fareena Chanda et le physicien Stephen Morris. Par conséquent, on retrouve au cœur de ce projet un grand souci interdisciplinaire, axé sur l’expérience active de la musique et de l’art. PAN M 360 a pu s’entretenir avec Jimmie Leblanc et Fareena Chanda au sujet de la conception et de la réadaptation d’Ice.

Les trois pièces au programme du concert de samedi s’inscrivent toutes dans une même continuité et logique d’écriture. Tout d’abord, il y a eu and the Flesh was made Word., puis Ice, et enfin Clamors of Being, cette dernière se présentant comme un diptyque avec la première. Ces trois œuvres s’inscrivent dans une même continuité, répondant aux mêmes objectifs, mais où Ice se présente tout de même comme pièce à part.

Ice a été créé en 2015. L’élément déclencheur a été le festival torontois Subtle Technologies, qui a permis la rencontre entre compositeur, artiste et physicien. Jimmie Leblanc explique : « Il y avait plusieurs événements dans ce festival-là qui impliquaient les technologies, tout ça… Puis le projet, c’était de jumeler des compositeurs avec des artistes et des scientifiques. Il y a eu des rencontres où tout le monde présentait sa démarche, et il y a des groupes qui ont été faits. » L’intérêt commun pour Leblanc, Chanda et Morris pour les expériences haptiques les a fait se rencontrer, puis créer ensemble. « Il y avait l’idée de travailler sur la sensation de l’œuvre, qu’elle soit visuelle ou sonore, sur une espèce d’énergie ou sur le principe immersif de l’œuvre », rajoute le compositeur d’Ice.

Comme le titre l’indique, l’argument de la pièce concerne la glace, plus précisément sa formation : Stephen Morris s’intéressait à l’époque à la manière dont se forment les glaçons. C’est après une visite dans son laboratoire que le travail de création a commencé. Fareena Chanda a cherché à représenter visuellement les expériences du physicien, tandis que Jimmie Leblanc a voulu transmettre musicalement tout un éventail de textures. À ce sujet, il précise : « Les textures ont plutôt été pensées en fonction des différents états de la glace qu’on peut retrouver. Plus ou moins fluides, plus ou moins rudes, plus ou moins rugueux, abrupts, toutes sortes de sensations qu’on pouvait trouver. Le visuel allait un peu avec ça aussi. »

Pour le concert, il a fallu adapter un peu l’œuvre pour pouvoir la présenter dans un contexte différent de celui de sa création. « À l’origine, l’installation avait été imaginée comme en forme de U, comme un environnement dans lequel vous pouviez vous asseoir, avec trois écrans et un plancher en métal pour ajouter cet aspect haptique, sensoriel, pour permettre au public d’être immergé en faisant appel à tous les sens, » précise Fareena Chanda. Cela dit, l’œuvre sera présentée samedi au Centre PHI, dont la disposition et les modalités diffèrent beaucoup du lieu original de création. « Nous voulions maintenir l’expérience haptique et immersive de la pièce, en particulier la manière dont on se retrouve intégré à l’œuvre. Nous avons fait des recherches pour trouver des matériaux sur lesquels projeter les éléments vidéo et qui pourraient également retransmettre l’élément texture de la pièce. Je pense que cet endroit sera un environnement immersif plus grand que la première fois, » ajoute Fareena Chanda. Les partitions des trois pièces au programme ont également été révisées par Jimmie Leblanc, et on assistera alors à la création de cette nouvelle mouture.

Ainsi, ce concert promet d’être réellement interdisciplinaire. Cet aspect se manifeste de manières différentes, mais complémentaires, dans les démarches artistiques des deux artistes. Pour Fareena Chanda, l’interdisciplinarité fait partie intégrante de sa démarche créative : « Je travaille à l’intersection de l’art conceptuel, de l’installation, et j’utilise autant les médiums mixtes que les méthodes traditionnelles. Je pratique la recherche-création, où les ébauches et esquissent viennent à faire partie de l’œuvre finale. Et parfois, l’œuvre devient une sorte d’amalgame, par exemple une installation, comme dans le cas qui nous intéresse, où je veux que le public retrace le même parcours créatif que moi. »

« Pour ma part, en tant que compositeur qui fait principalement de la musique instrumentale, je dirais que l’interdisciplinarité vient de mon travail avec les interprètes. Leur spécialité est d’interpréter, la mienne est de composer, mais ce sont deux disciplines qui sont en constante interaction, au point où cela devient normal et on arrête de considérer cela comme interdisciplinaire. Par contre, lorsque je rencontre des projets comme Ice, il y a réellement une relation interdisciplinaire qui s’installe, où il faut créer avec d’autres artistes qui ont potentiellement des paradigmes conceptuels différents, » renchérit Jimmie Leblanc. Dans son travail, l’interdisciplinarité est un élément qui a le potentiel de nourrir son approche créative et celle de ses collaborateur.rice.s, réciproquement.

Le public est invité à participer à cette expérience immersive en version concert, dans laquelle nous serons plongé.e.s dès l’entrée en salle. Cet événement, comme le précise Fareena Chanda, aborde également plusieurs concepts plus abstraits. « Il y a cette relation entre ce qui est caché, le passage du temps, et cette œuvre qui invite le public à entrer dans cet espace en tant que participant actif. Très actif, même. Actif avec le corps et tous les sens. Dans toutes mes œuvres, mon objectif est d’inviter à s’embarquer pour un voyage, sans que cela soit fait de manière vraiment prescriptive. » L’installation sera également ouverte et accessible dimanche, avec un enregistrement de la partie instrumentale de la performance.

Le concert Ice sera présenté le 9 mars 2024 à compter de 18h au Centre PHI, avec l’Ensemble Paramirabo. Dans le cadre de la Semaine du Neuf du Vivier. INFOS ET BILLETS ICI!

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