MUTEK 2024 | Ela Minus, apparition ou résurrection ?
par Alain Brunet
Il y a quelques années, peu après la sortie de l’album Acts of Rebellion, paru chez Dominoen 2020, Ela Minus nous avait accordé une interview. Et puis vint un court enregistrement avec DJ Python et puis rien jusqu’à ce single de l’artiste colombienne installée aux USA: exprimé en espagnol, Combat laisse présager un nouveau cycle de création.
Elle était batteure dans un groupe punk à l’adolescence, elle fut ensuite admise au Berklee College of Music (Boston) et laissa sa Colombie natale pour ainsi devenir une vraie pro de la percussion et découvrir son talent de productrice électro. Puis elle s’est installée à Brooklyn et s’est mise à construire ses synthés modulaires. Ses es enregistrements ont épaté la galerie, un album fut lancé, on a aimé cet enregistrement, on a causé avec la principale intéressée, la voilà enfin sur scène dans un festival de grande réputation.
Électro-pop, dream-pop, synth-pop, synth-punk sont réunis en une seule femme. Après la décharge de Marie Davidson, ce set d’Ela Minus à la SAT n’était pas particulièrement déstabilisant. On a observé le talent évident de songwriter et de productrice synth pop, on a remarqué quelques ornements singuliers mais ça restait de la pop intelligente, des formes construites comme des tubes, avec intro, refrain, pont et refrain jusqu’aux applaudissements.
Pour un milieu de soirée, ce fut vivifiant mais j’en aurais pris davantage sur le plan conceptuel, j’aurais préféré plus de composantes exploratoires malgré la forme chanson. Ces bémols, il faut dire, n’étaient probablement pas partagés avec la majorité des mutékiens et mutékiennes venu.e.s à la rencontre d’Ela Minus, qui pourrait devenir un star pour de vrai en tapant sur ce même clou. Apparition ou résurrection, en somme ? Qu’importe, on a hâte à la suite.
Crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin
MUTEK Forum 2024: La musique électronique est NOIRE
par Elsa Fortant
Dernier jour pour le Forum MUTEK, dernier résumé pour le PAN M 360. Nous clôturons cette série avec un panel qui me tient à cœur : « Electronic Music is Black Music – Reclaiming and Tracing Electronic Music’s Roots, Present, and Future ». Fabienne Leys, G L O W Z I, Miquelle Skeete alias OmniDirectional Groove, et la modératrice Melissa Vincent ont exploré les liens profonds entre la musique électronique, la culture noire et la contre-culture. La discussion a permis de réfléchir à la manière dont la musique électronique, bien que souvent généralisée et commercialisée, reste enracinée dans les expressions et les innovations de la culture afro-descendante et noire.
Tous ceux qui connaissent la musique électronique de danse reconnaîtront que les Belleville Three et Underground Resistance ont joué un rôle essentiel dans l’émergence de la techno sur la scène mondiale. Toutefois, cette table ronde va plus loin, en explorant les contextes culturels et historiques plus larges qui ont façonné le genre et son importance au fil du temps.
Comme Melissa Vincent l’a déclaré dès le début, la tenue de cette discussion à l’occasion du 25e anniversaire de MUTEK est hautement symbolique, car la musique électronique a constitué le fondement même sur lequel MUTEK a été construit.
Pour commencer la conversation, chaque panéliste a raconté comment il s’est connecté pour la première fois à la musique électronique, en soulignant les différents chemins qui l’ont conduit à ce genre. Pour Fabienne Leys, c’est la radio pop qui lui a servi d’introduction, notamment grâce à l’influence de Pump Up The Jam de Technotronic. Le parcours de G L O W Z I a commencé par l’écoute de Bran Van 3000 sur MusiMax. Miquelle Skeete, avec sa formation en musique classique, a trouvé son moment décisif lors d’un spectacle de Kerri Chandler à Toronto, qui lui a offert une première expérience spirituelle transformatrice en dehors d’une église.
Au cours de la discussion, Melissa Vincent a posé des questions sur les conditions et les contextes sociaux qui ont façonné l’héritage, le passé et l’avenir de la musique électronique. G L O W Z I a répondu en décrivant la musique électronique comme une forme d’art créole, tissée de manière complexe à travers le monde et différente d’une région à l’autre. Elle a souligné l’héritage de l’Afrique du Sud, où le genre Gqom a créé une expérience d’écoute unique, notamment grâce à l’utilisation des taxis comme principaux lieux de diffusion de la musique. Mme Miquelle a ajouté que la musique électronique permet aux personnes d’ascendance africaine de puiser dans les rythmes ancestraux, offrant ainsi une gamme complète d’expression émotionnelle. Elle a souligné que, contrairement à d’autres formes de musique, la musique électronique offre un espace pour les émotions positives et tendues, alors que les Afro-descendants et les Noirs sont relégués à l’expression des seules émotions positives. Les panélistes ont discuté des multiples facettes de la musique électronique, soulignant qu’il ne s’agit pas seulement de son, mais aussi d’incarnation et de la capacité à jouer avec des textures et des rythmes qui pourraient ne pas être considérés comme musicaux dans d’autres contextes. La musique électronique a été décrite comme une force unificatrice, une source de joie et un phénomène mondial. Toutefois, Fabienne Leys a fait remarquer que l’exclusivité et l’accessibilité demeurent un problème important au sein des communautés de couleur. Comme elle l’a souligné, les médias sociaux ont contribué à mettre en avant les mouvements musicaux régionaux, tels qu’Amapiano, et nous avons assisté à la résurgence de la musique house dans le paysage pop avec Renaissance de Beyoncé. Pourtant, les défis persistent, à différents niveaux : qu’il s’agisse de l’accès aux ressources matérielles (le matériel de musique électronique est cher) ou de la question cruciale de la représentation au sein de l’industrie de la musique électronique, en particulier parmi les décideurs qui ont le pouvoir de positionner les artistes.
Ceci étant dit, et dans un contexte où différents récits sont poussés par différentes forces (underground vs commercial) : comment s’assurer que les bonnes personnes sont reconnues ?
Pour que les bonnes personnes soient reconnues dans l’industrie de la musique électronique, le panel a souligné l’importance d’avoir le courage de dire non à l’influence des entreprises. En d’autres termes, les efforts collectifs sont importants. Ils ont insisté sur la nécessité de maintenir des espaces inclusifs et ouverts à tous, tout en les protégeant de l’exploitation par les entreprises. Dans ce contexte, le refus est un outil politique crucial pour préserver l’intégrité et l’authenticité des communautés artistiques.
MUTEK 2024 | Marie Davidson assemble toutes les pièces de son puzzle
par Alain Brunet
Marie Davidson était disparue de mon radar pendant la COVID, peu après la sortie de dernier enregistrement studio et le spectacle qui y fut associé, Renegade Breakdown, sous étiquette Ninja Tune. Le virage pop/rock/chanson française me semblait alors un risque courageux et fort appréciable mais… j’avais le feeling que quelque chose manquait à cette mouture.
Tous les éléments de sa culture pop étaient déjà présents dans son œuvre mais beaucoup plus ténus. Puis il y a eu l’EP Persona en 2021, sorte de dream pop mâtinée de pop française, Victoria Legrand meets France Gall, même impression d’exercice inachevé. En avril dernier, son compte Bandcamp nous a fourni les indices de sa direction actuelle : Y.A.A.M. marque un retour de ses inclinations électroniques. Alors là….
Avec l’excellent spectacle auquel on a eu droit jeudi, on peut déjà conclure que toutes les facettes de son art ont trouvé leur place idéale dans ce set d’enfer. De ce qu’on connaît de sa vaste palette, on peut dire que cette intégration est top.
L’édifice de Marie Davidson voit un nouvel étage le chapeauter. La violence du bruitisme, les drones violents, les accords extrêmement prononcés. La dimension multiréférentielle en électronique : heavy techno, house, UK garage, jungle, drum’n’bass, breakbeat, on en passe. Les références directes à la pop culture francophone. L’attitude punk, presque gothique, les éclats de distorsion, les 4/4 très lourds. Les mouvements sur scène, les interventions chorégraphiées sur sur les machines, les harangues contagieuses. La voix chantée, la voix parlée, l’autorité acquise.
Ceinturée de ses claviers et machines, Marie chauffe la marmite en l’attisant aux sons épais et saturés, puis elle prend le micro pendant presque tout le reste de son show. Ses chansons sont pour la plupart auto-réflexives, cathartiques dans plusieurs cas, exprimées sans détours ce qui n’exclut pas la poésie dans la réflexion sur soi, sur sa profession d’artiste et sur le monde ambiant. C’est ce mélange unique qu’on aime. C’est aussi l’aisance sur scène et la présence d’enfer de la performer, c’est son pouvoir attractif. Très solide!
Pour une première couverture d’un événement de MUTEK, j’avoue que j’en sors presque surprise d’avoir apprécié la soirée. Je vous explique : je n’écoute pas de musique électronique habituellement, et j’ai encore moins l’occasion de couvrir ce genre de musique. Après les premières minutes durant lesquelles je trouvais que la musique était un peu trop forte et que mes tympans ne tiendraient pas le coup tout le spectacle, j’ai progressivement changé d’avis au fur et à mesure que la soirée avançait.
Piezo, de son vrai nom Lucca Mucci, est DJ, producteur et artiste sonore, originaire de Milan mais formé à Bristol en Angleterre. Il a créé son propre label, Ansia, à travers lequel il soutient également les œuvres d’artistes partageant le même esprit. Son premier album, Perdu, est sorti chez Hundebiss Records. Hier soir, Piezo a réussi à ambiancer la foule même si cette dernière ne le montrait pas au début, encore un peu gênée. Il passait son temps à tourner des boutons sur une, puis deux, puis trois consoles. La dernière avait des allures de clavier, avec un laptop au milieu de tout ça, sous fond de jets de lumières. J’ai également été chanceuse d’être là un jour sans pluie, après avoir lu les comptes rendus de mes collègues les journées de pluie précédentes.
Je qualifierais le style de Piezo d’un mélange de techno, d’électro, de garage, de house par moments, avec des sons synthétiques qui viennent saupoudrer le tout. On a l’impression d’avoir un son ou un rythme principal, auquel Piezo rajoute une couche à la fois, et des reflets, comme si on venait l’habiller au fur et à mesure. Et à certains moments, nous atteignions un paroxysme, durant lequel le DJ se lâche complètement, avant de redescendre tranquillement, et retirer les couches une après l’autre. Ce paroxysme en question est souvent dramatique, et c’est toute la beauté de l’exercice. Malgré l’absence de mots, on a tout de même l’impression qu’on nous raconte une histoire musicalement. Et c’est à ce moment-là que j’ai arrêté de prendre mes notes et de me mettre à danser, ressentant les vibrations que Piezo tentait de nous transmettre. Avec un public majoritairement vêtu de noir, toutes les générations y étaient représentées. Du jeune universitaire un peu bourré, qui est en pleine semaine d’initiation, à la sexagénaire BCBG au sac coloré, en passant par la fille aux cheveux bleus ou le jeune homme avec une chemise avec le Christ dessus, tout le monde semblait en avoir pour son compte.
L’artiste en moi tentait de comprendre quel bouton était responsable de quel son, mais de là où j’étais, ce n’était pas évident de voir. L’autre élément intéressant de ce style de musique, c’est qu’on ne sait pas toujours quand une chanson termine, et lorsque l’autre commence. C’est peut-être cela qui est plaisant, puisque ça vient changer tous les codes de la « musique » en ayant carte blanche pour faire ce que le DJ souhaite.
Tout cela nous donnait l’impression d’être dans un univers futuriste, avec un mélange de la signature de l’artiste, à savoir des rythmes percussifs rapides et des rebondissements mélodiques inattendus. Finalement, c’était vraiment pas mal pour une initiation dans ce nouveau monde pour moi. J’ai presque hâte à dimanche lorsque je couvrirai le spécial Piknik Electronik de Mutek. Je vous en reparlerai.
Crédit Photo: Vivien Gaumand
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MUTEK 2024 I BRIAN ENO, l’expérience cinématographique générative
par Stephan Boissonneault
Roxy Music vers 1973, l’androgynie personnifiée, l’ère berlinoise, les sessions de Heroes Bowie, la raison pour laquelle nous, les humains, aimons la musique… les cartes de stratégies obliques. Toutes ces réflexions et ces moments dans le temps – souvenirs de l’illustre carrière de Brian Eno, qui s’étend sur cinq décennies – apparaissent sur l’écran du Théâtre Maisonneuve – parfois seuls, parfois en un seul ensemble fou. Et cette paire ou itération spécifique ne sera jamais montrée à l’écran à nouveau. Cette itération n’est destinée qu’à nous, le public.
ENO. est un documentaire génératif sur l’impulsion artistique et l’histoire du grand Brian Eno, le père de la musique ambiante, un producteur de musique recherché et l’une des raisons pour lesquelles les synthétiseurs sont devenus courants. Créé par le cinéaste Gary Hustwit, le film utilise la technologie de l’intelligence artificielle pour créer une expérience visuelle différente à chaque projection. Hustwit lui-même mixe le film en direct et le guide parfois depuis la console BRAIN ONE sur scène. Grâce à des archives de plus de 500 heures de sessions en studio, d’interviews, de vidéos musicales et autres, ainsi qu’aux quelque 50 heures que Hustwit a obtenues d’Eno lui-même, ce film est un trésor pour tout amateur de musique ou artiste – parfait pour le public de MUTEK.
Le style documentaire génératif a été le seul moyen pour Hustwit de convaincre Eno d’accepter de participer au projet. Pour quelqu’un dont la carrière a été à la pointe de la technologie et de la créativité musicales et qui a changé notre façon de faire et d’écouter de la musique, je ne vois pas de meilleur sujet pour ce style émergent.
Je ne peux que dire ce que nous avons vu, qui a suivi de nombreuses tendances des documentaires musicaux : une ascension vers la célébrité, des séances de studio floues avec Bowie, John Cale, U2, la vie quotidienne d’Eno, qui a maintenant plus de 70 ans, mais aussi des moments d’abstraction pure, mis en évidence par des obélisques multicolores, des disques, et des dessins numériques cubistes.
Still from ENO.
Le film fait aussi parfois des sauts dans le temps, comme le montre l’écran qui affiche un certain nombre de séquences telles que : eno._1975_discreetmusic, Dutchtv_interview_hats, Bowie_milk_ambient. C’est l’IA qui décide du prochain morceau à montrer et les résultats sont parfois extraordinaires, d’autres fois un peu égoïstes. On ne sait jamais vraiment quel moment du temps va suivre avec Eno, ce qui en fait un film vivifiant à regarder. Bien qu’il ait été réalisé par un cinéaste, il y a quelques tendances à suivre un flux narratif. Par exemple, lorsque Eno s’amuse avec un Ominchord et que Hustwit lui demande s’il a utilisé l’instrument pour d’autres musiques, Eno évoque Apollo. La transition est trop parfaite pour être générée de manière aléatoire, mais d’un autre côté, ce n’est peut-être pas le cas.
Eno est également une source documentaire parfaite. Il tenait des piles de journaux, possédait de véritables archives de bandes magnétiques et tous les formats d’enregistrement connus de l’homme, ainsi qu’une mémoire fantastique. Sa vision de l’art en général est une véritable source d’inspiration. Je pourrais passer des heures à l’écouter divaguer sur l’abstraction de l’art, son processus créatif et la façon dont les chansons sont écrites. Il y a aussi quelques moments drôles de vieil homme lorsqu’il s’énerve contre les publicités constantes sur YouTube avant de jouer Open & Close de Fela Kuti et de parler de l’énorme inspiration qu’il a eue pour lui et pour son travail avec Bowie et Talking Heads. Le documentaire regorge de ces moments en or de l’histoire de la musique.
Cette version particulière de Eno. a mis l’accent sur l’abandon à l’art, ou dans ce cas à l’IA, ce que Hustwit doit faire chaque fois qu’il montre le film. Par exemple, cette version ne contient pas d’interviews de David Byrne, l’une des parties préférées de Hustwit. Il a parlé en détail de cet « abandon » artistique pendant les questions-réponses, ainsi que de l’avenir de la technologie générative dans l’industrie cinématographique. Ce film m’a donné envie de me plonger dans les œuvres les plus obscures d’Eno, mais il m’a aussi fait réfléchir à la structure des films, de la musique et de l’art. Pourquoi l’être humain aime-t-il la répétition ? Pourquoi regardons-nous le même film encore et encore ? Pourquoi n’avons-nous pas encore franchi le pas vers plus d’abstraction et de hasard dans l’art ? ENO. est innovant parce qu’il est l’un des premiers à le faire.
L’équipe de PAN M 360 sillonne l’entière programmation de MUTEK 2024 et y observe un maximum d’artistes au cours de cette 25e édition de sa version montréalaise. Suivez nos expert.e.s jusqu’à dimanche soir, aucune autre couverture médiatique de MUTEK ne s’annonce aussi considérable!
Panorama: I’m feeling lucky ne pouvait s’apprécier que si toutes les clés interculturelles se mettaient en exergue.
Ce film immersif, aux premiers abords, semblait simpliste et divertissant. Survolant, à même le sol, un paysage de plaine, de forêt et de steppe, en contexte diurne et nocturne, sous un ciel bleu décoré de quelques cumulus blanc, on avait l’impression de plâner tel un oiseau. Le son immersif quant à lui était couplé avec des nappes claires et infinies, des gazouillis d’oiseaux en plein printemps et divers bruitages. Des personnages apparaissaient et disparaissaient au gré du hasard.
Et pourtant, rien n’était évident. Plus le film défilait, plus le doute s’instaurait quant à la signification de l’œuvre, du lieu, de l’identité des individus et de la temporalité. L’approche initiale simpliste a laissé place à la complexité et le multiple étalage des contenus.
En effet, les deux artistes, Timothy Thomasson & Tatum Wilson, ont mis sur pied une une installation générée en temps réel par ordinateur, qui interroge les relations à l’image, à la géographie, à l’espace virtuel, à la technologie des médias historiques et aux systèmes de collecte de données massives. Inspiré par la peinture panoramique du 19e siècle et peuplé de milliers de figures tirées de Google Street View, ce film a eu l’effet attendu. Celui de nous interroger sur notre monde moderne en constante évolution où la confusion et l’arsenal des images nous mènent à l’hébétement collectif.
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Originaire de Memphis, évoluant en Californie et en tournée régulière à l’internationale, l’Américaine Bored Lord a distillé une performance euphorisante sur l’Esplanade Tranquille. Munie de ses synthés analogiques, boîtes à rythme et contrôleur, Daria Lourd était majestueuse! Tout en finesse et en douceur, elle gravait piste par piste des lignes de basses très rondes, des échantillons de voix suaves sur fond de breakbeat. Connue pour ses sets club UK garage, on pouvait tout de même noter la tendance franchement funk pour cette prestation. Bored Lord a tourné la page rave-trance de Maara avec virtuosité et le public de Mutek s’est endiablé sur une toute autre référence. L’Américaine est une productrice aguerrie et une habituée des raves, clubs et autres scènes. L’étiquette T4T LUV NRG a promu nombre de ses EPs. Par ailleurs, la fondatrice-DJ-productrice Octo Octa a suivi Bored Lord avec un dj set électro de deux heures sur platine vinyles.
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Mercredi soir, une ambiance digne d’une rave souterraine entre le fin fond de la nuit et le début de l’aube s’est instaurée sur la scène de l’Expérience 2 dès 18h45. À peine posée sur ses machines, la Montréalaise Maara a distillé un live set enflammé. L’énergie était palpable dès les premières minutes, même si la performance s’est faite par montées progressives du BPM, oscillant aux alentours de 130 à 170. La dominante fut franchement techno, parsemée de trance, dubstep et jungle. Des échantillons de voix filtrées à souhait. Les transitions entre chaque morceau était si fluide que le public restait en haleine et l’adrénaline ne pouvait absolument pas retomber! Productrice en pleine ascension mondiale -EP Ultimate Reward sur NAFF Recordings, EP Potion Activated sur Sonido Isla, le morceau The Forbidden Plum mis en nomination pour la meilleure chanson 2021 par Resident Advisor- la montréalaise a déployé tous ses talents pour électriser la foule en travaillant sa performance tel un dj set. En effet, il était courant qu’elle mette en sourdine les basses, passe quelques voix sous échos ou ajoute un léger délai afin de maintenir la tension et l’électricité. Vraiment. Maara nous a fait RAVER!
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Un autre chouchou des hipsters s’est réinventé à MUTEK dans le cadre de L’Événement spéciale de MUTEK, et pas le moindre. Colin Stetson épate la galerie depuis une quinzaine d’années, pour l’usage inédit qu’il fait des saxophones. L’effet d’admiration a longtemps duré mais nous étions dû pour une relance conceptuelle car nous étions en voie de perdre de l’intérêt.
Originaire d’Ann Arbor, célèbre ville universitaire du Michigan, Stetson a choisi Montréal dans les années 2000, on l’a vu jouer auprès d’Arcade Fire, Bell Orchestre et Bon Iver, on a assisté maintes fois à ses spectaculaires performances en solo ou encore en duo avec la violoniste Sarah Neufeld de qui il a été amoureux pendant quelques années, ou même avec une orchestre de chambre se consacrant à Henryk Gorecki – Sorrow, en 3 mouvements. La puissance de sa respiration circulaire permettant un son continu, l’usage de micros contacts sur son instrument et son propre corps et son inclination pour les boucles de notes enregistrées et superposées en temps réel, voilà autant de particularités ayant rendu son jeu célèbre.
Cela étant convenu, cette approche puisant dans le free-jazz et l’électroacoustique tendait à s’essouffler ces dernières années… jusqu’à mercredi en ce qui concerne le public présent au New City Gas!
Aux saxophones, dont l’imposant saxo basse, Colin Stetson a maintenu le cap en tant que souffleur et aussi chanteur (parfois) en simultané, les mêmes techniques y ont été mises à profit mais… Cette fois, on a au accès à une version post-industrielle, darkwave, bruitiste, bref nettement plus violente de cette musique déjà très dynamique.
Stetson s’exprime généralement avec une surimpression de trois ou quatre pistes distinctes, généralement créées en temps réel. Or, cette fois, c’était très musclé, c’était très hard et personne ne s’en plaindra. Avis aux intéressé.e.s, la matière jouée à MUTEK a été enregistrée en studio, l’album The love it took to leave you est prévu pour septembre sous étiquette Envision.
crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin
MUTEK 2024 | Kara Lis Coverdale dans un contexte difficile
par Alain Brunet
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Depuis plus ou moins une décennie, on louange le travail de l’Ontarienne Kara Lis Coverdale, organiste classique férue de musique sacrée et… reconvertie à l’ambient expérimental. De plus en plus importante, son œuvre contemporaine a été diffusée dans des églises mais aussi dans des contextes électro-immersifs comme celui de la Satosphère ou du festival Akousma.
Dans le contexte du New City Gas, c’était moins propice, et ça n’avait pas grand-chose à voir avec la qualité de sa musique.
D’autres facteurs ont joué en sa défaveur.
Coincée en sandwich entre Patrick Watson et Colin Stetson, ses musiques calmes et aériennes d’entrée de jeu ont mis du temps à capter l’attention au New City Gas, dans le cadre de l’Événement spécial de MUTEK 2024.
Les mélomanes près de la scène semblaient écouter mais le niveau d’attention baissait de plus en plus lorsqu’on se dirigeait au fond de l’immense discothèque. Force était d’admettre que le public était venu pour entendre les collègues masculins et une minorité connaissait son travail d’entrée de jeu. La musique de Kara Lis Coverdale exige une attention soutenue pour qu’on en relève toutes les subtilités, les conditions n’étaient pas réunies pour qu’on y parvienne.
Alors tous les éléments finement ciselés de cette musique plus horizontale que verticale – drone, ambient, musique sacrée, musique classique, etc.- étaient moins perceptibles qu’ils ne l’auraient été en d’autres lieux, on n’en retenait que les ambiances feutrées et les mélodies vaporeuses, trop délicates dans un contexte difficile. Dans un tel programme triple, il eut fallut que les choses deviennent plus rythmées, plus hard, plus dynamiques pour que les gens délaissent le small talk et se mettent à l’écoute.
Or, ce n’est pas le propos de Kara Lis Coverdale. Et donc ce ce n’était pas le meilleur contexte pour l’effet wow. Dans le silence et l’immersion totale d’une autre soirée, d’une autre salle, d’un autre programme, la même performance auraient généré beaucoup plus d’enthousiasme et de félicité. Enfin…. comme les miennes, quelques centaines de paires d’oreilles ont su se concentrer et reconnaître son talent si spécial.
MUTEK 2024 | Patrick Watson électro-instrumental, la clé de sa pérennité
par Alain Brunet
L’équipe de PAN M 360 sillonne l’entière programmation de MUTEK 2024 et y observe un maximum d’artistes au cours de cette 25e édition de sa version montréalaise. Suivez nos expert.e.s jusqu’à dimanche soir, aucune autre couverture médiatique de MUTEK ne s’annonce aussi considérable!
Lorsqu’on repasse attentivement l’œuvre d’un créateur de chansons, on réalise plus souvent qu’autrement la récurrence de certaines progressions d’accords et trajectoires mélodiques. On l’observe assurément chez Patrick Watson, sans compter l’usage de sa voix de tête haut perchée, de contre-ténor moins disposé à user de sa voix de corps, plus grave et de texture différente. À un certain stade, cependant, on peut se lasser de cette récurrence qui nous semble devenir redondance.
Pat Watson a-t-il ressenti les choses ainsi? On peut présumer que l’artiste montréalais avait saisi l’enjeu, puisqu’il est parvenu à relancer sa proposition musicale à travers cette soirée électro-instrumentale. Tenue au New City Gas au deuxième soir de MUTEK 2024 dans le contexte de son événement spécial, et ce devant une salle pleine à craquer.
Ce qu’on a pu y découvrir et apprécier sera éventuellement filtré, transformé, amélioré jusqu’à l’obtention d’un enregistrement pérenne, au plus grand plaisir de ses fans. Chose certaine en ce qui me concerne, là est la clef de la pérennité de Patrick Watson pour les années à venir. Sans se renier, il devait procéder à ce remue-méninges et remue-ménage pour rafraîchir sa proposition sans se renier. C’est ce à quoi il consent désormais et c’est ce à quoi nous avons assisté mercredi.
Les premières mesures de ce concert intitulé Film Scores for No One nous ont mené vers une forme ambient richement texturée et horizontale, c’est-à-dire sans variations importantes. Le trio était constitué de claviers dont les synthétiseurs modulaires faits sur mesure et le proverbial piano droit de PW, de percussions déployées par Olivier Fairfield (Timber Timbre, FET.NAT, etc.), de basse et compléments électroniques par Mishka Stein (un régulier de PW, mais aussi de TEKE::TEKE et plus encore).
Peu à peu, les patterns compositionnels du principal intéressé sont réapparus progressivement, notamment ces ambiances impressionnistes françaises au piano (Satie et cie) ou minimalistes américaines (transposées aux synthés) se sont glissées à travers les sons naturels ou synthétiques, filtrés, transformés pour la plupart.
La banque de sons mis à contribution s’était donc enrichie de moult textures, couleurs et motifs, force était d’observer pendant que des éclairages et projections d’images-mouvement frappaient les toiles translucides pour ainsi créer un effet 3D plutôt artisanal mais beau, hipster comme il se doit. Le concert s’est conclu sur un chant insoupçonné du normalement chanteur. La voix était vaporeuse, parfois modifiée, autotunée.
J’avoue que je m’attendais à moins que plus, les changements notoires dans l’œuvre de Patrick Watson me semblaient de plus en plus loin derrière nous. Ce fut donc plus que moins. Et c’est pourquoi il est d’autant plus réjouissant de rappeler à quiconque qu’il est toujours temps de se réinventer s’il le faut, tant et aussi longtemps que le coeur bat et que la caboche fonctionne.
crédit photos : Frédérique Ménard Aubin
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MUTEK 2024 I Nocturne 2, soirée stroboscopique avec SEULEMENT, No Plexus et Jacques
par Stephan Boissonneault
L’équipe de PAN M 360 sillonne l’entière programmation de MUTEK 2024 et y observe un maximum d’artistes au cours de cette 25e édition de sa version montréalaise. Suivez nos expert.e.s jusqu’à dimanche soir, aucune autre couverture médiatique de MUTEK ne s’annonce aussi considérable!
Le premier acte de cette soirée Nocturne était un acte que je voulais particulièrement voir, SEULEMENT, l’alter ego du musicien/producteur montréalais Mathieu A. Seulement. On ne l’a pas beaucoup vu depuis ses débuts avec l’EX PO il y a plus de trois ans, mais à MUTEK, il a présenté une nouvelle performance qu’il appelle Bricolage Architecture, une performance de synthétiseur modulaire AV tordant avec des formes et des images sporadiques, des basses lourdes et des tonnes de stroboscopes. SEULEMENT adore le stroboscope, on pourrait même dire qu’il est un artiste du stroboscope, car chaque performance en direct comporte des éclairs de lumière volontaires. Cela fait autant partie de la musique que les patchs qu’il construit pour créer ses paysages sonores électroniques en direct. Il est impossible de regarder la performance dans son intégralité sans regarder le sol ou s’éloigner des écrans. La musique était très SEULEMENT, s’entrelaçant avec des gouttes complexes et décalées, des bleeps et des bloops, et l’étrange livraison vocale anthemique. Je suis curieux de savoir si nous aurons un album accompagnant Bricolage Architecture.
Le duo électronique d’Amsterdam, No Plexus, qui s’identifie lui-même à un genre particulier, a commencé par des chansons un peu à la Björk et à la Portishead, avec des effets vocaux sauvages et des synthés industriels profonds. Ensuite, c’est devenu une sorte d’hyper-pop bizarre, avec un peu de dubstep et des paroles un peu trop faciles sur le fait d’être « typiquement millénaire ». Cette partie n’était pas ma tasse de thé, mais certains des plus jeunes ou des plus âgés ont semblé l’apprécier. Les visuels étaient très cool et MUTEK-y, avec des fleurs et des formes en mutation, et à un moment donné, lorsque le chanteur a été diffusé en direct, cela a créé une ambiance de type Black Mirror. Cependant, certaines voix étaient trop exagérées et parfois un peu trop perçantes.
J’étais un peu fatigué par No Plexus, alors je me suis aventuré au fond de la salle avant de voir Jacques, un artiste du son et de la vidéo de Paris, France. Jacques a immédiatement apporté la chaleur, même si son micro à tube bizarre, qui sonnait comme un didgeridoo numérique, coupait dans tous les sens, dansant sur scène avec sa lourde vague de crime européen et sa trompe de chatouillement d’objets. La performance vidéo était vraiment intéressante à regarder : Jacques enregistrait le son et la vidéo d’un objet de tous les jours, comme un fouet, et le mixait en direct sur l’écran. Mais Jacques est allé très loin et a fait cela avec quatre ou cinq objets différents, créant ainsi un effet hypnotique. Je pense que d’autres artistes audiovisuels pourraient s’inspirer de Jacques.
crédit photos : Vivien Gaumand
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