L’OSM reprend du service à l’orée de 2024, la Maison symphonique vibre cette semaine au son de Mahler et Szymanowski et ses occupants s’en portent très bien.
Simone Lamsma ne figure pas dans la liste Wikipédia des violonistes néerlandais de très haut niveau, mais cela ne saurait tarder. Pas exactement un pied de céleri ! Il faut effectivement un son d’enfer pour transcender la partition de ce fabuleux Concerto pour violon no 1 de Karol Szymanowski, qui fréquente régulièrement les hautes fréquences, notamment dans les parties sans accompagnement symphonique.
Les notes doivent être particulièrement bien appuyées pour éviter tout agacement dans les aiguës, ce que la musicienne accomplit dans les meilleures dispositions. Qui plus est, le jeu étincelant de Simone Lamsma inclut une articulation sans failles apparentes en haute vélocité.Qui plus est, l’intelligibilité de son interprétation n’est que très rarement réduite par l’orchestre dont le maestro a prévu un soutien quasi impeccable.
La relation musicale entre Rafael Payare, l’OSM et la soliste laisse assurément présager d’autres rencontres à venir. On applaudit ce choix du Concerto no 1 pour violon de Szymanowski, car ce compositeur né dans une zone frontalière de la Pologne (aujourd’hui faisant partie de l’Ukraine) a œuvré durant la même période que les grands compositeurs pré-modernes et modernes, soit au tournant du siècle précédent. On y observe des avancées harmoniques, une diversité rythmique, une modernité mélodique et des orchestrations comparables à celles des compositeurs les plus joués de cette époque.
Voilà un choix judicieux de la part de la direction artistique de l’OSM, qui mise aussi sur la découverte d’un répertoire moderne, dont cette œuvre considérée par les spécialistes comme le premier concerto moderne pour violon et orchestre.
Quant à la Symphonie no 7 de Gustav Mahler, une œuvre colossale de 77 minutes répartie en 5 mouvements, l’effet est plus que frappant – sans compter les frappes inappropriées des applaudissements d’une part de l’auditoire qui n’est jamais réprimandée par l’OSM, un choix d’accessibilité qui se défend certes, mais qui met à l’épreuve la tolérance de la majorité des mélomanes présents dans la salle.
Il faut certes très bien connaître ses meilleures interprétations de cette 7e symphonie de Mahler pour en déceler les petites failles perçues mardi soir, quelques ajustements seront requis pour atteindre l’excellence de la 5e, jouée magistralement par l’OSM et Payare, l’hiver dernier. Au premier de trois concerts du même programme, tout indiquait que l’orchestre montréalais et son chef pouvaient d’ores et déjà ravir l’auditoire et que les ajustements apportés cette semaine mèneraient à une exécution top niveau. On l’a vu et entendu au premier mouvement, un peu moins réussi que les autres, il est très difficile de bien rendre compte de cette dialectique orchestrale entre les ombres de la nuit et la lumière du jour, entre les moments de petit bonheur incarnés par des airs plus légers et les ambiances sombres et dramatiques.
Gustav Mahler était assurément une être tourmenté, mais on ne pourra pas l’accuser de ne pas avoir recherché les éclaircies de l’existence humaine, d’où ce clair-obscur déployé au long de cette 7e symphonie construite autour d’un scherzo central. Ce dernier est enrobé de deux mouvement sombres et nocturnes émaillés d’étoiles, on parle ici des fameux Nachtmusik 1 et 2, le tout coiffé d’un rondo-finale.
Le cinquième et dernier mouvement évoque ironiquement la quête du petit bonheur si l’on est attentif à sa subtile caricature. Quête à peu près impossible dans l’univers de Mahler… les ténèbres n’y finissent-ils pas par l’emporter, paradoxalement à notre plus grand plaisir ?
crédit photo: Antoine Saito