musique contemporaine

Le Vivier InterUniversitaire | Interpréter l’éclipse

par Judith Hamel

Ce samedi 25 janvier, à l’Espace Orange de l’Édifice Wilder, avait lieu la 9e édition du concert annuel du Vivier InterUniversitaire, mettant de l’avant les compositeurs·rices en émergence sur le terrain de la création musicale contemporaine. Huit œuvres originales ont ainsi pris vie entre les mains d’interprètes universitaires de talent. 

Le concert s’est ouvert avec Shape Games for Saxophone Quartet (2022-2023) de Leo Purich. Dans cette pièce, des éléments visuels projetés sur écran géant présentaient huit dessins géométriques. Quatre d’entre eux ont servi d’inspiration musicale pour interpréter ces formes et les traduire en sonorités qui en repoussent les limites.

On poursuit avec Eclipse (2024) d’Edwin H. Ng, une œuvre pour alto seul inspirée par l’éclipse solaire totale de 2024. Le compositeur y traduit l’obscurité qui s’impose au cœur du jour, jusqu’aux subtils rayons lumineux filtrant à travers l’ombre. C’est en comprenant cette démarche que l’œuvre prend tout son sens.  Le timbre de l’alto se prête à cette dichotomie entre ombre et lumière tandis que le jeu des cordes permet de représenter le mouvement du noircissement du jour et des rayons qui arrivent à nos pupilles bien protégées. 

La troisième œuvre au programme est Hélpide Dulce, Escampas (2023) de Pablo Jiménez. Cette pièce pour quatuor à cordes nous plonge dans un univers sonore bruissant. Des clusters surgissent, les instruments se superposent et créent un fond sonore à la fois organique et inquiétant. Un chaos organique, très bien construit, qui oscille entre un langage raffiné et une expressivité brute et évocatrice. À la Jacob Collier, Jiménez fait son salut, crocs au pied, sous des applaudissements chaleureux du public. 

Puis, l’œuvre Wistful Fragments (2024) de Jonas Regnier pour trompette avec traitement électronique en temps réel invite à une exploration de nos souvenirs auditifs en mettant en scène des enregistrements de la vie quotidienne. La sélection de paysages tels qu’une ambiance urbaine, des chants d’oiseaux, un jeu de piano, et l’enchaînement des fragments m’ont semblé manquer un peu de cohérence, mais malgré cela, l’alliage entre la trompette et les traitements électroniques était habilement construit. Le compositeur exploite à son plein potentiel les possibilités expressives du mélange entre ces deux sources sonores. 

La cinquième œuvre, Composition pour sextuor (2023) de Jules Bastin-Fontaine, met de l’avant un travail minutieux des contrepoints et des textures. Le choix des instruments favorise des superpositions sonores qui génèrent des textures nouvelles. Des corps résonnants comme les flûtes et la clarinette basse sont utilisés pour créer des fonds sonores réverbérants. Bien que l’expressivité de cette pièce n’ait pas été marquante pour moi, le soin apporté à la construction des textures mérite d’être souligné.

La sixième œuvre, Tracé, Fossile (2023) pour violon et violoncelle d’Alexandre Amat, met de l’avant les distorsions produites par une pression excessive de l’archet. Ce procédé génère des sonorités bruitistes qui imprègnent l’ensemble de la pièce. Plutôt que de s’appuyer sur des motifs mélodiques fondés sur des hauteurs, l’œuvre explore une musicalité axée sur la masse sonore, qui se densifie ou s’allège en fonction des intentions musicales. 

L’avant-dernière pièce est The Mockingbird (2024) d’Anita Pari pour quatuor à cordes. L’œuvre privilégie une musicalité d’ensemble où l’on sent un souffle commun tout au long de l’exécution. Cette cohésion permet d’amplifier les passages dramatiques. Comme le titre l’annonce, l’œuvre évoque une ambiance gazouillante alliant un langage musical raffiné et une dimension organique et poétique qui résonne de manière authentique. 

La soirée s’est conclue avec Shards of Bengaluru Bill (2023) de Alexander Bridger, une œuvre pour flûte, clarinette, accordéon, alto, contrebasse. Vêtus de couleurs vives, deux interprètes ont marqué la mesure dans certains passages de l’œuvre, un geste qui semblait planifié, mais qui nous paraissait quelque peu étrange ou avec un doute flottant. Cela dit, l’instrumentation, en particulier l’utilisation de l’accordéon et de la contrebasse, apportait une dimension sonore originale. 

Parmi les œuvres présentées, celles d’Edwin H. Ng, Pablo Jiménez et Alexandre Amat ont été mes coups de cœur de la soirée.

En somme, ce fut l’occasion de découvrir les talents prometteurs de la nouvelle génération de compositeur·rices, soit une grande majorité d’hommes malgré les valeurs d’accessibilité et d’inclusion mises de l’avant dans ce contexte. L’atteinte de la parité demeure un processus laborieux et complexe, force est de déduire.

crédit photo: Claire Martin

Tout le contenu 360

Festival des Saveurs | Carminda Mac Lorin, la femme aux multiples chapeaux

Festival des Saveurs | Carminda Mac Lorin, la femme aux multiples chapeaux

SAT X EAF | Amselysen et le parfum idéal d’un tueur en série

SAT X EAF | Amselysen et le parfum idéal d’un tueur en série

Festival Classica 2025 | Violoncelles au féminin

Festival Classica 2025 | Violoncelles au féminin

MIKE, Navy Blue et Mike Shabb donnent une leçon de rap au Théâtre Fairmount

MIKE, Navy Blue et Mike Shabb donnent une leçon de rap au Théâtre Fairmount

Nuits d’Afrique 2025: TOUT sur la programmation

Nuits d’Afrique 2025: TOUT sur la programmation

Festival des Saveurs – La jeunesse à l’honneur

Festival des Saveurs – La jeunesse à l’honneur

Grand Piano – Mathieu Boogaerts

Grand Piano – Mathieu Boogaerts

Festival Classica : Une ode à l’espoir avec Elvira Misbakhova

Festival Classica : Une ode à l’espoir avec Elvira Misbakhova

OSM | Du ciel à la Terre

OSM | Du ciel à la Terre

Festival des Saveurs | Aldo Guizmo fonce « Str8 Forward »

Festival des Saveurs | Aldo Guizmo fonce « Str8 Forward »

Backxwash – Only Dust Remains

Backxwash – Only Dust Remains

Deafhaven – Lonely People with Power

Deafhaven – Lonely People with Power

Transformer Hiroshima mon amour en opéra contemporain: Christian Lapointe et Rosa Lind racontent

Transformer Hiroshima mon amour en opéra contemporain: Christian Lapointe et Rosa Lind racontent

Charlotte Brousseau – Plus de fleurs que de fleuve

Charlotte Brousseau – Plus de fleurs que de fleuve

« Hiroshima, mon amour »: une soirée pour se rappeler

« Hiroshima, mon amour »: une soirée pour se rappeler

Molinari : l’intégrale des quatuors de Chostakovitch en trois programmes REPORTÉE

Molinari : l’intégrale des quatuors de Chostakovitch en trois programmes REPORTÉE

Walter Boudreau et Quasar autour de Chaleurs: l’interview mammouth!

Walter Boudreau et Quasar autour de Chaleurs: l’interview mammouth!

Ken Pomeroy – Cruel World

Ken Pomeroy – Cruel World

Piknic 2025 | Bellavie de MTL, house et afro-descendance

Piknic 2025 | Bellavie de MTL, house et afro-descendance

L’art du trait: l’euro vision de Klangkarussell à la SAT

L’art du trait: l’euro vision de Klangkarussell à la SAT

Festival des Saveurs | Du reggae à l’honneur pour la clôture

Festival des Saveurs | Du reggae à l’honneur pour la clôture

Centroamérica – un docu-fiction puissant sur la vérité et les liens à l’ère de la distance et du déni

Centroamérica – un docu-fiction puissant sur la vérité et les liens à l’ère de la distance et du déni

Lido Pimienta – La Belleza

Lido Pimienta – La Belleza

Tamir Barzilay – Phosphene Journal

Tamir Barzilay – Phosphene Journal

Inscrivez-vous à l'infolettre