On peut en témoigner au sortir de ce programme présenté vendredi à la Maison symphonique, il y a un lien fort entre Rachmaninov et l’Orchestre de Philadelphie. Le maestro Eugene Ormandy, chef principal à Philly de 1938 à 1980, a dirigé la première mondiale des Danses symphoniques en janvier 1941 en la présence du compositeur russe transplanté aux USA depuis la révolution bolchévique. Sous la baguette d’Ormandy, l’Orchestre a enregistré trois de ses concertos pour piano entre 1939 et 1941. Le maestro Leopold Stokowski a aussi enregistré deux versions du deuxième concerto pour piano de Rachmaninov.
On comprendra le choix de l’exécution réussie de la Symphonie No 2 pour cette tournée de l’Orchestre de Philadelphie, à l’évidence toujours l’un des 5 plus importants sur le continent nord-américain – le fameux Big Five.
On en constate l’envergure en temps réel, chaque section se trouve à un niveau supérieur aux moyennes internationales en matière symphonique. Bien sûr, il peut y avoir à redire sur de menus détails mais grosso modo, on se pâme devant cette supériorité orchestrale. On admire toutes les sections de l’Orchestre, on se range particulièrement du côté des cordes dont la richesse timbrale, l’articulation d’ensemble et la maturité collective sont tout simplement exemplaires.
On voyait Yannick Nézet-Séguin se réjouir de tant de beauté pendant qu’il dirigeait cette œuvre post-romantique, une œuvre archi-connue, même pour plein de gens qui ne l’ont jamais clairement identifiée et qui pourraient pourtant en reconnaître l’air principal de son 3e mouvement, adagio magnifiquement interprété vendredi soir. Or cette œuvre relève d’une esthétique beaucoup plus proche de la deuxième tranche du 19e siècle que du milieu du 20e . Cette musique plutôt retardataire plaisait tant à l’élite mélomane nord-américaine et aux producteurs d’Hollywood.
En première partie de programme, on a eu droit à la 4e Symphonie de la compositrice afro-américaine Florence Price (1887-1953), authentique pionnière de sa communauté dans le monde classique, que YNS a d’ailleurs enregistrée avec l’Orchestre de Philadelphie. À l’instar des compositeurs de sa générations aux USA, on pense notamment à George Gershwin, Florence Price entreprit d’intégrer à une approche post-romantique certains éléments de la culture populaire afro-américaine et de son répertoire sacré, d’où la singularité de cette esthétique qui fut rapidement récupérée par Hollywood et les séries télévisées… et qui fut méprisée par l’élite mélomane, vous vous en doutez bien.
Crédit photo: François Goupil