Festival Bach | Les plaisirs de la sonate selon Diderot

par Alexandre Villemaire

C’est dans le cadre serein d’une Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours pratiquement remplie que s’est produit l’Ensemble Diderot, ensemble de musique reconnu entre autres « pour sa vocation de redécouvrir et interpréter sur instruments d’époque le répertoire des XVIIe et XVIIIe siècles et à révéler les liens tissés entre interprètes, compositeurs, cours et écoles d’une Europe musicale baroque sans frontières. »

Déjà venu au Festival Bach il y quelques années, le violoniste et directeur artistique de l’ensemble, Johannes Pramsohler a cette fois-ci amené ses amis Roldán Bernabé et Simone Pirri (violons), Eric Tinkerhess (violoncelle) et Philippe Grisvard (clavecin et orgue) à Montréal pour présenter un programme centré autour d’œuvres de la génération précédant celle du Kantor de Leipzig. Le répertoire de la soirée était assez unique et relativement mystérieux, en ce sens qu’il s’agissait d’une enfilade de sonate pour trois violons qui se définit par « son utilisation de trois voix dans le registre aigu du violon soutenues par une voix de basse permettant l’expression d’un jeu virtuose plus personnel ainsi qu’une écriture musicale plus complexe » qui n’est pas à confondre avec la sonate en trio – genre emblématique et très présent à l’époque baroque et régi selon des règles différentes. La sonate pour trois violons était un genre à ce point unique et expérimental que les compositeurs qui s’y sont attelés n’en ont composé bien souvent qu’une seule. Nous entendions donc pour une bonne part l’essentiel du catalogue de ces sonates comme l’ont indiqué avec humour Johannes Pramsohler et Philippe Grisvard dans leurs quelques interventions au public. Pour son premier passage dans la métropole, l’Ensemble Diderot a livré une performance empreinte de subtilité et de dynamisme marqué. Un dynamisme qui n’était pas exempt de difficulté alors que les cordistes devaient composer avec des instruments que les fluctuations de température obligeaient les instrumentistes à réaccorder quasi systématiquement entre chaque pièce.

La première partie a mis la table de manière équilibrée et honnête. Les sonates de Gabrielli et Fontana ont donné lieu à de beaux échanges de passages violonistiques soutenus par un continuo rond et sonore et des élans mélodiques offerts par l’orgue. La Sonata a 3 violini de Schmelzer a été imaginé par les musiciens de Diderot comme une évocation du Jugement de Pâris, épisode important de la mythologie grecque qui opposent les déesses Héra, Athéna et Aphrodite. Le prince de Troie, Pâris, doit remettre une pomme à la plus belle d’entre elles. Les dialogues musicaux sont ici fortement idiomatiques passant d’un mouvement tendre et lyrique, à un thème plus animé et énergique pour finir par une page au caractère de supplication proche du recueillement. La Sonate pour 3 violons de Johann Fux, sans continuo, est un étrange entremêlement de lignes musicales contrapuntiques variées, qui nous laisse une impression de fouillis harmonique, malgré des nuances et dynamiques subtiles et parfaitement exécutés.

C’est particulièrement dans la deuxième partie du concert que c’est vraiment manifesté l’inventivité et l’esthétique du type de sonates dont l’Ensemble Diderot s’est fait le représentant. Ouvrant la deuxième partie, la Sonata in Eco de Marini nous a permis d’apprécier le jeu virtuose et vocal de Pramsohler auquel répondait celui de ses camarades Bernabé et Pirri depuis l’arrière du chœur de la chapelle, amplifiant ainsi l’effet d’écho que la pièce appelle par l’emploi de la répétition des derniers segments des lignes musicales des violons. La Sonata Seconda de Giovanni Buonamente évoque pour les musiciens la figure mythologique des Parques, ces êtres qui tissent le destin de chaque individu. Les lignes musicales, typiques d’une inspiration de la canzone, sont portées par un effet imitant un rouet chez les violons qui se conclut par un coup d’archet sec et sonore au violoncelle symbolisant une vie qui vient d’être coupée. Synthèse éclatée des écritures de la forme sonate, la Sonata decima du néerlandais Carolus Hacquart, exceptionnellement construite en quatre mouvements est frivole, agile et stylistiquement varié. Considéré comme l’inventeur du concerto, la sonate de Torelli porte la marque de cette influence avec des tutti sonores et claironnant. En guise de conclusion, une sonate d’Antoine Dornel empreinte de dramatisme qui a été chaudement applaudi. En guise de rappel, les musiciens ont offert un cadeau nuptial, soit le fameux Canon de Pachelbel : une œuvre certes surjouée, mais qui était traitée avec bon goût et vivacité. Comme quoi, on n’a pas à bouder son plaisir, surtout quand on est accompagné par la fantaisie et la rigueur de l’Ensemble Diderot.

Le Festival Bach se poursuit jusqu’au samedi 2 décembre. Pour voir la programmation détaillée, rendez-vous sur le site officiel du festival.

Consultez également la programmation de l’Off-Festival Bach qui propose tous les jours du 22 au 29 novembre à partir de 12h une série de concerts et d’activités gratuites.

Crédit photo : Antoine Saito

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