Ensemble Classico-Moderne | Rachmaninov et Hamburger : une soirée de contraste stylistique

par Alexandre Villemaire

La Maison symphonique était bien remplie samedi soir pour venir entendre l’Ensemble Classico-Moderne, dans un programme mettant de l’avant le Concerto pour piano no 2 de Rachmaninov, un des plus célèbre et emblématique du répertoire romantique et la création montréalaise d’Ariella, nouvel opéra du compositeur Jaap Nico Hamburger dont neuf extraits ont été présentés.

Interprété par Jean-Philippe Sylvestre, le Concerto de Rachmaninov a ouvert la première partie du concert en plongeant l’auditoire dans un univers sensible et tourmenté, à l’image de l’état d’esprit du compositeur lors de son écriture. Dans une maîtrise et une virtuosité de haute voltige, Sylvestre a peint des tableaux sonores faisant ressortir, avec les musiciens dirigés par Francis Choinière, les caractères distincts des trois mouvements. Le premier mouvement Moderato, avec ses imposants accords, présentait un tourbillon d’émotion, l’Adagio sostenuto était d’un lyrisme envoûtant parsemé de moments de colère alors que le frénétique Allegro scherzando, a mis en valeur l’agilité du pianiste dans des traits mélancoliques soutenue par des cordes généreuses. L’ensemble se déploie ainsi avec une belle amplitude par un son présent et enveloppant et dont Francis Choinière tire le maximum d’expression avec des nuances pleinement contrôlées, de l’intensité la plus explosive à la douceur des plus sereines. 

En deuxième partie, le public a été convié à une autre expression artistique du drame et de la douleur avec l’opéra Ariella de Jaap Nico Hamburger, sur un livret de Thomas Beijer, inspiré des romans de l’autrice Ariella Kornmehl. Présenté dans une version concert, l’histoire est celle d’une famille juive orthodoxe contemporaine déchirée par le décès soudain de sa matriarche, Sarah, une cantatrice – interprété par Aline Kutan et comment sa fille, Ariella (Myriam Leblanc) navigue au travers son décès dans sa vie, prise entre la tradition et son émancipation, un jeune frère souffrant de dépression et un père dévasté (Hugo Laporte). L’esprit de la mère, présente sur scène, guidera chacun d’eux vers le chemin de l’apaisement. Compositeur en résidence de Mécénat Musica, Jaap Nico Hamburger propose ici une musique essentiellement moderne avec des lignes mélodiques qui rappellent un peu l’univers de Carlisle Floyd et une orchestration dense dans les passages purement instrumentaux évoquant Thomas Adès. 

Pour autant, Hamburger ne se cantonne pas à un style musical défini et verse aisément dans l’éclectisme et l’expérimentation. Le meilleur exemple est l’air d’Ezra, le frère d’Ariella, campé par le chanteur pop/baryténor Enzo Sabbagha, qui entonne de manière engagée un rap, soutenu par une bande préenregistrée qu’accompagne l’orchestre dans un moment très « hamiltonien ». Il s’agit d’un choix audacieux et surprenant de premier abord, mais qui n’est pas surfait et qui cadre avec l’identité du personnage qu’Hamburger n’imaginait pas véhiculer ses émotions par un air à la Puccini. 

Crédit photo : Dominic Blewett

Le numéro mériterait cependant pour être apprécié pleinement d’être présenté dans une version complète avec mise en scène où l’action menant à cette scène serait mieux contextualisée scénographiquement et musicalement. Les arrêts nécessaires entre les numéros et les changements de dynamiques brusques d’une version concert donnent surtout dans ce cas-ci l’impression d’un patchwork. Les autres très beaux moments vocaux de la soirée ont été l’air d’Ariella, ligne lyrique interprétée avec émotion par la voix cristalline de Myriam Leblanc et le duo avec l’esprit de sa mère où leurs deux voix s’entremêlent et se répondent dans une atmosphère sereine et planante.

Déroutant à certains égards tout en demeurant accessible, le travail de Jaap Nico Hamburger, par son éclectisme intelligent, ouvre des possibilités intéressantes pour des projets lyriques contemporains. Le défi est maintenant de diffuser cette musique et d’aller chercher le public et l’Ensemble Classico-Moderne, dont la mission est de présenter et de mettre de l’avant une fusion des musiques moderne et classique est assurément un interlocuteur de choix pour l’interprétation de ce répertoire et de ce nouveau type de programmation dans le paysage musical québécois.

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