Payare est jeune, doué, éduqué, expérimenté, latino-américain, métis, non occidental. Déjà, on imagine des légions de vieux croutons s’en étonner ou, pire, s’en formaliser. Or, ce choix tient davantage du réalisme contemporain que de l’audace. Bien sûr, on peut parler d’audace dans le cas montréalais qui nous occupe, mais de tels choix s’inscriront dans une normalité admise sur la planète entière au cours des décennies à venir. Enfin… les populations qui résisteront à cette irrépressible tendance seront encore là mais… vouées au déclin.
L’homogénéité raciale et la supériorité blanche ne sont-elles pas en voie d’appartenir (enfin) au passé dans toutes les sphères de la culture ? Poser la question… Chose certaine, la musique classique n’y échappe pas.
Est-il besoin d’ajouter que la direction de l’OSM en est parfaitement consciente.Pour l’orchestre montréalais, tout chef caucasien dans la plus que quarantaine ne pouvait rivaliser d’aucune façon au Québécois Yannick Nézet-Séguin, qui fait désormais partie de l’élite des maestros sur la planète classique. L’OSM devait impérativement se positionner avec une offre très différente de celle de l’Orchestre Métropolitain dont YNS est le chef nommé à vie. Il fallait donc un artiste représentatif du cosmopolitisme prévalant dans la plupart des capitales internationales. La nomination d’une femme aurait été tout autant souhaitée mais bon, on nous expliquera peut-être pourquoi cela ne s’est pas encore produit.
Né à Puerto la Cruz, au Venezuela, Rafael Payare provient d’une famille de professionnels, soit une mère enseignante à l’école primaire, et un père cartographe à l’emploi de sa ville natale – ses deux parents sont décédés. Musicalement, fut formé à l’adolescence, soit à 14 ans, un âge tardif pour accéder aux plus hautes sphères classiques. Corniste de formation, il est diplômé de l’Universidad Nacional Experimental de Las Artes. À l’instar du célèbre maestro et compatriote Gustavo Dudamel, Rafael Payare est un autre produit de El Sistema, une organisation vénézuélienne progressiste dont l’objet était d’offrir une formation de haut niveau aux jeunes issus de tous milieux et non de l’élite – comme c’est souvent le cas dans les pays qui ne font pas partie du G 20. Son talent, sa détermination et le soutien académique dont il put jouir l’ont mené à obtenir une première chaise à l’orchestre symphonique Simón Bolívar.
À partir de 2004, Payare s’est mis à la direction d’orchestre et a rapidement gravi les échelons de la maestrosphère, appuyé par l’éminent José Antonio Abreu. Moins d’une décennie plus tard, il fut chef d’orchestre assistant des célébrissimes Claudio Abbado et Daniel Barenboim. Il fut aussi l’ assistant de Lorin Maazel au Festival de Castleton (aux États-Unis) et en devint chef principal après la mort de Maazel. Par ailleurs, il fut chef invité de l’Ulster Orchestra avant d’en devenir le chef principal jusqu’en 2019. En janvier 2018, Payare était invité à diriger l’Orchestre symphonique de San Diego, pour en devenir le directeur musical un an et demi plus tard. Un autre défi considérable l’attend, soit diriger l’orchestre d’une deuxième grande ville nord-américaine: Montréal. Il y fut invité en septembre 2018, tout s’était très bien passé côté Beethoven, Mozart, Schoenberg. Il dirigea aussi l’OSM à Lanaudière à l’été 2019. À l’évidence, ces passages ont été on ne peut plus concluants pour qu’on lui offre la direction artistique de l’OSM.
On aura tôt fait d’observer , scruter, ressentir la direction de Rafael Payare. Vivement le prochain cycle de l’OSM !
L’OSM et Payare au sommet from Festival de Lanaudière on Vimeo.