La 90e année d’existence de l’organisation (fondée en 1934 sous le nom des Concerts symphoniques de Montréal) coïncide avec les dix ans de l’Orgue Pierre-Béique, qui fut inauguré le 28 mai 2014. Et l’OSM le souligne en grand: 28 concerts avec de l’orgue sont programmés cette saison, avec notamment un mini festival de l’orgue prévu au printemps pour souligner son anniversaire.
PAN M 360 a eu la chance incroyable de visiter l’imposant instrument en compagnie de Jean-Willy Kunz, l’organiste en résidence de l’OSM. Avec une passion évidente, il a guidé les membres des médias dans les coulisses et y a expliqué le fonctionnement de l’Orgue Pierre-Béique.
Puisant dans sa grande expérience et dans sa maîtrise de l’instrument, il s’est transformé en un organologiste hors pair !
L’Orgue Pierre-Béique est une merveille de l’organologie et de la fabrication d’instruments modernes au Québec. Conçu et construit par la maison Casavant Frères, avec le concert des architectes Diamond Schmitt et Ædifica pour le design visuel, c’est l’instrument le plus imposant de l’orchestre.
Même la gigantesque octobasse de la Maison symphonique semble petite face à ses quinze mètres de haut et douze mètres de large. Selon l’expert en résidence, il fait environ le double du plus grand orgue que Jean-Sébastien Bach a connu de son vivant (jusqu’en 1750), Pas moins de 6 489 tuyaux de toutes les tailles permettent à l’organiste de reproduire la presque totalité des instruments de l’orchestre avec une précision ahurissante, également avec la possibilité de combiner ces sons.
« J’aime bien imiter les autres instruments de l’orchestre durant le réchauffement avant le concert », nous avoue Jean-Willy Kunz avec le sourire aux lèvres.
Durant une amusante démonstration, il joue la note la plus basse, qui s’apparente à un claquement étant donné la fréquence si basse (environ 50 Hz), puis passe à la note la plus aiguë de l’instrument, sur le jeu du piccolo, dont la fréquence est si haute (11000 Hz environ), que plusieurs ne sont pas en mesure de l’entendre!
Entre les mains d’un virtuose, l’orgue symphonique est un orchestre à lui seul, réparti sur ses quatre claviers et ses 83 jeux. Au carrefour de l’art et de la science, « l’orgue est le fruit de plus de 30 000 heures de conception, de construction, d’ajustement et d’accordage », nous raconte Jean-Willy Kunz. Avec des pièces qui vont des grands tuyaux visibles dans la salle qui font plus de 30 pieds de long, jusqu’aux plus petits jeux qui font appel à des pièces aussi petites qu’un stylo. De plus, l’orgue est en mesure d’atteindre jusqu’à 100 décibels en activant les chamades (soit les tuyaux dirigés vers le public), juste au-dessus des 96 décibels des cuivres quand ils soufflent à plein poumons. L’organiste admet avec plaisir qu’il a pu apporter le volume pendant les concerts avec I AM cette semaine.
Jean-Willy Kunz aime décrire l’Orgue Pierre-Béique comme “un instrument qui rayonne, tant dans sa sonorité et dans sa conception que dans son importance pour la musique classique à Montréal.” « Certes », il continue « il existe des orgues qui sont bien plus grands, comme à Atlantic City ou au Macy’s à Philadelphie, ou encore des salles au Canada avec des orgues, mais peu sont autant valorisés qu’ici à la Maison symphonique. L’OSM a su prendre compte de l’importance d’un tel instrument. Le poste que j’occupe, celui d’organiste en résidence, est unique en son genre. »
Nous avons la chance d’entendre ici un instrument unique et fascinant. Kunz considère l’orgue comme un instrument d’avenir qui est en évolution constante. Le fruit de cette longue évolution depuis l’antiquité, l’Orgue Pierre-Béique est une petite merveille musicale locale qui a eu et aura un impact bien plus grand que les confinements de la Maison symphonique.
Until further notice, several North American radio stations, including CBC, are pulling Arcade Fire’s discography from their programming following recent allegations of sexual misconduct against lead singer Win Butler.
We don’t actually know how many fans are disgusted by the allegations, but many have already come forward on social media, refusing to attend an Arcade Fire concert as the band’s world tour has just kicked off in Dublin. What’s going to happen? In any case, many outraged fans want their money back, but it’s unclear how much of it is actually worth. More pragmatically, the AF tour will run its course if a negligible portion of the public abandons their (former) favorite indie rock band.
If not, it could go wrong. Really. The damage to the future of Arcade Fire could be huge, unless Win Butler can clearly demonstrate his denial of the accusations made against him by his alleged victims… or he can convince us of the relative seriousness of his actions. This is far from being done.
We are not there yet, let’s wait and see before deciding. And let’s have a look at the facts and try to understand the case better.
Last Saturday, these allegations of sexual misconduct were revealed by an investigation conducted by Pitchfork, which reports the testimonies of four people allegedly victims of Win Butler. The Pitchfork text mentions SMS, sexual photos, forced touching (on the buttocks or in the panties, who cares), the position of authority of a thirty-year-old with fans in their early twenties, almost impossible to refuse the advances of a rock singer of this stature.
Needless to say, these allegations of inappropriate conduct spread around the rock/pop world like wildfire.
When contacted by Pitchfork to counter-check the allegations, Win Butler responded through publicist Risa Heller, a renowned expert in crisis management.
In a written statement provided to Pitchfork, AF’s lead singer acknowledged having sexual interactions with each of the four individuals, but maintained that they were consensual and that he was not the initiator.
His colleague from Arcade Fire, partner and mother of his child Régine Chassagne officially supported him, nevertheless declaring in a press release that his partner « had lost his way and that he had found it again ». One can guess here his perception of a marital drift, apparently being part of the past. But… let’s remember Hillary and Bill Clinton… Anne Sinclair and Dominique Strauss-Kahn… the spouses had also protected their man and consented to this humiliation. For better or for worse?
In another written statement provided to Pitchfork regarding these allegations of sexual misconduct, Win Butler refers to a period of drinking and depression, and repeatedly apologizes to the alleged victims.
“While these relationships were all consensual, I am very sorry to anyone who I have hurt with my behavior,” he wrote. “As I look to the future, I am continuing to learn from my mistakes and working hard to become a better person, someone my son can be proud of. […] I’m sorry I wasn’t more aware and tuned in to the effect I have on people – I fucked up, and while not an excuse, I will continue to look forward and heal what can be healed, and learn from past experiences.”
One can certainly sympathize with his difficult psychological condition that led him to this quagmire but…as he says himself, that is no excuse. Time will tell if Win Butler had a right or wrong, sober or drunk notion of a consensual relationship. Time will tell if the rock star’s repentance is too little, too late. In the weeks and months to come, we’ll eventually know if he’ll be able to get out of this extremely delicate situation, the negative outcome of which would precipitate the decline of Arcade Fire, a band that embodies progressive values and mobilizes progressive audiences… irony of fate! If the allegations prove true and Win Butler’s sexual misconduct is proven beyond a reasonable doubt, it will likely be the end of his public career. And, sadly, the likely end of Arcade Fire as the flagship band of the hipster generation.
But let’s not forget that many rock stars did what Win Butler did in the eras before his – even worse! Those days are long gone. Flirting and butt play from a position of authority has been around since time immemorial, but it seems clear that these behaviors are now frowned upon.
Based on greater equity between humans of all sexual identities, the notion of a consensual relationship may still be unclear to some, but it quickly becomes clear when such differences in relational perceptions are publicly revealed by the alleged abused and their alleged abuser. There is reason to believe that Win Butler is sincere in his defense but… there is also reason to believe that he’s been overstepping a misjudged boundary. At the very least, he is learning the hard way how to identify that boundary legitimately set by social improvements in the status of women and respect for any human beings.
31 juillet 2022 – Montréal – Coco & Clair Clair au Festival de musique et d’arts Osheaga, au parc Jean-Drapeau. TIM SNOW/OSHEAGA
Coco & Clair Clair
Coco & Clair Clair est un duo pop d’Atlanta, Géorgie. On les dit pionnières du « demon glam rock », une étiquette qui semble ne pas leur seoir de prime abord. On préfère décrire leur travail comme un mélange vivifiant de bedroom-pop et de hip-hop. Leur notice biographique indique qu’elles se sont rencontrées sur Twitter en 2012 et ont eu tôt fait d’enregistrer des chansons ensemble. Awful Records a encadré ce duo interracial – super rafraîchissant pour tous les jeunes mondialistes du Deep South américain –, dont le phrasé indolent et les mélodies vaporeuses confèrent une saveur unique. Très sympa.
Zach Zoya
Le Québécois Zach Zoya, un des rappeurs les plus en vue au Québec ces dernières années, négocie un virage avec le microalbum No Love is Even Wasted. Nous en avions la version sur scène avec DJ, instrumentistes et invités dont le doué producteur Benny Adam qui mène aussi une carrière de performer. Le risque est intéressant, car aucun artiste misant sur la soul pop mâtinée de hip-hop n’a encore atteint une grande notoriété à Montréal. Cela ne saurait tarder et Zach Zoya pourrait bien être le premier à s’imposer.
31 juillet 2022 – Montréal – Mahalia au Festival de musique et d’arts Osheaga, au parc Jean-Drapeau.
Mahalia
Native du Leicestershire, fière représentante de la diversité au Royaume-Uni (origines jamaïcaines et irlandaises), Mahalia prenait contact avec la foule d’Osheaga. Elle n’est ni la première ni la dernière à métisser la néo-soul, le hip-hop soul et une sensibilité afro-britannique à peine perceptible dans le cas qui l’occupe. L’objectif évident de Mahalia est de conquérir le marché pop de sa génération, avec des accroches mélodiques qui portent ses réflexions sur sa propre existence de jeune métisse en Occident. En marche depuis 2016, la chanteuse aujourd’hui âgée de 24 ans a déjà lancé deux albums studio, Love and compromise (2019) et Diary of Me (2016), suivi du tout récent microalbum Letter out Ur Ex.
Inhaler
Tout connaisseur de musiques populaires sait que les « fils de » prennent de grands risques à exercer le même métier que celui de leurs parents célèbres. Depuis 2020, le fils de Bono tente sa chance avec le groupe Inhaler, dont c’était la première apparition à Osheaga. Elijah Hewson s’avère, pour l’instant du moins, une pâle copie de son paternel. La voix, les mélodies, les grooves rock, les riffs de guitare… Quelques menus détails ne peuvent en confirmer la singularité, c’est carrément du sous-U2. Son groupe fait dans le rock des années 80, ses chansons ressemblent beaucoup trop à celles des premiers opus du mégaband irlandais. Gênant, embarrassant… Papa devrait être mal à l’aise. En tout cas, je le suis à sa place, je n’aimerais vraiment pas voir mon fils en version réduite de moi-même.
Ashnikko / Pat Beaudery/OSHEAGA
Ashnikko
Ashton Nicole Casey, mieux connue sous le diminutif Ashnikko, même avantageusement attitude punk, attitude rock, électro et hip-hop. Et c’est de la pop contagieuse! L’univers créatif de cette Américaine de 26 ans est riche car il met de l’avant un croisement parfaitement réussi de genres peu conciliables d’entrée de jeu. Directe, opiniâtre, abracadabrante, très drôle mais aussi dramatique et abrasive, cette jeune femme est un véritable feu d’artifices. Ses flammèches peuvent certes émerveiller et divertir mais aussi causer quelques brûlures si vous traversez sa zone d’influence.
Safia Nolin / Simon White & OSHEAGA
Safia Nolin
Laissons de côté toute allusion à ses démêlés avec les paumés des médias sociaux, rapportés et commentés régulièrement par les médias de référence, tentons d’oublier Maripier Morin la repentante et concentrons-nous sur les réels dons artistiques de Safia Nolin, dont le dernier chapitre créatif est clairement le plus accompli. Les magnifiques versions « sunset » de son album Seum étaient privilégiées à Osheaga avec guitares, basse, distorsion shoegaze et rythmes rock d’une binarité exemplaire. La voix solo de Safia et les voix harmonisées de son band contrastaient bellement avec la corrosion de l’instrumentation et la douleur du propos. Cette artiste grandit certes dans l’adversité, le talent et la lumière finissent par l’emporter sur la souffrance.
Cordae
Avant que s’amène l’excellent groupe Idles, on pouvait découvrir le rappeur Cordae, métis allumé de Caroline du Nord. Écoutez ses albums The Lost Boy (2019) et From a Birds Eye View (2022) et vous constaterez que ce mec n’est pas un touriste du hip-hop. Gunna, Lil Wayne, H.E.R., Lil Durk, Freddie Gibbs, Stevie Wonder (à l’harmonica chromatique), Eminem et Roddy Ricch n’y apparaissent pas par hasard. Sa prestance sur scène, son flow très solide, l’accompagnement ambitieux de ses musiciens (instrumentistes et DJ/producteur), le propos intelligent de ses rimes, voilà autant d’éléments qui définissent un artiste qui durera.
Dua Lipa
Parmi les Olivia Rodrigo, Doja Cat, Billie Eilish et autres Camilla Cabello, la Britannique Dua Lipa est l’une des nouvelles conquérantes de la planète pop. Principale tête d’affiche à Osheaga, elle promeut une disco-électro-pop aussi prévisible que spectaculaire mais… ça le fait! Pourquoi bouder son plaisir? La scénographie, les projections, les éclairages et les chorégraphies résultent d’un budget colossal, les tubes (dont le mashup Cold Heart avec Elton John), les paillettes et les costumes moulants, bref le showbiz tel qu’on l’imagine en 2022. Dua Lipa est une authentique bête de scène à l’occidentale. Ses origines bosniaques, albanaises et kosovares, sa sympathie sincère pour la communauté LGBTQ et son féminisme assumé en font un personnage public à la fois glamour et progressiste. Paradoxe intéressant…
Osheaga 2022 : les bons, les brutes et les brillants
par Stephan Boissonneault
Le parc Jean-Drapeau s’est transformé en un paradis pour les musicophiles le week-end dernier, à l’occasion du 15e festival de musique et d’arts Osheaga. La programmation d’Osheaga 2022 était très variée, il y en avait pour tous les goûts. On y retrouvait des artistes étrangers en tournée comme Idles, Dua Lipa, Yeah Yeah Yeahs et les héros locaux Arcade Fire, mais aussi quelques artistes qui se sont fait connaître sur Tik Tok comme Tai Verdes, Pink Pantheress, 100 gecs, Crawlers et ainsi de suite.
Cela semble être une nouvelle tendance pour les festivals : programmer des artistes qui deviennent « viraux » sur Tik Tok pour une chanson qui est partagée des millions de fois, puis obtenir une place dans un festival international. Donc, il est difficile de reprocher à Osheaga d’avoir suivi la tendance, quant aux groupes mentionnés ci-dessus.
Parfois, ces nouveaux musiciens peuvent vous surprendre, comme ceux de Crawlers qui ont offert une prestation intéressante. Et parfois, le manque d’expérience sur scène peut se retourner contre soi, comme chez PinkPantheress qui a dû terminer tôt en raison de difficultés techniques et d’un manque de voix. Elle était assez timide et devra améliorer sa présence scénique.Quoi qu’il en soit, la fin de semaine a été agréable, compte tenu de la combinaison de bonne musique et de temps qui, heureusement, n’était pas étouffant. Sans plus tarder, voici mes observations quotidiennes d’Osheaga 2022 pour PAN M 360.
Première journée
La journée a commencé par un bref retour au shoegaze des années 90 mâtiné d’americana et de coldwave, gracieuseté de King Hannah, un duo de Liverpool. Je n’ai assisté que brièvement à leur prestation à la Scène des arbres Sirius XM, car je devais ensuite me frayer un chemin jusqu’à Charli XCX sur la scène principale. King Hannah a rendu sublimement les pièces de l’album I’m Not Sorry, I Was Just Being Me, paru en 2021. Il y a une magie particulière à ce duo, soutenu par un batteur, et sa chimie sur scène était assez hypnotique.
Je suis arrivé en retard à Charli XCX afin d’aller voir Parcels, un groupe indie-pop australien, sur la scène Verte. C’était bien, mais j’ai l’impression d’avoir entendu beaucoup de groupes offrant la même ambiance indie-disco et le même style. Et la foule attendait manifestement Turnstile, sur la scène adjacente.
Charli XCX était déjà en ébullition sur la scène principale, légèrement vêtue d’une brassière rouge et d’un pantalon de yoga moulant, chantant et dansant sur les chansons de son hyper-pop Crash. Je ne suis pas un grand fan de musique pop, du moins pas de cette génération, mais Charli XCX est une pro. Elle sait comment faire remuer la foule et faire durer le plaisir, elle a ensorcelé l’auditoire pendant une heure. Je suis parti tôt pour aller voir Turnstile, une autre sensation, cette fois dans le domaine du punk-hardcore.
Turnstile jouait soudé et avait une bonne énergie, mais je m’attendais à ce qu’ils soient plus lourds et plus hardcore, d’autant plus que le guitariste se servait d’une guitare Jackson et avait l’air de faire partie d’un groupe de speed-metal. C’est peut-être le chant de type Jane’s Addiction qui m’a rebuté, mais il était bon de voir un véritable mosh-pit se former. Et Turnstile avait beaucoup de fans sur place, car une grande partie de la foule connaissait leurs paroles. Pourtant, pour moi, cela semblait plus à du pop-punk alt-rock qu’à du punk-hardcore.
Le groupe suivant était Yeah Yeah Yeahs, qui s’est franchement déchaîné sur la scène principale. Ce sont des habitués des festivals et ils savent comment doser l’apparat, le dance-punk et la pop pour faire bouger la foule. La chanteuse Karen O est arrivée affublée d’un casque de motard à pointes et vêtue d’une combinaison colorée qui ressemblait à une peinture de Jackson Pollock. Des serpentins colorés et frangés étaient également attachés à ses épaules et à son micro.
L’excitation suscitée par sa tenue était difficile à contrôler. Le reste du groupe avait l’air trop mollo et a laissé Karen O mener chaque chanson. Ils ont joué beaucoup de vieux morceaux, y compris les tubes, notamment Heads Will Roll à la fin. Il allait être difficile de faire mieux. Mais le groupe suivant était nos légendes locales, Arcade Fire, qui ont tout juste fait paraître l’album We.
Yeah Yeah Yeahs / Pat Beaudry & OSHEAGA
Arcade Fire a joué près de 20 chansons pendant un concert de deux heures et j’ai été surpris d’entendre quelques chansons de Funeral, mon album préféré. C’est fou de voir à quel point ce groupe est devenu important. Ils avaient l’habitude de jouer dans des clubs minuscules et maintenant ils tournent avec une boule disco géante qui surplombe la scène principale, déployant des éclairages psychédéliques à la Pink Floyd.
À un moment donné, pendant Sprawl II (Mountains Beyond Mountains), qui m’a toujours semblé être une reprise de Blondie, la chanteuse et claviériste Régine Chassagne avait des lumières qui se reflétaient sur sa boucle de ceinture brillante. Je suppose que l’on peut s’attendre à cela de la part d’un groupe dont un des albums s’appelle Reflektor. Je dois dire que lorsqu’ils ont joué les vieilles chansons, elles semblaient aussi présentes et actuelles que lorsqu’elles sont sorties. Bien qu’Arcade Fire soit un groupe s’appuyant sur la nostalgie d’une époque plus simple, ce sont des musiciens fantastiques, alors bravo à Osheaga de les avoir mis en tête d’affiche après l’annulation des Foo Fighters.
Arcade Fire / Pat Beaudry / OSHEAGA
Deuxième journée
Le deuxième jour d’Osheaga semblait plus axé sur le hip-hop avec Freddie Gibbs, Skiifall et Slowthai. Ce dernier a offensé – par inadvertance – certaines personnes, qui ont interprété au premier degré son t-shirt Destroy avec swastika (plus d’info là-dessus plus loin). Également au programme : Burna Boy et Future, qui ont remplacé ASAP Rocky, qui devait apparemment remplacer Kendrick Lamar.
Shemar Mckie, qui se fait appeler Skiifall, est un artiste montréalais originaire de Saint-Vincent (NDLR : dans les Caraïbes). Son DJ et lui étaient excellents. Skiifall est également hilarant lorsqu’il a reproché à la foule de ne pas l’encourager durant sa nouvelle chanson Pistol Whip. « Vous êtes nuls, je vais devoir le faire tout seul », a-t-il dit en riant. À un moment donné, il a demandé à un admirateur de monter sur scène et de rapper avec lui, ce que le fan a assez bien réussi, mais Skiifall a dû mettre fin à l’exercice ensuite. « Tu me tues, mon ami », a-t-il dit en riant. Je ne sais pas pourquoi ils l’ont mis sur la scène des Arbres Sirius XM, la plus petite, parce qu’il aurait facilement pu ouvrir pour Freddie Gibbs; mais bon, je ne suis pas un programmateur de festival.
Un autre groupe montréalais, Men I Trust (que nous avons interviewé ici) jouait ailleurs au même moment. Son rock-pop jazz indé décontracté accompagnait parfaitement cet après-midi couvert.
Tai Verdes est ensuite monté sur scène et je n’ai pas réussi à embarquer dans son mélange de pop-rock et de hip-hop. Par moments, on aurait dit un groupe de reprises de dad-rock, ça ne collait pas. Je voulais assister à la prestation de Sophia Bel, qui est sous étiquette Bonsound, une autre artiste locale qui fait de la pop post-punk bizarre et raffinée, mais il semblait y avoir des problèmes techniques et elle a dû commencer plus tard, ce qui a sans doute réduit son concert de moitié. Elle était vêtue d’un tutu comme une mini-fée maniaque, et je suis persuadé que sa prestation a dû être géniale – je m’assurerai de me reprendre lors d’un autre concert à Montréal –, mais je devais trouver me rendre à Freddie Gibbs. Son album avec The Alchemist, Alfredo, est l’un de mes albums hip-hop préférés des cinq dernières années.
Freddie Gibbs a fait l’un des concerts que j’ai préférés à Osheaga, même si, par moments, le mixage et sa voix semblaient plus timides que d’habitude. Ses rimes rapides et la précision de son élocution sont, à mon avis, du niveau des plus grands. Il a aussi demandé à la foule de scander « Fuck the Police » à plusieurs reprises, question de mettre de l’humour et du dynamisme dans tout ça. Quand il a entamé Scottie Beam, les fumeurs d’herbe s’en sont donné à cœur joie, il y a même eu un mosh-pit.
« Merde, ces gars-là ici font un mosh-pit, j’adore ça ici! », s’est-il exclamé. « Mettons-leur un rythme plus lourd! » a-t-il ajouté, tandis que le MC a entamé Crime Pays. Freddie disposait aussi d’une unité spéciale de deux personnes, sur scène, l’air cool; on aurait dit que l’une de leurs tâches consistait à lui rouler des joints. Un vrai gangster.
30 juillet 2022 – Montréal – Freddie Gibbs au Festival de musique et d’arts Osheaga, au parc Jean-Drapeau. TIM SNOW/OSHEAGA
Après Freddie Gibb est arrivé Slowthai, un rappeur britannique en colère qui aime la controverse et s’est fait connaître par ses textes politiques dans Nothing Great About Britain, à l’époque du Brexit. Sa musique est abrasive et bruyante, mettant à profit des éléments de grime et de trap. Ce n’est pas vraiment ma tasse de thé et sa violence semble bidon. Il semblait vouloir provoquer les gens. Il a également porté un t-shirt avec un swastika; les représentants d’Osheaga ont dû s’en excuser officiellement, le lendemain du concert.
« Quiconque n’est pas d’accord avec vous finira dans une housse à cadavre », a crié Slowthai au micro en enlevant sa chemise pour révéler ses tatouages. Sans doute que Slowthai est un gentil jeune britannique, dans la vraie vie. Mais qu’en sais-je? Il a également demandé à une spectatrice de monter sur scène pour rapper Inglorious avec lui, et elle s’en est bien sortie. Je ne peux imaginer ce que l’on peut ressentir, lors d’un moment comme ça.
J’avais très hâte de voir Khruangbin, un trio de rock psychédélique qui m’a servi de musique de fond pour écrire, depuis que je les ai découverts lors du premier confinement de 2020. Osheaga les a programmés sur la scène principale, ce qui semblait étrange étant donné qu’il s’agit d’un groupe instrumental « lysergique » et que, pour une raison quelconque, personne ne dansait. La musique était géniale, le son impeccable, mais peut-être que les gens voulaient plus de hip-hop. Moi, j’ai adoré chacun des instants de ce spectacle. Les projections visuelles sur le grand écran, montrant les membres du groupe qui se déplacent, se déphasent et se fondent, ajoutaient une touche fabuleuse au concert. Et je pourrais écouter Laura Lee à la basse et Mark Speer à la guitare pendant des heures. À un moment donné, ils ont joué un pot-pourri de reprises, certaines qui avaient du sens, comme Miserlou, et d’autres n’en avaient aucun, comme Bennie and the Jets d’Elton John.
Khruangbin / Pat Beaudry & OSHEAGA
Après Khruangbin, j’ai jeté une oreille à 100 gecs, et je ne sais toujours pas vraiment ce dont j’ai été témoin. Un gars est habillé comme un personnage de film d’’animation, une femme crie des insanités dans un micro auto-tuné. Peut-être que c’est mon âge qui me rattrape, mais je ne comprends pas l’engouement pour ce groupe célèbre sur Internet. Personnellement, je ne supporte pas l’auto-tune et 100 gecs se résume à cela, fusionnant l’hyper-pop (mais pas de la même manière que Charli XCX, qui fait ce j’appellerais, heu, de la musique) et de la production de je ne sais quoi d’autre. Je suppose que je ne suis pas assez jeune pour comprendre ou me soucier de 100 gecs, mais à mon avis, c’était épouvantable.
J’avais besoin d’un nettoyage auditif et c’est ce que m’a procuré Polo & Pan, un duo électronique français qui est passé maître dans l’art de créer de la dance-pop apaisante. Les effets visuels m’ont rappelé les festivals électroniques auxquels j’assistais il y a de nombreuses années.
J’ai vu un peu de Burna Boy et je devrai retourner le voir, puisque j’ai pris goût à sa folie. Il était accompagné d’un groupe de 15 musiciens et ressemble à un prince nigérian sur scène. Son mélange de dancehall et de reggae-rap m’a rebuté un peu au début, mais son sens du spectacle a fini par me convaincre.
Le groupe Future ne m’intéressait pas et rien ne m’a fait changer d’avis, alors j’ai opté pour Caribou, qui m’a vraiment surpris. Je m’attendais à de la musique de fond et à un DJ, mais il avait un groupe complet et m’a époustouflé avec son mélange de folktronica et de soft-dance. Mon seul reproche était la foule qui cherchait la pagaille, je suppose que j’aurais fait la même chose si j’avais été sur le même parterre EDM à consommer des drogues pendant huit heures.
Troisième jour
Je suis arrivé plus tard le troisième jour, épuisé. J’ai entendu les riffs lourds de Royal Blood alors que je faisais du vélo sur un chemin ensoleillé dans le parc Jean-Drapeau. J’avais vu la fin d’un de leurs concerts, il y a plusieurs années, lorsqu’ils ont fait la première partie de Queens of the Stone Age; ils semblent bien se porter.
J’ai vu quelques minutes de Girl in Red, qui sonne comme si Billie Eilish avait joué dans Blur, et j’aurais aimé en voir plus. Cette auteure-compositrice-interprète norvégienne n’a que 23 ans; je m’attends à de grandes choses de sa part.
Au même moment, Lucy Dacus faisait une prestation tranquille, la foule était minuscule. C’est dommage, car son précédent concert à Montréal était bondé et que le son y était mille fois meilleur. Malgré tout, elle a assuré et a fini avec la chanson indie-rock Night Shift, que même les plus âgés ont entonnée. Je vous recommande d’aller la voir la prochaine fois qu’elle viendra à Montréal. Elle est une Phoebe Bridgers plus intime, à mon avis, et on ne peut pas juger un artiste en se basant sur une prestation de festival.
Ma sérotonine était épuisée au moment où Glass Animals est passé. J’ai entendu une ou deux chansons qui étaient géniales, mais encore une fois, je n’avais plus d’énergie. J’avais besoin de trouver un remontant pour Wet Leg. Il s’est avéré que ce remontant était un peu d’herbe, quelques « Coors Banquet » et… Wet Leg elles-mêmes, qui faisait leurs débuts canadiens à Osheaga. Ce jeune groupe, qui a gagné en vitalité avec son post-punk et son rock indé à l’esprit vif sur des chansons comme Chaise Longue, a été merveilleux sur scène. Leurs plaisanteries sur scène étaient hilarantes et on pouvait voir qu’elles passaient les meilleurs moments de leur vie. Je n’ai jamais vu autant de sourires de la part d’un groupe. Un des points forts de mon Osheaga.
Wet Leg – Simon White/Osheaga
Je n’ai rien à cirer de Machine Gun Kelly. Tout ce que je sais, c’est qu’il sort avec Megan Fox et fait une sorte de pop-punk et de hip-hop. Il ressemblait à une publicité de Pepto Bismol et sa musique est tout simplement dégueulasse. Je déteste vraiment la façon dont les influenceurs font semblant de jouer de la musique sur scène. Encore une fois, c’est peut-être juste l’âge, mais je ne comprends pas.
Heureusement, je suis parti tôt pour avoir une bonne place à Idles, les Stooges post-punk de Bristol qui sonnent comme une soûlerie rock’n’roll en studio. Je m’entraîne en écoutant leur musique tout le temps et leur premier album, Brutalism, est toujours l’un de mes préférés. Ils ont lancé une salve de chansons avant de dire saluer la foule. J’en voulais plus et j’en ai eu, lorsque leur guitariste Mark Bowen a couru comme un fou en robe à fleurs pendant I’m Scum. Bravade, intensité, satire, ces gars-là ont tout compris.
« Qui est un sac à merde, ici? », a demandé le chanteur Joe Talbot. La foule a crié et le groupe a continué. À un moment donné – et je ne suis toujours pas sûr que c’était de la théâtralité –, il semblait que quelqu’un dans la foule voulait se battre avec Talbot et essayait sans cesse de le faire descendre de scène pour l’affronter.
« Tout le monde se tait. Ce gars a quelque chose d’important à dire », a lancé Talbot. « Non mon gars, je n’irai pas dans la foule parce que j’aime être sur scène », a-t-il renchéri.
Ils se sont lancés dans The Wheel, de leur plus récent album Crawler. Cette chanson sonnait si bien, avec sa structure d’accords chimériques et le lyrisme désinvolte de Talbot. Cet homme est un pacifiste en colère qui tient un micro et c’est splendide à voir. Ils ont terminé avec la chanson pro-immigration Danny Nedelko. Rien n’aurait vraiment pu égaler ma soirée.
31 juillet 2022 – Montréal – IDLES en spectacle lors du festival Osheaga au parc Jean-Drapeau TIM SNOW/OSHEAGA
Alors que je me dirigeais vers l’espace VIP pour boire jusqu’à la fin de la nuit, j’ai pu entendre quelques chansons de Dua Lipa, la Madonna de la présente génération, je suppose? Elle avait plus de dix danseurs de soutien et sa pop-disco était très agréable. Elle a également une voix formidable et n’utilise que quelques astuces vocales ici et là. Quand j’écoute la musique pop moderne, il est difficile de savoir ce qui est authentique. Dua Lipa est une véritable mégastar.
Et avec ça, ma première édition Osheaga a pris fin. Qui sait ce qui nous attend l’an prochain.
Photos reproduites avec l’aimable autorisation du festival Osheaga.
Prix Polaris 2022 : les dix albums de la liste courte!
par Rédaction PAN M 360
Ça y est, la liste restreinte ou « liste courte » des candidats au prix Polaris 2022 vient d’être publiée. Les musicophiles se réjouiront de constater que cette sélection de dix albums ratisse large, stylistiquement. Fait à noter, l’excellent album Pictura de ipse: musique directe de notre cher Hubert Lenoir y figure. On remarquera aussi les albums des Montréalais Ourielle Auvé, alias Ouri, et Pierre Kwenders, respectivement intitulés Frame of a Fauna et José Louis and the Paradox of Love. Puis, on constate avec bonheur que Chiac Disco, le succulent et truculent fricot funk-cadien de Lisa LeBlanc fait partie de la dizaine. Voici la liste complète, l’annonce de l’album gagnant aura lieu le 19 septembre 2022.
Alpha, Charlotte Day Wilson
Labyrinthitis, Destroyer
Pictura de ipse: musique directe, Hubert Lenoir
Waves, Kelly McMichael
Chiac Disco, Lisa LeBlanc
Sewn Back Together, Ombiigizi
Frame of a Fauna, Ouri
José Louis and The Paradox of Love, Pierre Kwenders
Tao, Shad
Life After, Snotty Nose Rez Kids
La liste longue du Prix Polaris, ordre alphabétique
par Rédaction PAN M 360
Le Prix de Musique Polaris, présenté par CBC Music, a révélé sa longue liste de 40 albums.
La longue liste du Prix de musique Polaris 2022 est la suivante :
AHI – Prospect Arcade Fire – WE Backxwash – I LIE HERE BURIED WITH MY RINGS AND MY DRESSES BADBADNOTGOOD – Talk Memory Jean-Michel Blais – aubades Basia Bulat – The Garden Tanika Charles – Papillon de Nuit: The Night Butterfly Chiiild – Hope For Sale Destroyer – LABYRINTHITIS Julie Doiron – I Thought Of You The Garrys – Get Thee To A Nunnery The Halluci Nation – One More Saturday Night Joyful Joyful – Joyful Joyful Adria Kain – When Flowers Bloom Lydia Képinski – Depuis Pierre Kwenders – José Louis And The Paradox Of Love Ada Lea – one hand on the steering wheel the other sewing a garden Lisa Leblanc – Chiac Disco Hubert Lenoir – PICTURA DE IPSE : Musique directe Luna Li – Duality Les Louanges – Crash LOONY – soft thing Kelly McMichael – Waves Men I Trust – Untourable Album Haviah Mighty – Stock Exchange myst milano. – Shapeshyfter Cedric Noel – Hang Time Ombiigizi – Sewn Back Together Orville Peck – Bronco Ouri – Frame of a Fauna P’tit Belliveau – Un homme et son piano PUP – THE UNRAVELING OF PUPTHEBAND SATE – The Fool Shad – TAO Sister Ray – Communion Snotty Nose Rez Kids – Life After Stars – From Capelton Hill Tanya Tagaq – Tongues The Weeknd – Dawn FM Charlotte Day Wilson – Alpha
Cette année, 223 albums ont été pris en considération lors du processus de sélection de la longue liste par un jury de 197 membres.
« À mesure que le secteur se rétablit, la musique et les arts continuent de nous remonter le moral et de nous motiver à aller de l’avant. Le Conseil des arts du Canada est extrêmement fier de collaborer avec le Prix Polaris pour reconnaître l’apport des musicien.ne.s figurant sur la longue liste de cette année. Nous saluons leur esprit et applaudissons leurs créations. » – Carolyn Warren, directrice générale des Programmes de subventions aux arts du Conseil des arts du Canada.
La longue liste de 2022 a été dévoilée chez Numbers, un espace événementiel situé dans le quartier West End de Toronto, par le biais d’une vidéo réalisée par Daniel Tal et produite par Vox Future. Il s’agissait du premier rassemblement public organisé par le Polaris depuis 33 mois. La vidéo de dévoilement de la longue liste a également été diffusée simultanément sur la page Facebook et les chaînes YouTube du Polaris.
La courte liste de 10 albums sera dévoilée en direct le 14 juillet dans le cadre d’une émission spéciale de deux heures via Drive sur les ondes de CBC Music. Une rediffusion de l’émission spéciale sera proposée sur CBC Music le dimanche 17 juillet. Cet automne, l’album lauréat du Prix de musique Polaris 2022 sera également dévoilé sur CBC Music. Plus de détails à ce sujet seront annoncés dans les prochaines semaines.
L’album lauréat sera révélé lors du Gala Polaris le lundi 19 septembre, au Carlu, à Toronto. Pour célébrer son retour dans la salle qui a accueilli Glenn Gould, Billie Holiday, Frank Sinatra et de nombreux événements Polaris, le Prix de musique Polaris vient de mettre en vente 100 billets d’admission générale pour son Gala. Ces billets à prix spécial (40 $ plus taxes) sont disponibles dès maintenant sur Ticketmaster en quantité limitée.
Le Prix de musique Polaris remet 50 000 $ à l’artiste ayant créé l’album canadien de l’année, jugé uniquement sur sa valeur artistique et sans considération pour le genre musical ou la popularité commerciale. Les neuf autres artistes en nomination, dont les albums figurent sur la courte liste de 2022, recevront 3 000 $, une gracieuseté de Slaight Music. De plus, le Prix de musique Polaris s’est associé à Play MPE pour offrir à l’artiste derrière l’album lauréat un forfait mondial pour la distribution et la promotion d’une parution musicale (simple ou album) d’une valeur maximale de 3 025 $ CA. Play MPE offrira également aux neuf autres artistes de la courte liste des forfaits de distribution d’une valeur maximale de 1 000 $ CA.
Les albums admissibles au Prix de musique Polaris 2022 doivent être parus entre le 1er mai 2021 et le 31 mai 2022. Un jury indépendant composé de membres des médias musicaux de tout le Canada détermine la longue et la courte liste. Onze personnes parmi les membres du jury sont ensuite choisies pour faire partie du grand jury. Ce grand jury se réunit lors du Gala du Polaris pour choisir l’album lauréat du Prix de musique Polaris.
Les gagnant.e.s antérieur.e.s sont Cadence Weapon (2021), Backxwash (2020), Haviah Mighty (2019), Jeremy Dutcher (2018), Lido Pimienta (2017), Kaytranada (2016), Buffy Sainte-Marie (2015), Tanya Tagaq (2014), Godspeed You! Black Emperor (2013), Feist (2012), Arcade Fire (2011), Karkwa (2010), Fucked Up (2009), Caribou (2008), Patrick Watson (2007) et Final Fantasy / Owen Pallett (2006).
Nous avons hâte de donner le coup d’envoi d’une nouvelle année incroyable grâce à notre personnel, notre jury, notre conseil d’administration, nos artistes, nos commanditaires et les membres de la communauté.
Saison 2022 des évènements du Prix de musique Polaris
14 juin – Annonce de la longue liste : la longue liste du Polaris comprend les 40 albums sélectionnés qui seront pris en considération pour le prix d’une année donnée.
14 juillet – Annonce de la courte liste : à partir de la longue liste de 40 albums, le Polaris dévoile les 10 albums finalistes qui seront pris en considération pour le prix d’une année donnée.
19 septembre – Gala Polaris : notre prestigieux évènement de révélation des albums lauréats, le Gala Polaris, propose des performances musicales en direct des artistes figurant sur la courte liste du Polaris. L’album lauréat du Prix de musique Polaris est désigné le jour même du gala par un grand jury de 11 membres sélectionné.e.s parmi l’ensemble du jury du Polaris.
21 octobre – Prix du patrimoine Polaris de la famille Slaight : le Prix du patrimoine est un prix de la critique et une campagne de sondage publique qui vise à célébrer les albums canadiens classiques créés avant la première édition du Polaris en 2006. Comme pour le Prix de musique Polaris, les albums candidats et gagnants du Prix du patrimoine sont des albums de la plus haute distinction artistique, sans égard aux ventes ou aux affiliations.
Nous reconnaissons l’appui financier de FACTOR, du gouvernement du Canada par l’entremise du ministère du Patrimoine canadien (Fonds de la musique du Canada) et des radiodiffuseurs privés du Canada.
CE CONTENU PROVIENT DU PRIX POLARIS ET EST ADAPTÉ PAR PAN M 360
Ausgang Plaza ou comment être rassembleur et inclusif dans un « espace public fragmenté »
par Salima Bouaraour
« Programmation éclatée », « développer la curiosité du public », « forcer les rencontres inter-culturelles montréalaises », tels sont les termes employés par Malick Touré pour décrire le travail accompli et les objectifs à atteindre de ce lieu unique en son genre: Ausgang Plaza. Son directeur général explique les enjeux de cet “espace public fragmenté” qui se veut un lieu de vie rassembleur et inclusif.
Un concept de bar culturel à la montréalaise avant gardiste
Fondé en 2014, Ausgang Plaza est un organisme sans but lucratif qui œuvre dans la diffusion et la production d’initiatives culturelles locales, situé en plein cœur de Rosemont, sur la Plaza Saint-Hubert. La bâtisse se répartit en une multitude d’espaces locatifs: une salle de diffusion pluridisciplinaire de 4 500 pieds carrés, une boutique pop-up, un studio de production, une librairie et une école d’art.
Des événements pluridisciplinaires sont accueillis, tout au long de l’année, depuis 7 ans: musique, danse, art visuel et cinématographique, conférence et débat. La programmation est pensée et élaborée en collaboration avec des acteurs et des actrices de la vie culturelle montréalaise.
Depuis sa création, on ne compte plus les moments mémorables: Qualité de luxe (projet de musique d’inspiration africaine -soca, dancehall, reggae, afrobeat- exporté par Malick à Ausgang, anciennement au défunt bar, Les Bobards, avec Ghislan Poirier et Kyou); Gaybash et les soirées P.L.U.R. / PEACE • LOVE • UNITY • RUNWAY; les Marchés de novembre ou le rassemblement des créateurs.trices en art visuel, culinaire et artisanat divers. À cela s’ajoutent les festivals tels que les Filministes (œuvres cinématographiques liées aux enjeux des genres et des féminismes) ou Laylit (célébration artistique des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord) ou encore des débats sur la justice climatique et autres questions de société.
La dernière perle arrivée dans le bâtiment est la librairie Racines. Une librairie? Oui, une librairie où l’on peut consulter et acheter des ouvrages de tous horizons dont l’un des objectifs est d’offrir une place privilégiée et de redonner une juste assise aux auteur.e.s racisé.e.s.
La « Robin Hood Theory », au sens figuratif mais aux actions bien réelles
« Je suis venu ici par hasard et j’ai fait un party incroyable! » s’exclame joyeusement Malick lorsque je lui demande ce qui amène les gens vers Ausgang. Puis, il ajoute, fermement, qu’il y a aussi un énorme travail de démarchage et de concertation pour offrir les espaces aux artistes et aux organismes dont les valeurs rejoignent les leurs. « Nous faisons le nécessaire pour rendre le lieu accessible », précise-t-il.
Effectivement, les missions d’Ausgang sont de promouvoir, de dynamiser et d’offrir l’accessibilité aux acteurs.trices culturels dans toute leur diversité pour faire vibrer la communauté hétéroclite montréalaise.
Malick a été sollicité par l’organisme pour programmer des partys, étant donné son parcours d’artiste musical sous le pseudonyme de Mr. Touré! «Mon travail de DJ m’aide à comprendre ce qui fait rester le public sur le plancher », m’affirme-t-il avec force et confiance. Après avoir fait des études en stratégie de production à l’UQAM, pour satisfaire la soif de diplôme de ses parents, il sait avec conviction que sa vie ne peut pas se résumer à un emploi de bureau.
Mr. Touré!
Crédit photo : Justine Boucher @jsteju
« J’aime monter des projets, que ça marche, prouver quelque chose et travailler en équipe pour la communauté », insiste-t-il lorsque j’aborde avec lui la manière dont sa personne et son charisme bienveillant teintent l’image d’Ausgang. En tant qu’enfant d’immigré et noir, son parcours fut semé d’embûches mais aussi de belles occasions. Bien que reconnaissant les effets pervers du racisme systémique ancré dans toutes les interstices de la société – consciemment ou inconsciemment -, Malick veut briser le plafond de verre et distiller son énergie titanesque aux autres, d’où la « Robin Hood Theory »: donner à ceux et à celles qui en ont besoin pour vivre l’ascension artistique ou sociale.
Malick incarne, avec Jessye -une force incontournable d’Ausgang- une équipe de sept personnes à temps plein pour faire vivre Ausgang. Les défis sont énormes pour développer les échanges entre personnes expérimentées et novices afin de monter des projets solides. Les enjeux financiers sont de taille, certes. Cependant, il faut aussi concilier la mission d’offrir des tarifs doux à des artistes aux talents de grande envergure ayant des moyens financiers limités et joindre un vaste public. « La priorité est avant tout de donner une certaine satisfaction à la communauté », précise-t-il pour définir son rôle de directeur.
Être moins organique et développer une vision sur le long terme
L’avenir s’annonce radieux pour Ausgang. Récemment nominé dans la catégorie « Overcoming Adversity Award – Medium Venue/Festival » par le Canadian Live Music Association, Malick ne cache pas sa joie d’avoir « la reconnaissance des autres » et de constater à quel point la résilience les a aidé à surmonter un certain nombre de défis.
Avec son équipe, il souhaite accentuer le potentiel du lieu pour être reconnu comme diffuseur, augmenter le nombre d’événements mais aussi leur fréquence ainsi que faire rayonner Ausgang hors l’île de Montréal. Offrir une voix à l’extérieur aux talents divers et variés de « ma ville ».
Étant bien curieuse de connaître sa position sur ce que la ville de Montréal pourrait leur offrir pour faciliter leur activité, nous engageons la conversation sur ce terrain mouvant. Il est connu que le système de gestion administrative et territoriale de Montréal doit se moderniser pour donner plus de liberté et de souplesse à ce type de lieu. Le concept de bar culturel à l’européenne serait une chance. Ausgang souhaiterait avoir accès à un permis d’occupation de salle de spectacle et non plus de simple bar car son champ d’action est bien plus large comme nous pouvons le constater. Cependant, au vu de sa localisation, dans un zonage mixte, commercial et résidentiel, la problématique du bruit n’y est pas anodine, mais un simple permis bar ne permet pas d’élargir le public aux moins de 18 ans et de pouvoir bénéficier de plus d’opportunités.
Ausgang Plaza est sans conteste un lieu de vie rassembleur et inclusif dans un espace public réconcilié grâce à l’énergie débordante et chaleureuse de Malick Touré et son équipe de choc.
Prochains événements:
• 11 juin: Laylit (2ième édition d’une soirée qui célèbre la diversité musicale et artistique des pays du Moyent Orient et d’Afrique du Nord)
• 24 juin: Lady Wray, chanteuse africaine américaine, née en Virginie, basée à Atlanta (Géorgie)
Mr. Touré!
Au sommet de la nuit : MTL 24/24
par Alain Brunet
Les authentiques nuitards l’observent depuis des lustres, Montréal est mésadaptée à la vie nocturne, du moins dans les lieux et voisinages permettant une activité sociale ou culturelle 24 heures sur 24.
D’où les actions dynamiques et répétées de MTL 24/24, dont voici les prochaines:Micro ouvert à La Tulipe, ateliers de discussions au Monument National et marathon d’une trentaine d’heures consécutives de musique à la SAT.
Comme dirait l’autre, on dormira quand on sera morts !
MTL 24/24, un organisme assurant le leadership de la réflexion sur une vie nocturne carencée à Montréal pour de nombreuses raisons (réglementation municipale désuète, entre autres irritants) , nous convie à ce vaste événement Montréal au Sommet de la nuit 2022 .
Mathieu Grondin, directeur général et co-fondateur de MTL 24/24, nous explique les trois axes du happening tenu du 18 mai PM au 23 mai AM.
MICRO OUVERT À LA TULIPE
Le 18 mai à compter de 18h, La Tulipe sera le théâtre d’un micro ouvert, décrit comme suit : « Soirée de participation citoyenne destinée à partager des témoignages autour de la nuit montréalaise et de ses enjeux, le Micro ouvert se veut un espace d’expression au sein duquel la diversité qui caractérise Montréal pourra s’exprimer. Vous êtes tous·tes invité·es à prendre la parole et échanger sur votre rapport à la nuit et la métropole. Façonnons ensemble les nuits montréalaises de demain ! »
PAN M 360 : Qui participera à ce micro ouvert?
MATHIEU GRONDIN : Des citoyens, des artistes, des proprios de bar, de salles de spectacles. C’est ouvert à tous !
PAN M 360 : À quoi sert selon vous cette pratique du micro ouvert dans le cas qui nous occupe?
MATHIEU GRONDIN : Prendre le pouls de la communauté nocturne sur les enjeux du milieu.
Sous les projecteurs et en musique, venez relater votre expérience de la vie nocturne face au Conseil de nuit de MTL 24/24, qui recueillera les témoignages dans le but d’en rendre compte auprès du conseil municipal. Venez partager vos idées, vos expériences, vos craintes et vos suggestions !
PAN M 360 : Que faites-vous avec les propos recueillis à ce micro ouvert ?
MATHIEU GRONDIN : Le Conseil de nuit de MTL 24/24 rend compte de la teneur des discussions à la Ville de Montréal afin que la politique de la vie nocturne qui sera adopté à l’été 2023 soit en phase avec les besoins du milieu.
PAN M 360 : Quelles sont les retombées d’un micro ouvert selon vous ?
MATHIEU GRONDIN : Obtenir l’écoute des politiciens !
MONTRÉAL AU SOMMET DE LA NUIT : DISCUSSIONS AU MONUMENT-NATIONAL
« Suite au succès des éditions précédentes, MTL 24/24 a le plaisir de vous annoncer la prochaine édition de Montréal au Sommet de la nuit 2022 qui aura lieu du 19 au 20 mai au Monument-National. Réinventer les règles. Ressusciter notre ville. Revitaliser notre culture nocturne. Ensemble. Il est temps d’agir : rejoignez-nous pour deux journées d’échanges sur les alternatives et innovations à notre portée, ainsi que les actions à mener pour la relance. Une autre nuit est possible. Et si nous la bâtissions ensemble ? »
PAN M 360 : Quelles ont été les retombées des éditions précédentes de Montréal au sommet de la nuit ?
MATHIEU GRONDIN : Elles ont permis d’alimenter la réflexion de la Ville de Montréal sur sa politique de la vie nocturne. Ça a créé un lien de confiance qui nous a permis d’obtenir la dérogation pour notre projet pilote.
PAN M 360: Quelles sont vos meilleures prises pour les ateliers de cette édition?
MATHIEU GRONDIN : John « Jammin » Collins d’Underground Resistance, et une délégation d’Ukrainiens.
PAN M 360 : Quels sont d’après vous les thèmes les plus cruciaux à aborder cette fois?
MATHIEU GRONDIN : L’urbanisme ! Puisque la Ville est dans une démarche de consultation pour le Plan Urbanisme et Mobilité 2050.
PAN M 360: Quel sera l’impact réel d’après vous, dans les mutations souhaitées de la vie nocturne montréalaise?
MATHIEU GRONDIN : Extension des heures d’ouverture des lieux culturels, révision du règlement sur le bruit, du zonage, adoption du principe d’agent de changement et mise ne place de processus de médiation pour les plaintes de bruit.
NON-STOP 24/24 À LA SOCIÉTÉ DES ARTS TECHNOLOGIQUES
« Grande première: un événement aura lieu pendant plus de 24 heures dans toute la SAT! NON STOP 24/24 est un projet pilote qui se déroulera du samedi 21 mai, 22h jusqu’au lundi 23 mai, 3h. »
PAN M 360 : Quel sont selon vous les angles particuliers de cette ambitieusse programmation à la SAT ?
MATHIEU GRONDIN : La programmation a été réalisée avec la collaboration de plusieurs collectifs d’artistes et boîtes de nuit tels que OCTOV, Homegrown Harvest, Moonshine, Salon Daomé, Datcha et Ausgang Plaza afin de fédérer les forces vives du milieu et ainsi démontrer la pertinence et l’importance du projet pilote pour la communauté noctambule.
PAN M 360 : Comment cet programmation s’inscrit-elle dans les événements produits antérieurement?
MATHIEU GRONDIN : C’est notre premier événement festif ! Les deux premières éditions du Sommet ont eu lieu durant la pandémie.
PAN M 360: Au terme de cet événement, quelles seront les urgences les plus criantes pour la vie nocturne de MTL? Quelles seront les prochaines tâches de votre organisation?
MATHIEU GRONDIN : Organiser d’autres projets pilotes un peu partout en ville pour tester de nouvelles politique publiques sur la vie nocturne. Et déjà plancher sur le Sommet de 2023 !
Distorsion : trois soirées électrisantes au théâtre Plaza
par Stephan Boissonneault
Disco sombre et monstre marin fleuri : notre compte-rendu de la série Distorsion Takeover
La fin de semaine dernière, le cœur musical de Montréal battait au rythme d’une foule de spectacles. Or, aucun de ceux-ci ne rivalisait avec la série Distorsion Takeover en matière de fougue et d’expérimentation déridée. Il s’agissait, en fait, d’une mini-version du très couru Distorsion Psych Fest. Chaque soirée avait son ambiance propre, des projections – gracieuseté du très talentueux Anthony Piazza, dont on vous reparlera plus loin – à la musique, aux tenues vestimentaires et, pour l’auteur de ces lignes, à l’agencement concert-alcool.
Le théâtre Plaza constituait le choix parfait, avec ses lustres grandioses, son bar en demi-cercle, ses plafonds art déco exquis, ses rampes métalliques et les centaines d’amateurs de psych-rock en blousons de jean et en tenues dernier cri. Dans les années 1960 et 1970, le Plaza a été le premier cinéma où l’on pouvait voir des films en 35 mm, jusqu’à ce qu’il ferme ses portes. Il a été rouvert en 2003 comme lieu artistique multiculturel. C’est en quelque sorte une version miniature du Beacon Theatre de New York. L’entrée en scène du festival Distorsion coïncide avec le centenaire du théâtre Plaza.
Première soirée : Crabe, Editrix et Deerhoof
Peut-on se considérer comme un amateur de musique live qui se respecte, si l’on n’a jamais assisté à un concert de Crabe? Ce duo protéiforme existe depuis 15 ans. Avec huit albums et quelques microalbums au compteur, Crabe est un incontournable de la scène expérimentale québécoise. Je suis arrivé un peu tard et j’ai raté la majeure partie de leur prestation. Je peux toutefois certifier, d’après les autres concerts de Crabe auxquels j’ai assisté, qu’il s’agit d’un des groupes québécois les plus surréalistes et les plus loufoques de notre époque. Leurs prestations sont viscérales, complexes et satiriques; ils proposent ce qu’ils appellent du « present-punk », composé d’une concoction de riffs élastiques et de rythmes effrénés. Ils ont sans aucun doute joué des pièces de Sentients, leur plus récent album, ainsi que le thème de la console Nintendo Wii et une reprise de Sparks extraite de la trame sonore du film musical Annette. Quelle manière parfaite de lancer un festival!
Le groupe suivant s’appelle Editrix, c’est un trio originaire d’Easthampton au Massachusetts. On pourrait le décrire comme un Primus féminin. Sa musique est un mélange féroce de psych, prog, noise et jazz. La chanteuse-guitariste Wendy Eisenberg nous a fait entendre sa voix angélique tandis qu’elle exécutait des gammes de guitare math-rock complexes et propres à étourdir l’auditoire. La prestation d’Editrix était bien ficelée et les projections de vieilles vidéos scientifiques en noir et blanc, mélangées à des images superposées de béchers vert fluo et d’ampoules Edison, ajoutaient à l’hilarité psychédélique. Leur concert à Distorsion leur a sûrement valu de nouveaux admirateurs.
Editrix au festival Distorsion.
Le clou de la soirée était Deerhoof, de San Francisco, et son rock indie-expérimental-shoegaze. La musique de Deerhoof est gorgée de joie enfantine. Le groupe existe depuis le milieu des années 90 et ses membres sont des pros de la création d’atmosphères expérimentales. Les projections étaient assez statiques; elles s’articulaient autour d’un coucher de soleil en mutation, de sorte que le public se concentrait sur l’instrumentation de chacune des chansons. Lors des dernières chansons, cependant, les images projetées se sont transformées en lèvres et en dents rayonnantes.
Chacun des membres du groupe a l’air d’une véritable rock star douée de son propre savoir-faire : les guitares combinées d’Ed Rodriguez et de John Dieterich, la basse sulfureuse, les mouvements de danse et le chant brumeux de Satomi Matsuzaki, puis la batterie démente de Greg Saunier.
« La dernière fois que nous sommes venus ici, c’était il y a 29 mois ici à Montréal, à Sala Rossa », a raconté Greg Saunier à une foule enthousiaste. « Nous ne savions pas que nous jouerions plus devant public pendant deux ans à cause de l’état du monde; donc, cette boucle est vraiment bouclée pour nous ce soir », a-t-il ajouté.
Deerhoof a joué une quinzaine de chansons et fait deux rappels. Première soirée terminée à Distorsion.
Deerhoof à Distorsion.
Deuxième soirée : Meggie Lennon, Paul Jacobs et Fleece
Après une coupe de mousseux et une autre de cidre (puis une ou deux lampées de vodka) dans la loge du théâtre Plaza – avec des artistes, leurs amis et des gens de l’étiquette Mothland (qui nous offrent la programmation musicale diversifiée de Distorsion et certaines des meilleures musiques expérimentales qui paraissent ces temps-ci en Amérique du Nord) –, il était temps de passer à Meggie Lennon.
La douce psych-pop – qu’elle surnomme make-out dream pop – de Meggie se présente sous forme de vagues et se marie bien avec les bulles du mousseux. Meggie et son groupe ont baladé le public dans une douce nostalgie, jouant de nombreux morceaux du premier album Sounds From Your Lips (2021), tandis que des images de toucans, de fruits, de vagues estivales et d’yeux flottants occupaient l’écran. Meggie est envoûtante. Elle peut paraître timide et distante lorsqu’elle joue, faisant de petites blagues sur le fait qu’elle est une « professionnelle » après avoir commencé une chanson trop tôt. Or, elle est 100 % authentique, son groupe et elle sont fantastiques à voir lorsqu’ils sont en synergie. Il y a un peu de faste – l’un des guitaristes porte un pyjama en soie assorti à la robe bleue de Meggie –, mais pas trop. Le spectacle est axé sur la musique et Meggie joue le rôle d’une sorte de chef spirituel, incitant tout le monde à danser et à s’aimer. Pendant ces 40 minutes, nous avons tous fait partie de sa secte imaginaire.
Meggie Lennon à Distorsion.
Paul Jacobs est ensuite entré en scène, remplaçant Spaceface au pied levé (encore une participation bousillée par la COVID). Sa prestation fut merveilleusement animée par les chansons de l’album Pink Dogs on the Green Grass. Tout comme Crabe, Paul Jacobs est une figure clé de la scène psych-rock montréalaise. C’était donc la cinquième ou sixième fois que je le voyais. Pourtant, son spectacle ne déçoit pas et les envolées psych-synthétiques-acoustiques qu’il a soigneusement conçues avec son groupe sont très enlevantes. Je pense encore au sourire béat que j’avais au visage lorsque je l’ai vu pour la première, l’an dernier au FME, et je sais que certains des spectateurs ont vécu la même chose à Distorsion.
Paul Jacobs.
Fleece est monté sur scène un peu plus tard, un groupe dont je ne connaissais presque rien, outre le clip de How to make an alt-J song qui est devenu viral. On peut toutefois dire que leur performance a été mémorable. Ma collègue Louise Jaunet, qui courait partout pour prendre des photos et se déhancher sur leur musique, a décrit ainsi Fleece : « Un groupe de pop-rock généreux et enjoué à la Fleetwood Mac, qui explore les souvenirs d’enfance ou quelque chose comme ça. C’est comme si la rencontre inattendue d’un monstre effrayant mais drôle, caché dans un placard, avait aidé une petite fleur queer bizarre à s’épanouir. »
Le monstre drôle-effrayant auquel Louise fait référence est apparu avant que Fleece ne monte sur scène, puis pendant le rappel. Son costume est censé représenter un monstre marin, mais il évoque plutôt une fleur cauchemardesque (qui figure sur la pochette de l’album Stunning & Atrocious de Fleece). Le monstre-fleur s’est pointé avec de vraies fleurs et s’est mis à les distribuer à l’auditoire. Les membres de Fleece ont ensuite changé de costume à trois reprises (combinaisons tie-dye), pendant qu’ils jouaient leur psych lo-fi indie. À la fin du spectacle, une bonne partie de la foule avait sa propre fleur et l’agitait à l’unisson. Une soirée vraiment magique, donc… pour les enfants des fleurs!
Fleece.
Le « monstre marin » Fleece distribuant des fleurs.
Troisième soirée : Celebrity Death Slot Machine, Pelada et Le KVB
Une note sur les tenues vestimentaires : la deuxième soirée du festival était axée sur la couleur (tissus carreautés, robes multicolores, camisoles brillantes, bref, des tenues de festival). Le troisième soir, cependant, 80 % de la foule était en noir. On se serait cru dans un club allemand underground trop cool, à l’intérieur du théâtre Plaza. Sans doute parce que c’était le volet no-wave, coldwave et post-punk de Distorsion, styles qui semblent toujours avoir le noir comme couleur de prédilection. La table de marchandise était pleine d’albums et de t-shirts des KVB. Derrière, sur une table séparée, il y avait toutefois une machine à sous multicolore et un tas de t-shirts illustrés de personnages fous et de boules disco fracassées : les articles de Celebrity Death Slot Machine – ou CDSM –, un groupe new-wave, expérimental et dark-disco d’Atlanta, dont c’était la première prestation internationale.
Alors que le groupe montait sur scène, un homme vêtu d’une camisole blanche et d’une coupe au bol blonde a pris le micro et commencé à chanter, d’une voix de baryton gothique, une histoire où Joe Pesci, représenté en bonhomme Sept-Heures, vous kidnappe en vue d’une liaison torride; cette chanson s’intitule Fresh Catch et est tirée de Hell Stairs, microalbum initial de CDSM. La foule ne s’y attendait pas et s’est mise à danser dans une sorte de frénésie infernale disco-synthétique. Le claviériste ressemblait à un Weird Al Yankovic plus funky et le bassiste-guitariste à un réalisateur de porno des années 70, avec son pantalon doré brillant. Le batteur portait un survêtement rouge sang et un chapeau de cow-boy à imprimé guépard. Pourquoi pas?
CDSM à Distorsion.
CDSM a déclenché une avalanche de grooves en apparence farfelus et bizarres, mais qui fonctionnent! Ces gars créent une atmosphère vraiment absurde, un peu comme une pièce de théâtre surréaliste. C’est en partie grâce aux projections hypnotiques d’Anthony Piazza – pentagrammes, décors en feu, images kaléidoscopiques, machines à sous, des chiens de berger maléfiques et plus encore.
CDSM alternait les chanteurs, chacun ayant son propre style. Une grande partie de la foule était fascinée, regardant les membres s’échanger leurs instruments avec facilité, notamment Tyler Jundt qui tenait le micro entre ses jambes alors qu’il exécutait un solo de saxo rauque. Ce groupe, bien que relativement nouveau, pourrait facilement être la tête d’affiche de son propre festival. CDSM deviendra culte et volera la vedette à la plupart des groupes pour lesquels ils font la première partie. Difficile de se produire après eux.
CDSM met le feu au théâtre Plaza.
Le duo hispano-montréalais d’acid-techno-house Pelada l’a tout de même fait, avec une fureur inégalée par-dessus le marché. Sur fond de flammes, le chanteur Chris Vargas dénonçait l’oppression raciale systémique, le sexisme, le harcèlement sexuel et la surveillance, en enfilant d’abord un manteau violet duveteux, puis en revêtant une combinaison de cuir noir très fin. À un moment donné, Vargas a demandé à tous les hommes de la foule de se retirer et de laisser la place à toutes les femmes de la foule.
« Je veux que ce soit un lieu sûr pour toutes mes bitch dans la foule », a dit Vargas au micro. Beaucoup d’hommes, par respect, sont allés au fond pour une chanson ou deux, et Pelada s’est lancé dans A mí me juzgan por ser mujer (Je suis jugée parce que je suis une femme). C’était une prestation à la fois terrifiante et stimulante.
Pelada.
Dernier groupe au programme de Distorsion : The KVB, un duo de Manchester, Royaume-Uni, connu pour son mélange distinctif de post-punk et de psych-shoegaze. Un concert grandiose et électrisant, rempli de réverbérations et de synthétiseurs en montagnes russes. The KVB a joué ses anciennes pièces et les nouvelles de l’album Unity. C’est un vrai groupe de scène. Les projections du simple Unite ont été un moment fort : on voyait une ville industrielle futuriste où le groupe scandait « modular factory living ». À un moment donné, la guitare est disparue du mix, c’était nettement plus silencieux. Ou peut-être était-ce dû au gin-tonic… Difficile à dire, mais The KVB a inculqué un sentiment de légèreté à la foule.
The KVB en train de clore Distorsion.
Après les spectacles, beaucoup de gens se sont rendus à l’Escogriffe pour l’après-party, puis à l’après-après-party du QG de Mothland jusqu’aux petites heures. En conclusion, la série Distorsion a été organisée par des mélomanes avertis qui savent comment créer une ambiance. Ils n’ont pas seulement organisé un festival, mais aussi une communauté de toqués désireux de découvrir les sons étranges que nous offrent des musiciens ultra-talentueux. Si vous ne faites pas partie de cette bande de chanceux, adhérez-y, vous ne le regretterez pas!
Du souffle et du cœur : l’Opéra de Montréal et la COVID longue
par Luc Marchessault
Après s’être attardé aux effets délétères de la pandémie sur le monde de la musique, Pan M 360 se penche aujourd’hui sur un projet où des représentants de ce monde, en l’occurrence une mezzo-soprano de l’Opéra de Montréal et ses collègues, tendent la main aux gens qui sont aux prises avec des symptômes de la COVID longue.
La musique est un pouls, la musique est un souffle. Elle rythme les rituels, elle soulage l’âme. Le médecin et philosophe grec Hippocrate croyait déjà, il a presque 2500 ans, que la musique influait sur la santé de l’humain[1]. De nos jours, les applications de la musicothérapie sont plus vastes que jamais. On s’en sert désormais pour combattre des fléaux neurologiques comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson[2].
La pandémie qui afflige la planète depuis plus de deux ans laisse dans son sillage des millions de morts, mais également des survivants souffrant d’un nouveau mal que l’on nomme « maladie post-COVID-19 » ou encore « COVID longue ». La Dre Janet Diaz, cheffe de la gestion clinique à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en a résumé les symptômes l’automne dernier. Ceux-ci comprennent « la fatigue, l’essoufflement, les dysfonctionnements cognitifs, mais aussi d’autres qui ont généralement un impact sur le fonctionnement quotidien. Les symptômes peuvent être d’apparition récente, après le rétablissement initial de l’épisode aigu, ou persister depuis la maladie initiale. Et puis les symptômes peuvent aussi fluctuer ou rechuter avec le temps »[3].
En août 2020, à Londres, l’English National Opera a lancé un « programme pilote (…) de chant, de respiration et de bien-être visant à soutenir et à améliorer le rétablissement des survivants de la COVID-19 »[4], en étroite collaboration avec l’organisme Imperial College Healthcare. Ce projet a trouvé écho chez nous, à l’Opéra de Montréal. Son responsable des volets action sociale et éducation, Pierre Vachon, a saisi la balle au bond lorsque l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) a mis sur pied sa clinique IPCO (IRCM Post-COVID) en février 2021. La Dre Emilia Falcone, infectiologue et directrice d’IPCO, a assuré l’Opéra de Montréal de sa collaboration. Le programme RESPIRER est né, grâce à Pierre Vachon et, durant ses premières phases, à Ariane Girard, cheffe de chant à l’atelier lyrique de l’Opéra. La mezzo-soprano Charlotte Gagnon a ensuite pris le relais, concrétisant et animant, à partir de la mi-mars 2022, les séances de chant destinées aux patients suivis par IPCO.
« Puisque les symptômes de la COVID longue sont variés et ne se présentent pas de la même façon chez ceux qui en souffrent, le programme RESPIRER offre une variété d’exercices, notamment en matière de respiration, mais aussi en ce qui a trait aux bienfaits de la musique », explique Charlotte Gagnon. Toutes celles et tous ceux qui ont tâté du chant – que ce soit au sein d’une chorale ou ailleurs – le confirmeront : le chant est sain, stimulant, libérateur, cathartique. Il provoque la sécrétion d’endorphines, qui atténuent l’effet des hormones du stress (cortisol, adrénaline, ACTH, ocytocine, vasopressine). « Lorsque je chante les Quatre derniers lieder de Richard Strauss (…), dans la dernière mélodie j’atteins l’état méditatif. Ma respiration ralentit. Je peux me détacher complètement de ma vie de tous les jours, et cela m’arrive à chaque fois », confiait en 2018 la cantatrice Renée Fleming à la revue Stanford Medicine.[5]
« Les chanteurs d’opéra sont les grands maîtres de la respiration; le geste du chant consiste à expirer en produisant un son. Le contrôle du souffle est primordial, c’est ce que nous tentons d’inculquer aux participants. Certains d’entre eux ont des symptômes davantage liés à l’anxiété, à la mémoire ou à d’autres éléments cognitifs. Nous apprenons donc des chansons pour stimuler des parties du cerveau qui ne sont pas sollicitées au quotidien. Chanter en groupe vient apaiser les symptômes d’anxiété, tout comme le fait de se concentrer sur le souffle et la respiration plus profonde. Une foule d’éléments propres à l’art lyrique sont très bénéfiques », explique Mme Gagnon. La plupart des participants n’ont aucune notion de chant. Charlotte Gagnon leur propose des airs connus comme À la claire fontaine, Amazing Grace ou la barcarolle des Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach.
Violaine Cousineau a contracté la COVID il y a un an et demi. Elle vit, depuis lors, avec des séquelles tenaces et invalidantes. Femme naguère très active, prof de littérature au cégep, amatrice de plein air et grande lectrice, elle doit aujourd’hui composer avec une capacité de concentration très restreinte et se reposer après tout effort. Pour elle, l’initiative de l’Opéra de Montréal équivaut à une bouffée de compassion et de solidarité qui pallie les lacunes gouvernementales, en matière de soutien aux victimes de la COVID longue.
« Nous sommes encore dans l’expérimentation, il ne s’agit pas d’un projet de recherche validé par des pairs, mais on sent que l’Opéra est en démarche avec nous, à l’écoute de nos malheurs. Nous en sommes aux premières séances, on s’ajuste encore », nous confie Violaine Cousineau. Au premier atelier, certains participants ne pouvaient plus rien faire après trois ou quatre respirations. La Dre Falcone assure une supervision médicale lors de toutes les séances : elle observe les réactions des participants et s’assure que leur état est satisfaisant.
Charlotte Gagnon ne se contente pas d’être mezzo-soprano : yogini de longue date et bien au fait des bienfaits du yoga sur sa pratique de l’art lyrique, elle est devenue professeure de yoga après le début de la pandémie. Elle songeait à transmettre son savoir yogique à ses collègues chanteuses et chanteurs, avant que le programme RESPIRER ne lui donne plutôt l’occasion d’en faire profiter les victimes de la COVID longue. Mme Gagnon est titulaire d’une maîtrise en musique classique, volet interprétation. Sa formation n’était pas axée sur la musicothérapie; son intérêt pour la santé et la psychologie (elle a fait plusieurs cours en la matière) la transcende. De plus, elle précise que l’initiative RESPIRER, à la fois exploratoire, ludique et empathique, entre dans le domaine de la médiation culturelle, où l’on utilise l’art pour créer des liens avec la communauté.
La COVID longue constitue une maladie nouvelle, donc mal connue et pas encore reconnue officiellement. Le nombre de gens qui en souffrent croît constamment. L’Opéra de Montréal aimerait que tous ceux-ci aient accès à son programme, peut-être sous forme de capsules Internet. Le programme RESPIRER n’en est donc qu’à ses débuts. « De savoir que des gens se soucient de nous réapprendre à respirer, dans le bonheur de la musique, puis entendre la voix d’une chanteuse d’opéra alors que je ne peux guère aller aux concerts, c’est un cadeau en soi. Il y a là-dedans une empathie et une générosité incroyables », se réjouit Violaine Cousineau.
[1] ROCHON, Michel. Le cerveau et la musique, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2021, p. 111-112.
Cinq groupes punk ukrainiens à vous mettre sous la dent
par Stephan Boissonneault
Comme tout le monde sur la planète, nous sommes préoccupés par l’Ukraine, ces derniers temps. Il est facile de se faire happer par le cercle vicieux du malheur en regardant défiler le décompte des victimes. Les chaînes de nouvelles diffusent en continu des statistiques comme « Au moins 23 000 morts et 10 millions de déplacés, selon Reuters »; les noms de Volodymyr Zelensky et – malheureusement – Vladimir Poutine se sont incorporés à notre lexique cérébral.
Or, il est un aspect de la culture ukrainienne dont nous sommes devenus beaucoup plus conscients, au cours du dernier mois : sa scène musicale, notamment ses groupes punk passés et existants. Lorsqu’on songe à la musique punk ukrainienne, un groupe comme Gogol Bordello peut nous venir à l’esprit. Cette formation punk-manouche a plutôt le Lower East Side de Manhattan comme port d’attache. Nous avons donc mis l’accent, ici, sur la musique punk ukrainienne d’hier et d’aujourd’hui.
Il convient aussi de remercier Bandcamp et Spotify, dans une certaine mesure, car on a découvert diverses listes de lecture grâce à leurs plateformes. Merci également aux musiciens nord-américains et européens qui ont eu l’amabilité eux de nous transmettre un peu de leurs connaissances de la scène punk marginale de l’Ukraine.
Pourquoi le punk? Parce que depuis ses débuts, le punk rock a été un catalyseur de libération musicale et politique, selon les groupes. La musique punk a été au cœur de la dénonciation de gouvernements iniques, du racisme, du sexisme, du mépris général des droits de la personne et, bien sûr, de la guerre.
Un site Web appelé Neformat, que coordonne la journaliste Yaryna Denysyuk, couvre la scène musicale marginale d’Uzhhorod, en Ukraine; nous y avons eu recours pour nous renseigner sur l’histoire de la musique punk en Ukraine. Voici ce qu’en dit Yaryna Denysyuk : « L’ère postsoviétique est caractérisée par une pauvreté endémique, pendant la restructuration de l’économie du pays. Il n’y avait pas d’Internet pour partager et enregistrer la musique, pas d’économie créative pour soutenir les jeunes talents, ni d’industrie musicale proprement dite. Ce n’est que dans les années 2000 qu’une scène marginale plus vaste a commencé à poindre en Ukraine. »
Au cours de notre séjour virtuel dans la contre-culture punk ukrainienne, nous avons découvert un fait intéressant : bien que le punk véhicule habituellement des réquisitoires politiques, une grande partie de la musique punk ukrainienne est plutôt axée sur des sujets comme la dépression, l’anxiété et les traumatismes. Il existe des chansons costaudes sur l’enfer de la guerre, et on assistera assurément à l’émergence de nouveaux groupes qui créeront des chansons sur l’invasion russe. Jusqu’à présent, toutefois, une grande partie du punk ukrainien revêt la forme d’une catharsis, pour ses musiciens, sans lien avec la politique. On pourrait qualifier ce punk d’apolitique.
Par ailleurs, le terme « punk » peut avoir différentes significations, selon les régions du monde où on le pratique. En Ukraine, par exemple, pays où la scène musicale est plutôt modeste et autonome, de nombreux groupes sont affiliés au punk. Des formations à tendance speed-metal, hardcore, post-hardcore, doom, black-métal, psychobilly ou alt-rock aboutissent dans la case punk.
La liste qui suit ne se veut aucunement exhaustive : elle ne fait qu’effleurer la surface du mouvement, mais elle devrait vous donner une petite idée des groupes punk anciens et nouveaux d’Ukraine.
Vopli Vidopliassova : punk-rock expérimental des années 80
Il est fort difficile pour nous, en Amérique du Nord, et même pour les populations d’Europe occidentale d’imaginer l’étau dans lequel l’Union soviétique serrait la culture ukrainienne, y compris la musique. « Les Soviétiques considéraient les hippies et les punks comme des manifestations » nuisibles de la bourgeoisie », mais un grand élan de créativité est survenu à la fin des années 1980. Peu après, le pays a obtenu son indépendance », explique Yaryna Denysyuk.
Des groupes de métal, de punk rock underground ou de musique électro-expérimentale se sont mis à apparaître, à la fin des années 80 et au début des années 90. La plupart d’entre eux sont oubliés, toutefois. L’un d’eux, Vopli Vidopliassova, communément appelé « VV », a joué un rôle crucial dans l’émergence du punk en Ukraine. VV jouait principalement du rock’n’roll, mais proposait un tas de chansons punk et post-punk, vers 1987 au Kyiv Rock Club. La chanson Танцi, créée en 1989, a connu un succès immédiat. Elle illustrait la noirceur de la musique rock et punk ukrainienne.
Homesick : groupe skate-punk hardcore d’Odessa
Homesick, qui œuvre depuis 2010, propose une mouture intense de skate-punk hardcore ukrainien. Sa musique sonne comme un concert se déroulant dans une piscine abandonnée, pleine de skaters, de punks et d’autres laissés pour compte.
Les membres ont comme pseudos Crank, Left, Hump et Wise. Leur son s’apparente à celui de Dayglo Abortions ou même de Black Flag. Après l’invasion de l’Ukraine par les Russes, Homesick a lancé une chanson acoustique intitulée ПОД ЗВУК СИРЕН – « Sous les sirènes » –, évoquant la peur, l’unité et la liberté des Ukrainiens. La chanson tire son nom des sirènes de raid aérien que le chanteur entendait à six heures du matin.
Cios : groupe street-punk de Khmelnytskyi
Le son de Cios s’apparente au sous-genre punk Oi! qui résonne dans les pubs de Grande-Bretagne. La musique de Cios est grinçante et rugueuse, le genre qui incite à boire à pleine bouche lors d’un concert underground.
Il s’agit de punk sale d’ouvriers qui parlent des difficultés de la vie moderne. Bien qu’elles ne soient pas ouvertement politiques, leurs chansons évoquent directement la corruption de la société ukrainienne. La musique du groupe nous rappelle celle des vieux albums de Minor Threat ou, parfois, des Bad Brains, à laquelle on aurait ajouté des éléments de surprise comme un solo de saxophone, pour rendre l’expérience d’écoute encore plus agréable. Leur plus récente parution (2021) s’intitule Біль. Гніт. Бруд. (c’est-à-dire « Douleur. Abus. Saleté. »).
Dymna Sumish : punk des années 90 et 2000, groupe originaire de Tchernihiv
Le groupe Dymna Sumish, fondé en 1998 à Chernihiv, a généré une résonance considérable dans les cercles musicaux d’Ukraine grâce à un mélange très convaincant de punk-rock, de hardcore et de psych-rock. Dymna Sumish a joué partout en Ukraine, mais n’a pas enregistré d’albums avant le milieu des années 2000.
Une grande partie de sa musique n’existe que sur CD, mais on peut dénicher quelques chansons dans les recoins obscurs de YouTube. Le groupe a déclaré publiquement qu’il mettait fin à ses activités « (…) en raison de son incapacité à faire face à la situation en Ukraine. La culture n’est pas valorisée, au contraire : le pouvoir dicte les règles, l’expérience sociale, bref, c’est le « totalitarisme » ». N’oublions pas que c’était en 2012, avant l’invasion russe de la Crimée (2014).
Dymna Sumish vers 2007
Death Pill : groupe riot-grrrl hardcore métal-punk de Kyiv
Dernière formation, mais non la moindre : Death Pill. Ce groupe riot-grrrl autoproclamé est terrifiant. Sa musique fait l’effet d’une plaie déjà ouverte qu’on lacère à grands coups. Une volée de vitriol et de colère sur un mur de guitares lourdes et rapides, de basses et de tambours de guerre. Par moments, ça ressemble à du thrash-métal pur, enraciné dans l’éthique punk DIY par son lyrisme. Death Pill émane de la scène punk-hardcore de Kiev, un endroit où les délimitations de genres sont floues.
Les simples Die for Vietnam et Расцарапаю Ебало, qui signifie « J’écorcherais ta saloperie de visage », sont tous deux dédiés à l’armée ukrainienne et toutes les redevances sont consacrées au financement de l’effort de guerre.
Расцарапаю Ебало par Death Pill
« Aujourd’hui, nous dédions cette pièce à tous ceux qui défendent notre pays. Nous sommes prêts à écorcher, de nos ongles manucurés, le visage de chacun des monstres qui empiétera sur notre liberté et notre indépendance », peut-on lire sur leur page Bandcamp. La batteuse, Anastasiya Khomenko, a récemment déclaré à Rolling Stone que la musique de Death Pill ira en s’alourdissant, car elle est « remplie de colère et de haine ». Et Anastasiya Khomenko d’ajouter, « Nous ne serons jamais capables d’oublier et de leur pardonner tout le mal qu’ils nous ont fait ». Conseil : n’allez pas embêter ces Ukrainiennes.
Techno et politique : regards sur la contre-culture kyivienne
par Elsa Fortant
On a beau dire ce qu’on voudra, les pistes de danse – qu’elles soient institutionnelles ou underground, légales ou illégales – sont éminemment politiques, particulièrement lorsqu’il s’agit de musiques électroniques. Un aspect que Melvin Laur, artiste et cofondateur du projet collectif Vertige Records, met en lumière dans un mémoire intitulé « Analyse ethnographique de la communauté rave de Kyiv : le contexte postrévolutionnaire ». Son travail de recherche, réalisé dans le cadre d’une maîtrise en sciences de la gestion à HEC Montréal, présente la culture rave de la capitale ukrainienne à travers le discours des acteurs qui la portent, principalement des membres de collectifs organisateurs de soirées et des artistes, prenant comme point de départ la fête comme acte politique.
Sans refaire toute l’histoire du mouvement rave à travers le monde ou même l’Ukraine, il faut savoir qu’après 2014, la culture rave à Kyiv a connu, avec dix ans de retard, un développement fulgurant, au point de devenir une destination courue des « techno-touristes ». Pourquoi 2014? C’est l’année de la révolution de l’Euromaïdan, en réponse au refus de Viktor Ianoukovytch, le président pro-russe de l’époque, de signer l’accord pour l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne. Le mouvement est lancé par les étudiants qui voient alors sous leurs yeux leur futur se dérober. Ils protestent de façon pacifique en occupant la place de Maïdan, au cœur de la capitale. Puis, arrivent les forces de l’ordre. La répression est violente, on dénombre 125 décès. Les affrontements durent 93 jours et se terminent le 22 février 2014 par la reprise du contrôle du pays par l’armée, l’exil d’Ianoukovytch et de nouvelles élections présidentielles. Pour les plus curieux, le documentaire Winter on Fire, produit par Netflix et disponible gratuitement sur YouTube[1], retrace l’histoire de cette lutte du peuple ukrainien pour la liberté.
Pour Melvin Laur, cette révolution a catalysé la culture rave kyivienne : « Cette culture-là est née de la répression et des revendications politiques. Elle a perduré et s’est professionnalisée jusqu’à devenir quelque chose de vraiment culturel, explique-t-il. En fait, avant la révolution du Maïdan, du début des années 2000 jusqu’en 2014, il y avait une énorme scène drum and bass, vraiment très importante. Le genre prédominait à côté la musique commerciale et de la pop ukrainienne, russophone ou internationale. Ensuite, il y a eu cette révolution et la techno s’est énormément popularisée à Kyiv, prenant le pas sur le reste ». Néanmoins, les premières années de la scène techno dans le contexte postrévolutionnaire restent encore marquées par les descentes de police et la répression.
À l’avant-plan du mouvement, on retrouve des collectifs comme le pionnier Rhythm Büro, Cxema, VESELKA ou Laboratorium. Kyiv semblait nourrir un intérêt certain pour la techno brute et violente, les « caissons saturés à mort », tout en proposant une offre plus conventionnelle pour plaire aux touristes européens. « Il y a une scène assez hétérogène là-bas et c’est ça qui était intéressant à observer, poursuit Melvin. Closer, un club situé dans une ancienne usine soviétique, est très orienté tech-house, quand des endroits comme O’tel, Metaculture qui n’existe plus aujourd’hui – étaient vraiment beaucoup plus gabber et fast music, 160+bpm. Entre deux, tu avais ∄, symbole qui signifie no name, aussi appelé le K41 [ndlr : K pour Kyrilliska, le nom de la rue sur laquelle le club se trouve] avec de la techno plus industrielle. À l’ouest, côté Donbass, c’est le collectif Shum qui faisait parler, avec entre autres un partenariat avec Boiler Room il y a quelque temps ». Les soirées éphémères organisées par les collectifs sont aussi une façon, pour la jeunesse, de se réapproprier leur territoire, en investissant des bâtiments désaffectés, anciennes usines textiles et vestiges laissés par l’URSS.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, plusieurs artistes techno ukrainiens, directement touchés, ont transformé leurs réseaux sociaux en plateformes pour relayer des informations sur la situation, à l’image de la DJ Daria Kolosova. Etapp Kyle, lui, a participé à la compilation « Support Ukraine Fundraiser Compilation[2] ». Stanislas Tolkachev a pour sa part lancé un label, Rudiment[3], dont tous les profits – musique et produits dérivés – seront reversés à des organisations humanitaires ukrainiennes. Nastia, la DJ ukrainienne la plus connue à l’international, continue de tourner (ce qui lui a valu des critiques de la part de certains de ses collaborateurs sur le label NECHTO). Elle endosse un rôle d’ambassadrice à travers la création d’un fonds « Stand with Ukraine » et en organisant une vente aux enchères, en collaboration avec la marque Sennheiser[4]. Pour finir, une lettre ouverte[5] appelant au bannissement des artistes russes a été signée par plus d’une soixantaine d’acteurs de la scène électronique ukrainienne.
« C’est vraiment touchant et impressionnant de voir les différentes formes de résistance qui se mettent en place, il y a celle sur le terrain mais aussi toute cette autre partie de la résistance, beaucoup plus artistique et culturelle, et qu’on a peut-être souvent tendance à oublier et à juste titre dans ces temps difficiles et qui peuvent être très sombres. La création est une échappatoire et une façon de résister », conclut Melvin.
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