indie rock

Dépasser les (nouvelles) limites, en payer le prix

par Alain Brunet

Jusqu’à nouvel ordre, plusieurs stations de radio d’Amérique du Nord, ceci incluant le réseau anglais de Radio-Canada (CBC), retirent la discographie d’Arcade Fire de leur programmation à la suite des récentes allégations d’inconduite sexuelle portées contre Win Butler, son chanteur principal.  

On ne connaît pas exactement le nombre de fans dégoûtés par ces faits allégués, mais plusieurs se sont d’ores et  déjà manifestés sur les réseaux sociaux, incapables d’assister à un concert d’Arcade Fire dont la tournée en salle vient de démarrer à Dublin. Qu’en sera-t-il à MTL l’automne prochain ? Evenko finira bien par faire le point sur la situation.  En tout cas, nombreux seraient les fans outrés qui exigent remboursement mais on ne sait pas quelle en est la réelle importance quantitative. De manière plus pragmatique, la tournée d’AF suivra son cours si une part négligeable du public abandonne son (ancien) groupe préféré. 

Sinon, ça pourrait mal tourner. Les dommages pourraient être considérables pour la suite des choses, à moins que Win Butler fasse la démonstration claire de sa négation des accusations portées  à son endroit par ses présumées victimes… ou encore qu’il parvienne à nous convaincre de la relative gravité de ses gestes. Ce qui est loin d’être chose faite. 

Nous n’en sommes pas là, gardons-nous une petite gêne avant de trancher. Revenons plutôt sur les faits et essayons de mieux piger l’affaire.

Samedi dernier, donc, ces allégations d’inconduite sexuelle ont été révélées par une enquête menée par la plateforme spécialisée Pitchfork, qui rapporte les témoignages de quatre personnes présumément victimes de Win Butler. Le texte de Pitchfork fait état de messages textes, photos à caractère sexuel, attouchements forcés (sur les fesses ou dans la culotte, qu’importe),  position d’autorité d’un trentenaire  avec des fans en début de vingtaine, quasi-impossibilité de refuser les avances d’un chanteur rock de cette notoriété…

Inutile de souligner que ces allégations de conduite inappropriée  se sont répandues sur la planète comme une traînée de poudre.

Lorsqu’il a été contacté par Pitchfork pour contre-vérifier ces allégations, Win Butler a répondu par l’intermédiaire de la relationniste Risa Heller, réputée experte en gestion de crise. C’est dire…

Dans une première déclaration écrite fournie à Pitchfork, le chanteur principal d’AF a reconnu avoir eu des interactions sexuelles avec chacune des quatre personnes, mais a maintenu qu’elles étaient consensuelles et qu’il n’en était pas l’initiateur. 

Sa collègue d’Arcade Fire, compagne et mère de son enfant Régine Chassagne l’a soutenu officiellement, déclarant néanmoins par voie de communiqué que son conjoint « avait perdu son chemin et qu’il l’avait retrouvé ». On peut deviner ici sa perception d’une dérive conjugale, semble-t-il faisant partie du passé. Mais…souvenons-nous de Hillary et Bill Clinton… d’Anne Sinclair et Dominique Strauss-Kahn… les conjointes avaient aussi protégé leur homme et consenti à cette humiliation. Pour le meilleur ou pour le pire?

Dans une autre déclaration écrite fournie à Pitchfork concernant ces allégations d’inconduite sexuelle, Win Butler évoque une période de consommation d’alcool et de dépression, et s’excuse à plusieurs reprises auprès des victimes alléguées. 

« Bien que ces relations aient toutes été consensuelles, je suis vraiment désolé pour tous ceux que j’ai blessés par mon comportement », a-t-il déclaré. « En regardant l’avenir, je continue à apprendre de mes erreurs et à travailler dur pour devenir une meilleure personne, quelqu’un dont mon fils peut être fier. […] Je suis désolé de ne pas avoir été plus conscient et plus à l’écoute de l’effet que j’ai sur les gens – j’ai merdé, et bien que ce ne soit pas une excuse, je vais continuer à regarder vers l’avant et à guérir ce qui peut l’être, et à apprendre des expériences passées. »

On peut certes compatir avec sa condition psychologique difficile l’ayant mené à ce bourbier mais… comme il le dit lui-même, cela ne constitue pas une excuse. L’avenir nous dira si Win Butler avait une notion juste ou erronée, sobre ou givrée, d’une relation consensuelle. L’avenir nous dira si le repentir de la rock star est trop peu, trop tard. Au cours des semaines et mois à venir, on finira par savoir s’il pourra se sortir de cette situation extrêmement délicate, dont l’issue négative précipiterait le déclin d’Arcade Fire, un groupe incarnant des valeurs progressistes et mobilise des publics progressistes… ironie du sort!  Si les faits allégués s’avèrent et qu’on prouve hors de tout doute raisonnable l’inconduite sexuelle de Win Butler, ce sera vraisemblablement  la fin de sa carrière publique. Et, hélas, la fin probable d’Arcade Fire comme groupe-phare de la génération hipster.

Rappelons néanmoins que plusieurs rock stars ont fait ce que Win Butler a fait dans les époques antérieures à la sienne – ou pire ! Ces époques sont bel et bien révolues. La drague et les parties de fesses en position d’autorité existe depuis des temps immémoriaux mais il apparaît clair et net que ces comportements sont aujourd’hui réprouvés. Avec raison, bien évidemment.  

Fondée sur une plus grande équité entre les humains de toutes identités sexuelles, la notion de relation consensuelle est peut-être encore floue pour certains, mais force est de constater qu’elle s’éclaircit très rapidement lorsque de telles différences de perceptions relationnelles sont rendues publiques par les présumées agressé.e.s et leur présumé agresseur. Il y a lieu de croire que Win Butler est sincère dans sa défense mais… il a aussi lieu de croire qu’il dépassé une limite mal évaluée. À tout le moins, il apprend à la dure comment identifier cette limite légitimement posée par les avancées de la condition féminine et du respect d’autrui. 

À suivre…

SOURCES CONSULTÉES POUR CE TEXTE:

PITCHFORK

CBC

CBC (2)

LA PRESSE

THE GUARDIAN

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