J’aime le streaming

par Patrice Caron

Je sais, je sais, j’ai été jadis un pourfendeur particulièrement intense de cette forme de diffusion de la musique. J’avais la conviction que les artistes étaient mal rémunérés et qu’à plus ou moins brève échéance, ça aurait des conséquences sur la variété de musique disponible et la qualité sonore et artistique de celles-ci.

On ne le voit pas, pour le moment du moins.

En tout cas, il n’y a jamais eu autant de musique disponible et les sorties se disputent notre attention à chaque heure de chaque journée. C’est facile d’en perdre le fil et de se replier sur notre bonne veille collection de disques en se disant que, de toute façon, il ne se fait plus de bonne musique. Ce n’est évidemment pas vrai, reste que chaque génération déplore les goûts de la suivante et les plateformes d’écoute en continu (Spotify, QUB, Tidal, etc.) incarnent parfaitement cette fissure.

Les mélomanes/collectionneurs ont rejeté d’emblée cette forme de commercialisation de la musique, évoquant la qualité du son, des absences dans le répertoire et dans la nature même du modèle d’affaires. Critiques légitimes et méritées.

Quand on connaît la mécanique des droits, on comprend ces absences dans le répertoire et … que c’est d’abord la responsabilité des ayant droits, car ce sont eux qui décident au final. Et c’est la même chose pour quiconque y figure. À moins d’y être contraint par contrat avec sa maison de disques ou son distributeur, l’artiste a le choix d’y être ou pas. Avec un accord tacite sur la rémunération. Il peut en être insatisfait… qui veut moins d’argent dans la vie? Mais c’est ça la condition pour être sur le plus grand réseau de diffusion de musique à l’heure actuelle. Et comme on a besoin d’être entendu pour faire des concerts, vendre des vinyles ou des t-shirts, l’artiste fait ses choix en conséquence.

Certains ont le luxe de s’en priver, comme Neil Young, maintes fois millionnaire et dont la carrière ne compte pas sur une génération qui consomme sa musique sur Spotify. D’autres les boudent par conviction et utilisent plutôt des plateformes comme Bandcamp, profitant d’un bassin de mélomanes qui achètent encore des fichiers MP3, donc plus investis dans le soutien concret de leurs artistes préférés. Et ça fonctionne, pour ceux qui se plaignent qui ne se fait plus de bonne musique, ouvrez Bandcamp, passez-y une heure et vous ne direz plus jamais ça. Pas évident quand on cherche quelque chose de spécifique, les absences sont beaucoup plus prononcées ici, mais pour soutenir la création actuelle, surtout associée à la marge, c’est l’outil idéal en ce moment.

Le retour du vinyle est venu contenter les collectionneurs, les manufacturiers, les détaillants et les artistes nostalgiques du support. C’est un peu paradoxal qu’à une époque ou on déplore la sur-consommation et le gaspillage, on ramène un support énergivore et encombrant, qui demande tout un équipement supplémentaire pour obtenir ce fameux meilleur son promis par ses disciples. C’est beau, je l’avoue, je me fais encore avoir par une belle pochette qui s’ouvre sur une superbe illustration de la musique qui s’en vient. Je suis encore excité quand c’est un vinyle de couleur bien pesant et j’y plante mon aiguille avec la salive qui me dégouline sur le menton. Si ça a un meilleur son? Je ne sais pas. Ça doit dépendre de la musique qu’on écoute, parce que si c’est mal réalisé au départ, ça va sonner le cul partout. Et l’inverse est tout aussi vrai.

Si au début de la numérisation de la musique, on tombait souvent sur des choses qui sonnaient comme si c’était transmis par fax, on en est plus la. Les réalisateurs s’adaptent à la façon dont la musique sera diffusée, du moins ceux qui pensent à ça, et ça fait la différence. C’est pourquoi la musique produite à l’époque de tel ou tel support sonne bien sur ce support. Que ce soit le vinyle, la cassette ou le CD. Avec des exceptions, parce qu’il n’y a pas toujours un chef derrière la console, mais chaque support a ses forces et ses faiblesses au niveau du son et ça revient aux réalisateurs d’en mesurer les contours et d’en dessiner les formes.

La façon d’écouter ces supports sont aussi adaptés à la sonorité de chacun, tel ou tel haut parleur est plus adapté aux vinyles ou aux CD, ou si tu es plus dans l’électro ou le rock, bref ça prend une certaine combinaison pour arriver au son idéal. C’est pourquoi on a eu les Ipods, le temps que les téléphones puissent offrir le même son. Avec les écouteurs adaptés, les haut-parleurs bluetooth et autres Sonos, calibrés en fonction de l’origine des fichiers. À moins d’être un mélomane à l’oreille aiguisée, la qualité du son n’est pas un facteur. S’en plaindre en dit plus sur l’âge des utilisateurs que sur leurs standards d’audiophile.

J’ai embarqué dans le train Napster, ensuite KaZaA, Apple et Bandcamp, mais j’ai longtemps résisté à Spotify par conviction, mais j’ai fini par céder. Et je suis maintenant abonné à Spotify, QUB et Tidal. Je sais que c’est un peu trop mais chaque plateforme a des avantages et pour le moment, ça fait la job. C’est-à-dire, avoir toute la musique possible à portée de pouce. J’ai des milliers de vinyles, CDs, cassettes et DVD mais même si j’ai tout ça, c’est plus simple et rapide de l’écouter sur mon cellulaire. Et ce que je n’ai pas, je l’ai quand même. Sans encombrer ma vie d’un autre cossin à utilisation limitée. Pour une fraction de prix de ce que je dépensais jadis, j’ai accès à des millions d’albums dont je ne soupçonnais même pas l’existence. J’achète encore à l’occasion des vinyles, souvent parce qu’ils sont beaux et des fichiers MP3 sur Bandcamp ou Apple pour l’avoir dans mes affaires en cas de fin du monde, genre. Mais 99% de ce que j’écoute en ce moment passe par l’une ou l’autre des plateformes auxquelles je suis abonné.

Il est déplorable que les revenus associés soient si faméliques pour les artistes mais il faut savoir qu’au départ ce sont les majors de la musique enregistrée qui ont négocié les termes des ententes avec les plateformes et que les autres n’ont pu qu’embarquer dans le train en marche sans voix au chapitre. Certaines sociétés de perception de droits ont réussi à négocier de meilleures conditions, mais tant qu’on a pas de levier de négociation, c’est-à-dire le nombre d’artistes représentés ou le nombre d’écoutes générées, et si possible les deux, difficile d’obtenir l’attention de ceux qui décident. Il ne reste qu’a espérer que la loi de probabilité joue en votre faveur. Et comme je l’ai mentionné plus haut, ça donne aussi accès à une banque inégalable d’auditeurs, c’est pourquoi plusieurs ont fait le calcul que ça valait la peine de perdre quelques sous pour gagner plus de clics.

J’avoue néanmoins ressentir encore de la culpabilité à consommer la musique sur ces plateformes. Je compense en assistant aux shows, en achetant le t-shirt ou les publications de mes artistes préférés. En espérant qu’un jour ça soit plus équitable pour tous mais comme la vie ce n’est pas équitable en soi, je ne me priverai pas de la plus grosse bibliothèque de musique au monde en attendant que ça arrive.

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