C’est une belle idée que cet album du Trio Fibonacci (quoique pas une première pour eux), constitué d’œuvres jouées et enregistrées lors des différents concerts de la saison 2022-2023. Cela sert de carte de visite offerte à ceux et celles qui n’ont pas eu la chance d’assister à l’un ou l’autre des événements. On y retrouve un florilège éclectique fait de musique contemporaine de l’école minimaliste ou post-minimaliste, de musique romantique, impressionniste et même des arrangements de chansons populaires. Une sorte de Best of, mais focalisé les morceaux les plus accessibles de l’éventail disponible.
L’un des grans plaisirs de Saison 2022-2023 c’est qu’on y découvre l’univers enchanteur de Mel Bonis (1858-1937), une compositrice que l’on joue de plus en plus et avec grand bonheur. Son langage à mi-chemin du romantisme et de l’impressionnisme est finement déployé et extrêmement séduisant. Chaminade et Smetana complètent le portrait romantique avec des extraits de leurs trios pour piano respectifs (quelle belle et bonne énergie dans le Presto du Smetana!). Côté contemporain, la Québécoise Marie-Pierre Brasset se fait remarquer avec La lune, une délicate pièce néo-impressionniste, où les scintillements subtils de l’astre nocturne, comme reflétés sur un lac ensommeillé, prennent vie avec crédibilité. Le minimalisme enjôleur d’Armand Amar (Castells), de Max Richter (Autumn Music 2) et de Ludovico Einaudi (Life), la zénitude planante de Brian Eno (By This River) et l’énergie fébrile de Michael Nyman (Yellow Beach) s’ajoutent et entrent dans un dialogue cohérent et accrocheur avec les arrangements raffinés de Leonard Cohen (Hallelujah) et Radiohead (No Surprises).
Le trio est l’un des excellents ensembles du genre sur la planète musicale, rien de moins. On ne peut que constater la qualité des performances. Julie-Anne Derome et Gabriel Prynn ont le privilège d’avoir joué ensemble depuis un certain temps, mais ce qui est franchement impressionnant, c’est le degré d’aisance avec lequel le nouveau pianiste de l’ensemble, Maxim Shatalkin, a intégré le groupe et s’y est parfaitement lové artistiquement. Shatalkin est le conjoint de la pianiste Olga Kudriakova, et les deux se sont retrouvés à Montréal en août 2022 après avoir fui le climat de répression qui sévit en Russie après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le pianiste n’a pas perdu de temps pour faire partie de l’élite musicale de la métropole. Le contraire aurait été surprenant, remarquez. C’est du très haut niveau, et un atout remarquable pour Fibonacci dans les années à venir.
1. Armand Amar : Castells
2. Michael Nyman: Yellow Beach
3. Max Richter: Autumn Music 2
4. Marie-Pierre Brasset: La Lune
5. L. van Beethoven : Sonate « Au Clair de Lune », I. Adagio sostenuto
6. Ludovico Einaudi : Life
7. Brian Eno : By this river
8. Leonard Cohen : Hallelujah
9. Radiohead: No surprises
10. Cécile Chaminade : Trio no 1, II. Andante
11. Mel Bonis : Trio op. 76 I. Soir
12. Mel Bonis : Trio op. 76 II. Matin
13. Bedřich Smetana : Trio en sol mineur, III. Presto