Le Brésil occupe une place particulière dans la géographie musicale planétaire. Fruit d’une histoire complexe de colonisation et de déplacements, la musique du Brésil est depuis longtemps un vivier fécond de rythmes, de genres et de formes nés des échanges africains, autochtones et européens. Si la bossa nova est sans doute la plus connue des exportations musicales du Brésil, la música popular brasileira – ou MPB – mérite une attention particulière. Il ne s’agit pas tant d’un genre que d’une constellation d’artistes dont les créations infusent des styles de musique brésilienne d’influences de la scène pop américaine et britannique. La MPB a fait germer certaines des meilleures productions de musique enregistrée; cela vaut la peine d’écouter des représentants du genre comme Milton Nascimento, Jorge Ben Jor ou Arthur Verocai.
Tim Bernardes, originaire de São Paulo, est un artiste qui crée de la musique dans cette lignée d’auteurs-compositeurs brésiliens. Mil Coisas Invisíveis, son deuxième album, illustre parfaitement son écriture personnelle et convaincante.
Permettez-moi de commencer par dire que cet album offre un son superbe. Il exhale la chaleur de la musique folk des années 60 et 70, mais sa facture est indéniablement moderne, dans sa définition et sa clarté. La voix de Bernardes est tout aussi agréable à écouter : à la fois légère et dense, ainsi que souple et maîtrisée, sans que ne transparaisse d’effort.
Il règne sur cet album une ambiance véritablement décontractée, la texture principale étant la voix et la guitare. La première chanson, Nascer, Viver, Morrer, donne le ton : c’est une chanson douce et méditative sur la vie et la mort, que Bernardes chante avec la fraîcheur d’un poète. Tout au long de Mil Coisas Invisíveis, l’écriture de Bernardes est invitante, intime et résonnante sur le plan émotionnel. Ces aires se prêtent naturellement à l’orchestration luxuriante et aux arrangements de cordes que Bernardes a lui-même coordonnés de façon magistrale. Le disque brille lorsque tous les éléments se réunissent pour donner lieu à des culminations vraiment exceptionnelles.
Bernardes a enregistré la plupart des partitions lui-même et ses capacités en tant qu’instrumentiste, arrangeur et producteur s’entendent tout au long de l’album. Il a collaboré auparavant avec l’icône MPB Gal Costa et le célèbre groupe indie-folk Fleet Foxes, et il appert évident, à l’écoute de Mil Coisas Invisíveis, que Bernardes se sent chez lui dans ces deux mondes musicaux. Mil Coisas Invisíveis est donc une sorte d’album MPB « indie » dont se dégagent de fortes influences contemporaines de pop de chambre, tout en constituant un hommage aux aïeux musicaux de Bernardes. Ces chansons s’avèrent enrichissantes, elles nous donnent l’impression d’être à la fois intemporelles et de leur temps, ce qui est rare.
Plus j’écoute Mil Coisas Invisíveis, meilleure est mon impression. La seule faille qui l’empêche d’être un vrai grand disque réside probablement dans sa longueur. À 59 minutes, il y a beaucoup de choses à digérer et si Tim Bernardes avait coupé dans le gras, pour ainsi dire, le résultat aurait été un peu plus fort et concluant.