Javelin a beaucoup de pièces mobiles qui ne semblent pas s’intégrer correctement les unes aux autres, laissant l’auditeur face à un album qui n’est pas à la hauteur de son potentiel.
Les deux premières chansons de Javelin présentent les deux principales difficultés d’écoute de l’album. Stevens a une voix confortable, mais son style de chuchotement rauque et peu énergique l’empêche de bien articuler ses mots. Il ne chante pas assez fort pour que ses paroles soient intelligibles sur l’instrumentation, qui est généralement un mélange de guitare acoustique et de batterie puissante avec l’apparition occasionnelle de percussions manuelles, de cloches, de piano, de bois et de synthétiseurs. Il y a aussi un chœur qui apparaît avec des harmonies. Cette variété fait que les morceaux deviennent trop encombrés au point de sonner comme du bruit – on n’a pas l’impression que Stevens tire pleinement parti de la beauté de ces instruments à travers ses interludes mélodiques expérimentaux.
De plus, lorsque l’auditeur peut entendre ses paroles, elles sont bien plus déprimantes que l’instrumentation et le ton ne le laissent supposer. Les paroles de Will Anybody Ever Love Me sont aussi mélancoliques que le titre le laisse entendre, mais le rythme voudrait faire croire qu’il s’agit d’une puissante explosion d’émotions. Cette juxtaposition peut fonctionner lorsqu’elle est bien faite. Malheureusement, cet album n’en est pas un exemple.
Son ton immuable rend les deux dernières chansons, Shit Talk et There’s A World, d’une durée de 8 minutes, un peu difficiles à traverser sans se dire qu’elles ressemblent aux titres précédents.
So You Are Tired et Javelin (To Have And Hold) échappent cependant à tous ces problèmes et sauvent la donne. Ces morceaux sont plus confiants avec leur petit ensemble d’instruments – piano et guitare acoustique – et lorsque le chœur et les percussions se joignent à eux vers la moitié de So You Are Tired, ils ne cherchent pas à submerger l’auditeur. Le ton plus gracieux des chansons s’accorde mieux à la voix sobre de Stevens, et les paroles transmettent les rouages d’une relation complexe d’une manière qui n’est ni trop mélodramatique, ni trop déconnectée des émotions. C’est un savant équilibre d’éléments dont le reste de l’album aurait grandement bénéficié.