Avec la sortie de ce quatrième album studio, le fameux duo rap Run the Jewels devient illico un acteur emblématique de la réplique hip-hop aux abus policiers que l’on observe aux USA une fois de plus, une autre fois de trop. À Minneapolis la semaine dernière, les événements entourant le meurtre au deuxième degré de George Floyd par un policier raciste avec la complicité passive de ses collègues ont précipité la sortie de cet album très attendu.
Le téléchargement gratuit de RTJ4 est accompagné d’une sollicitation monétaire destinée aux organisations de défense des droits des Afro-Américains, à commencer par Black Lives Matter et la National Lawyers Guild. L’alliance Noir-Blanc que symbolisent le rapper Killer Mike et le beatmaker-rapper El-P est idéale dans ce contexte d’embrasement sociétal, inscrit en faux contre les inégalités raciales en Amérique du Nord… toujours présentes.
Fidèle à lui-même, le tandem ne fait pas dans la dentelle, multiplie les invectives et les appels à la contestation de l’ordre établi. Ainsi, les propos virulents de Killer Mike et El-P sont du même ordre que ceux mis en rimes dans les opus précédents de RJT, tout à fait pertinents le contexte des manifestations à Ferguson et de l’élection présidentielle de 2016. Galvanisés par la conjoncture, nos camarades remettent leur chapeau de militants et de gauchistes parfaitement assumés – on connaît le soutien de Killer Mike à Bernie Sanders et son rejet peu élégant, confusément sexiste, de Hillary Clinton il y a quatre ans pendant la campagne à la chefferie démocrate.
Les beats et les sons s’inspirent autant de la old school du rap que de la synth-punk, non sans rappeler Atari Teenage Riot, des saxophones barrissent avec fureur, des mélodies guerrières sont entonnées, un enfant gueule à coups de motherfucker, des riffs de Gang of Four sont cités. Des artistes « classiques » de la culture black et aussi du rock sont invités à hausser le ton : les vétérans Greg Nice et DJ Premier, la septuagénaire Mavis Staples (dont l’ensemble du défunt paternel fut jadis associé de près à la lutte pour les droits civiques), le chanteur Josh Homme de Queens of the Stone Age, le hitmaker afro-pop Pharrell Williams ou même le tribun militant Zach de la Rocha, plus que jamais enragé contre la machine.
Le verbe est incendiaire, le son est incendiaire, voilà la trame idéale pour accompagner toutes les manifestations en cours et faire percoler dans les chaumières toutes oppositions à la répression policière, à la pauvreté systémique au sein de la plus grande puissance économique mondiale, au capitalisme redevenu sauvage. Méchante claque!