Rebekka Karijord est Norvégienne, elle vit aujourd’hui en Suède et elle chante, la plupart du temps, en anglais.
The Bell Tower est le septième disque à son nom. Mais elle est aussi connue d’un public niché nord-américain pour avoir participé à un album folk intitulé Complete Mountain Almanach (2023) en compagnie de la famille Dessner, dont Aaron et Bryce qui sont membres du groupe alt-rock fétiche The National.
Rebekka Karijord a fait de la musique alternative, beaucoup de musique de films, dont celle de I am Greta, un documentaire dédié à la jeune militante climatique Greta Thunberg. Elle est aussi attirée par les cordes, les voix, la musique classique et les expérimentations sous toutes formes.
The Bell Tower incarne toutes ces envies. C’est un album où la voix occupe une place primordiale et originale: Rebekka Karijord a enregistré des voix de vingt-cinq personnes du monde entier et les a toutes mises dans un clavier échantillonneur, qui lui permettent de les modifier et de faire des mélodies comme bon lui semble.
Cet instrument « vocal » est la base musicale de The Bell Tower. Mais Rebekka voulait davantage de voix. Elle a donc embauché l’ensemble vocal expérimental américain Roomfull of Teeth, qui ajoute une quinzaine de voix réelles en plus des échantillons trafiqués.
L’album s’ouvre sur une entrevue avec une poète et philosophe bouddhiste, qui parle du défi des changements climatiques, avec des voix chorales en sourdines. Nous pourrions être dans un sanctuaire. Et la beauté nous transperce.
L’avenir de notre planète est aussi une obsession pour la musicienne. Aux voix échantillonnées et à la chorale, Rebekka Karijord ajoute la sienne pour parler de ses angoisses climatiques. Dans Sanctuary, elle s’adresse à ses enfants. Il y a aussi un hommage au poète allemand Rainer Maria Rilke, en reprenant Let This Darkness Be a Bell Tower, qui évoque le pouvoir transformateur de l’art, qui change la peur en beauté. Des vers du 19e siècle qui sonnent très actuels.
C’est ça le paradoxe et la force de The Bell Tower: on se sent parfois au 17e siècle dans une église puis, tout à coup, on se retrouve au 21e siècle. On entend des voix qui sonnent parfois comme des instruments de musique électronique, qui se superposent à des voix multiples réelles. On passe de la sérénité au doute, de la mélodie à la répétition. Bach rencontre Arvo Pärt et Joni Mitchell.
C’est un périple musical de quarante-trois minutes qui ne laisse pas indifférent. C’est un album qu’il faut écouter attentivement et à plusieurs reprises pour en saisir toute la subtilité et la beauté.