C’est très gentil de la part du Tokyoïte Masaki Kubo – depuis longtemps actif dans le domaine des cassettes underground, avec des parutions tant en Europe qu’au Japon – de nous adresser ces cartes postales colorées en provenance de lieux aussi charmants qu’indéterminés. In Today’s World ouvre le bal avec un drone doux comme du miel, Destroy What Destroys You est une rêverie agitée dans une arcade vidéo et l’agréable Paint This December Blue dépeint les mois à venir d’une couleur plus pimpante. Avec sa guitare délicate, décalée au delay, et ses cris lointains, Geometries of the Imagination est comme un vol plané au-dessus d’une forêt tropicale où abondent les oiseaux du paradis.
C’est peut-être l’image la plus pertinente : Kubo cartographe aérien, dressant la topographie d’un territoire musical couvrant les années de 1975 à 1985 où se chevauchent rock prog, post-punk, techno protéiforme, délire dub et déconstructivisme primitif des montages sur cassette. Bien entendu, ces cartes peuvent changer jusque dans les moindres détails. Les terres agricoles deviennent des banlieues, les usines tombent en ruine… mais le portrait d’ensemble demeure le même. Ainsi, Kubo formule ses idées musicales à distance, faisant disparaître les structures familières des chansons et les signifiants subculturels, sauf pour la grande finale, l’hilarante S. Sontag in the Psykick Dancehall (Genesis P-Orridge va nous manquer). L’ensemble prend les allures d’un catalogue de motifs qui expriment divers états d’âme, reflets abstraits de la contemporanéité collective et de la pérennité personnelle. Dûment affranchies, ces cartes postales sont destinées à toutes les oreilles réceptives.