Comment fallait-il coudre toutes les étoffes constituant cette courte-pointe? Philippe Brach s’est sûrement posé la question à plus d’une reprise, il lui fallait accoucher d’un tout cohérent. Trois après la sortie du Silence des troupeaux, son œuvre maîtresse jusqu’à ce jour, il fallait impérativement proposer une œuvre qui se tient. Et donc il a fort possiblement évalué le poids de la tâche et tergiversé sur l’assemblage de ce nouvel opus, dont on sent la rigueur et la grande organisation mais aussi une résistance paradoxale aux excès de telles pratiques.
On peut le comprendre. Aucun artiste de cette trempe ne souhaite s’en tenir qu’à une recette gagnante, aussi gagnante soit-elle et…. on sait aussi que l’inspiration est une créature mystérieuse, de surcroît très difficile à harnacher lorsqu’elle se présente.
Quoi qu’il en soit, Les gens qu’on aime est la suite naturelle de l’ambitieux projet qui le précède. Plusieurs éléments s’y trouvent de nouveau, de la plus faste pop symphonique au country-folk le plus élémentaire, du rock musclé au blues rural, de la musique pour grand orchestre ou big band au folk-jazz intimiste, l’artiste québécois use de contrastes généreux.
Cette dialectique rejaillit encore plus dans l’approche littéraire, Brach sait faire circuler les énergies entre humour absurde et lumière éclatante, entre fantômes et mots doux, entre soleil d’automne et ciel nucléaire, entre cette reconstruction un peu étrange de l’hymne national canadien et les errements célestes des oiseaux migrateurs, entre langue familière et langage châtié.
On se dit que ça lui ressemble. Que c’est vraiment ce qui s’est passé dans sa tête bien pleine. Que cette pierre est déjà cimentée dans son édifice. Qu’on en évaluera la teneur réelle au fil du temps.