Le pianiste Philip Chiu fait paraître chez ATMA Classique un nouvel album très intéressant. En 2022, Chiu avait présenté Fables, un album se consacrant à la musique de Maurice Ravel, mais en intégrant une œuvre contemporaine qui entrait bien en dialogue avec la musique du compositeur français. Aujourd’hui, avec Voyages, le même concept est repris, cette fois-ci en se tournant vers l’œuvre pour piano de Claude Debussy.
L’album s’ouvre sur une transcription de la Petite suite, habituellement interprétée à quatre mains. Cette transcription pour piano solo, par Jacques Durand et révisée par Philip Chiu lui-même, est extrêmement réussie. On croirait entendre l’œuvre originale. On nous propose également sur cet album des extraits du premier livre des Images, ainsi que trois Estampes. Des œuvres bien connues et souvent interprétées, certes, mais s’intégrant parfaitement dans le narratif très personnel de cet album.
Sujet en effet personnel, puisque cet opus se veut une exploration du thème du sentiment d’appartenance. L’album n’apporte pas de réponse définitive (là n’est pas son objectif), mais réussit parfaitement à transmettre des émotions, des sentiments, qui décrivent tout ce que peut vouloir dire « appartenir ». Les œuvres de Debussy choisies pour cet album sont toutes empreintes d’un certain sentiment de nostalgie, d’un recueillement calme et contemplatif. Cet album est entouré d’une atmosphère éthérée, propice à la réflexion, mais sans exclure certains moments de joie exubérante et dansante.
La suite Nostalgie de Hong Kong, de la compositrice Alice Ping Yee Ho est savamment intégrée au programme de l’album. On comprend rapidement pourquoi cette œuvre a été choisie pour dialoguer avec celle de Debussy. Nostalgie de Hong Kong reprend et développe encore plus ces explorations d’appartenance, tout en faisant parfois écho aux techniques d’écriture de Debussy. Par exemple, dans le deuxième mouvement, « Le monastère des dix mille bouddhas », on entend des suites d’accords en crescendo qui rappelle la « Cathédrale engloutie ». Cette suite est plus que bienvenue sur cet album, auquel elle ajoute une grande profondeur et une variété d’images et de sentiments.
On accepte avec plaisir l’invitation de Philip Chiu à ce grand voyage vers l’intériorité. On y est très bien guidé par le jeu toujours juste et sensible du pianiste, avec des moments plus robustes et puissants que d’autres. Il s’agit ici d’un opus très bien réfléchi et conçu, de l’élaboration du programme jusqu’à l’interprétation. Si vous pouvez vous procurer une version physique de l’album, vous pourrez en plus apprécier les magnifiques illustrations de Marie H. Sirois, qui transportent elles aussi, à leur manière.
Un très bon album!