Bohren & Der Club of Gore a toujours fait les choses à sa manière, soit très lentement. D’un album à l’autre, le son de la formation évolue de façon à peine perceptible et ce n’est pas le récent départ du batteur qui y change quoi que ce soit. Le trio restant, composé de Christoph Clöser (saxophone ténor, piano, vibraphone), Morten Gass (claviers, guitare électrique) et Robin Rodenberg (contrebasse), continue de creuser son sillon doom jazz qui a tant su plaire aux amateurs d’ambiances mélancoliques noyées dans le scotch.
Même saxophone trempé dans le jazz West Coast (on pense une fois de plus à Ben Webster et à Gerry Mulligan), même lourdeur héritée du metal que la formation jouait à ses débuts, même atmosphères dignes des films noirs des années quarante, même rythmique en apesanteur, bien que cette fois-ci, elle ait été confiée à une batterie électronique. Cette noirceur qui se déploie tout en douceur évoque toujours le post-rock de Labradford ou le post-metal de Earth. Décidément, le trio n’a pas peur de la redite.
Pourtant, après quelques écoutes, force est de constater que la musique de Bohren n’est pas tout à fait la même que sur ses offrandes précédentes. Une fois les oreilles accoutumées aux ténèbres tissées par les membres du groupe, elles y décèlent un nouvel éclat, une lueur d’espoir qui donne à leur musique si unique un aspect plus méditatif et moins oppressant. Lentement, coup de pinceau après coup de pinceau, Bohren & Der Club of Gore vient de repeindre la même scène de crime, mais avec une perspective un brin différente.