Ce n’est pas chose fréquente que d’entendre ce monumental oratorio de César Franck, Les Béatitudes. Disons que la postérité a tendance à trouver cet hommage dévotionnel aux Évangiles un peu lourd et pompeux. Même les critiques du Guardian et d’un concurrent québécois que je ne nommerai pas évoquent ces mêmes ‘’tares’’. Et pourtant, Debussy en disait ceci : « C’est toujours de la musique et, en plus, c’est toujours la même belle musique… »
En ce qui me concerne, je suis en général charmé par cette aventure on ne peut plus germanique du plus allemand des compositeurs romantiques français (né belge).
Oui, c’est vrai, il n’y a pas de développement dramatique particulier. Que des mises en musique du Sermon sur la montagne tel que relaté par Mathieu. Mais pourquoi devrait-il y avoir une scénarisation à tout prix? Pourquoi opératiser quelque chose qui ne s’y prête pas tant que ça? Et même si, pourquoi pas juste mettre ce texte en musique? Bref, l’argument du manque de puissance dramatique me semble essoufflé assez vite.
Autre argument : c’est pompeux. Ah, bien oui, ça l’est. Mais le Requiem allemand de Brahms ne manque pas de pompe lui non plus, ou la 8e de Mahler pousse ce bouchon dans la stratosphère, sans pour autant que ces deux œuvres soient aussi boudées que celle de Franck. À côté de ces deux géants, Franck ne fait quand même pas figure de deux de pique!
Bref, je ne bouderai pas mon plaisir à me vautrer dans cette chape de gros velours molletonné qui bénéficie de passages choraux tour à tour puissamment émotionnels et tendrement délicats (mais surtout le premier). L’orchestration de Franck est luxuriante à souhait, avec force cordes et de nobles élans de cuivres. Les bois viennent occasionnellement enluminer cet ouvrage copieux. Si vous aimez être happé par le grandiose sérieux, vous trouverez votre compte dans cette fort belle lecture de l’orchestre belge accompagné du Chœur national hongrois (n’y a-t-il pas de chœur en Belgique?) et de solistes tout à fait dignes des exigences de projection héroïque du compositeur. La direction de Madaras souligne à traits marqués les contrastes entre tutti épiques et moments d’introspection recueillie.
Solistes :
Anne-Catherine Gillet, soprano
Héloïse Mas, mezzo-soprano
Ève-Maud Hubeaux, contralto
John Irvin, ténor
Artavazd Sargsyan, ténor
David Bižić, baryton
Patrick Bolleire, basse
Yorck Felix Speer, basse