Si vous êtes facilement envoûté par les toiles des pré-raphaélites et la littérature symboliste, vous devez impérativement plonger dans le monde sonore de La damoiselle élue de Claude Debussy! Si ce n’était déjà fait, vous y trouverez l’âme sœur musicale de ces espaces imaginaires diaphanes, oniriques et pénétrants de mystère. Ce ‘’petit Oratorio dans une note mystique et un peu païenne’’ comme le décrivait le compositeur lui-même rayonne de magie et de beauté évanescente, une atmosphère qui imprègne le poème du peintre et auteur Dante Gabriel Rossetti, la source de l’inspiration de Debussy.
Nous sommes tout aussi happés par les deux autres chefs-d’œuvre debussiens au programme, Le martyre de Saint-Sébastien et les Nocturnes pour orchestre.
Le martyre est une musique écrite pour une fantaisie scénique d’inspiration médiévale de Gabriele D’Annunzio, assez mal reçue par le public, mais dont la trame sonore continue aujourd’hui de charmer. Cette musique respire en soupirant, tel un organisme vivant en pleine rêverie. Ici et là, quelques moments d’intensité viennent avertir que le monde onirique peut être fait d’inquiétudes, voire de menaces, mais chez Debussy, la grisaille ne s’attarde pas.
Les Nocturnes sont plus agitées que ce que laisse entendre le titre, mais elles demeurent de fantastiques exemples du génie de l’orchestration que possédait Debussy.
Mikko Franck mène de main de maître l’Orchestre philharmonique de Radio-France et la Maîtrise de Radio-France, dans une odyssée sonore où les détails sont relevés sans jamais rien perdre de la somptuosité de l’orchestre debussyste. Il sait créer des phrases à l’apparence aléatoire et spontanée d’un immense naturel, rythmiquement indéterminées, mais de toute évidence savamment contrôlées. C’est fluide, c’est vivant, c’est incarné. La prise sonore, limpide et chaleureuse, est idéale.