La harpiste de Los Angeles revient faire briller l’air avec un nouvel album évocateur et impressionniste, agrémenté par de chaleureuses collaborations.
Mary Lattimore est peut-être la harpiste la plus chouchou des milieux indie américains. Depuis que j’ai découvert sa musique l’an passée avec Silver Ladders, je vois son nom apparaître de plus en plus un peu partout. Après tout, sa palette répond parfaitement à une demande précise dans un marché qui ne doit pas être abondant. Pour son nouvel album, Goodbye, Hotel Arkada, elle a demandé l’apport de quelques-uns de ses amis et précédents collaborateurs, comme Meg Baird, Rachel Goswell (Slowdive), Lol Tolhurst (The Cure), Roy Montgomery, Samara Lubelski et Walt McClements.
L’album est formé de six morceaux, chacun relatant une image ou un souvenir très précis. Lattimore aime travailler ainsi : créer des tableaux vivants avec sa musique, comme des photos en 3D dans lesquelles on peut se promener. Les morceaux sont souvent construits à partir de séances d’improvisation, qui sont ensuite minutieusement travaillées. Elle part d’un gros bloc de marbre et y trouve ensuite la sculpture.
L’album tire son nom d’un vieil hôtel en Croatie, dont on apprit à l’artiste qu’il devait être entièrement rénové. L’effet de ce changement imminent, de cette perte d’histoire qu’elle ne verrait pas, l’a lancée sur la piste de ce projet. Il y a ce sentiment de perte, teinté de tendresse et de tristesse à la fois. Lattimore l’applique surtout aux souvenirs. Elle dit que de vieillir, d’être souvent en tournée et de ne pas voir les choses changer pèsent sur elle. Le premier titre, « And Then He Wrapped His Arms Around Me », peint de manière sensuelle le moment où, enfant, elle a reçu un câlin de la part de Big Bird, dans l’arrière-scène du studio de Sesame Street. Le but était de retourner à la rencontre de ce souvenir, de canaliser l’essence naïve et maintenant inatteignable de cette étreinte.
En pensant à ce premier morceau, on se dit qu’il y a certainement un humour recelé loin dans le travail de Lattimore. Une sorte de conscience d’un potentiel ironique, mais qu’on a écarté pour mieux embrasser l’émerveillement. C’est l’esprit adulte qui tente de faire justice aux souvenirs d’enfance, non sans un brin de tristesse. Cet abandon pour les petits détails se montre dans les autres morceaux: « Horses, Glossy on the Hill », « Music for applying shimmering eye shadow », on comprend que chaque morceau contient une histoire affective en guise de noyau.
Mary Lattimore prouve donc que son talent de raconter par les instruments est plus développé que jamais. Alors, pour vous plonger dans un paysage miroitant, pour aller visiter les plaines étoilées entre l’esprit de l’artiste et le nôtre, pour déraper pendant une quarantaine de minutes… prenez la chance de dire au revoir, vous aussi, à l’hôtel Arkada.