Deux musiciens parmi les meilleurs chambristes actuellement en activité au Canada, le corniste Louis-Philippe Marsolais et le pianiste David Jalbert, ont construit un programme tout schumannien (Clara et Robert) afin de libérer l’essence romantique qui les habite. C’est vrai que David Jalbert est un merveilleux interprète du répertoire romantique, et le cor de Louis-Philippe Marsolais, une splendeur de sonorité ample et chaleureuse.
On les retrouve en duo dans toutes les pièces du programme, sauf la dernière, à laquelle je reviendrai plus loin. Les Trois romances de Clara sont à l’origine pour violon et piano alors que celles de Robert (assez connues), sont pour hautbois. C’est Louis-Philippe qui réalise les arrangements, ne manquant pas de conserver les lignes d’origines, plus simples aux instruments initiaux qu’au cor, mais en aucun cas une tâche impossible pour lui. Marsolais est l’un des cornistes les plus habiles et spectaculaires de sa génération. Il s’empare avec aisance des lignes abondamment expressives de ces partitions et en donne une version qui revêt parfois des habits plus héroïques que ce que l’on en perçoit habituellement. Le cor, qu’on le veuille ou non, est de nature plus monumentale dans son discours que les plus discrets violon et hautbois. Cela dit, ces Romances de Clara et de Robert ne sont pas de nature très virtuose, préférant les lignes soutenues et somptueuses, ce qui convient très bien au cor.
Marsolais réalise un autre arrangement, celui du délicat Abendlied extrait des Douze pièces pour petits et grands enfants, op. 85, à l’origine pour piano quatre mains. Deux pièces écrites telles qu’elles complètent le parcours, soit l’Adagio et Allegro en la bémol majeur, op. 70, qui est l’une des premières œuvres écrites pour le cor moderne (avec valves), et demeurant à ce jour un tour de force technique dans le répertoire de cet instrument, parfaitement rendu ici par Marsolais. Puis, le plat principal de l’album, l’Andante et variations, op. 46, pour cor, deux pianos et deux violoncelles. La qualité de cette pièce a fait débat dès le début, Robert la trouvant inégale (il l’a d’ailleurs réécrite pour deux pianos). Avec l’aide de Brahms, Clara la publia tout de même sous sa forme d’origine en 1893. Il faut dire qu’elle date de 1842, une année faste pour Robert Schumann, lors de laquelle il composa également ses trois quatuors à cordes! La comparaison n’est pas à l’avantage de ces variations.
Malgré tout, cet op. 46 se révèle plus qu’agréable, avec son propos affirmatif, porté principalement par les deux pianos, qui sont au cœur de l’action. On devrait peut-être même plutôt parler d’une pièce pour deux pianos avec accompagnement occasionnel de deux violoncelles et de cor. Qu’à cela ne tienne, il y a des moments touchants et même puissants dans cet ensemble musical empreint de liberté. Et, en le bouclant à environ 18 minutes, Jalbert et Marsolais, rejoints par Philip Chiu au piano, et Cameron Crozman et Stéphane Tétreault aux violoncelles (un véritable Dream Team!), lui offrent une vitalité intéressante par rapport à la moyenne des 22-23 minutes habituelles de l’œuvre.