La Québécoise d’origine chinoise Liu Fang, virtuose du pipa (un luth traditionnel chinois), n’avait jamais encore eu droit à ‘’son’’ concerto écrit par un compatriote du Québec. C’est maintenant chose faite pour celle qu’on appelle parfois ‘’l’impératrice du pipa’’. Le Concerto pour pipa et orchestre, qui porte aussi le titre Dragon, est écrit par Christian Thomas, compositeur formé au Conservatoire de Québec et en Europe, où il a souvent travaillé. Thomas s’est démarqué en particulier dans le milieu de la musique scénique et cinématographique. On comprend mieux l’utilisation d’un langage tonal et d’une palette stylistique visuellement évocatrice pour cette œuvre divisée en quatre mouvements, autant d’étapes dans un scénario dramatique basé sur le folklore chinois. Le Dragon du titre s’illustre à travers une danse légère et aérienne dans le premier mouvement, La danse du jeune dragon. Le deuxième mouvement, Le temps passé, l’heure est venue décrit délicatement l’éveil de la maturité chez le dragon, alors que le mouvement intitulé Le protecteur est le plus agité de l’ensemble, sans pour autant apparaître agressif. Le dragon y défend son territoire contre les intrus dans une partition qui offre à la soliste de beaux moments de mise en valeur de sa technique. Le mouvement final, Le dragon empereur, conclut le concerto sur une note positive et enthousiaste avec une célébration colorée du personnage légendaire qui est désormais sage et respecté.
Écoutez l’entrevue de mon collègue Alexandre Villemaire avec le compositeur Christian Thomas :
Aucune révolution sonore ni architecturale n’est à l’œuvre dans ce concerto interculturel, mais le plaisir tout simple des sens, éveillé par une musique engageante, fortement mélodique et agréablement évocatrice qui suffit à rendre l’expérience très positive. Celle-ci nous plonge dans un orientalisme pictural dans lequel les stéréotypes coloristiques ne sont pas tabous. La séduction opère grâce à l’écriture économe et relativement chambriste de Christian Thomas, qui évite ainsi une grandiloquence qui aurait pu être lourdaude. Notons tout de même, en écoutant attentivement, une discrète évolution de l’écriture orchestrale au fil des quatre mouvements. Si celle-ci se pare d’atours plus typiquement pentatonaux au début de l’œuvre, avec une présence du pipa qui est de caractère résolument traditionnel, l’écriture évolue vers un langage harmonique occidental plus affirmé, sans perdre l’esprit orientalisant de l’ensemble. L’instrument soliste semble également vouloir s’insérer plus intimement dans la fabrique sonore de l’orchestre.
Liu Fang est une interprète de haute stature, on ne peut en douter, et elle est solidement appuyée par l’Orchestre FILMharmonique sous la direction soignée de Francis Choinière.
Le Concerto pour pipa ‘’Dragon’’ sera donné en première mondiale le jeudi 30 janvier 2025 à la Maison symphonique de Montréal, avec également au programme le Concerto pour violon Les amants papillons et L’Oiseau de feu de Stravinsky.