Sous l’alias Barrdo, Pierre Alexandre s’est lancé corps et âme dans une pop de chambre aux multiples inspirations, de loin le projet le plus ambitieux d’une carrière encore jeune. Psychédélisme, minimalisme, jazz-rock époque Bitches Brew/In A Silent Way/Sextant, pop gainsbourgienne à grand déploiement, rock prog, musique contemporaine messiaenesque ou schoenbergienne, rock orchestral zappien, arrangements à la George Martin au service des Beatles et autres tournures à la Jagga Jazzist figurent au nombre des référents stylistiques… sans oublier les projets-clés de pop orchestrale québécoise : Jaune de Jean-Pierre Ferland, L’Heptade d’Harmonium arrangée par Neil Chotem, l’Infonie… Ouf !
Pour ces séances menées au studio B-12 de Valcourt, Pierre Alexandre s’est adjoint le batteur Olivier Laroche, le bassiste-guitariste David Bujold (avec lequel il s’exprime également sous la bannière FUUDGE), le guitariste Nicolas Ferron-Geoffroy. Complètent ce noyau de musiciens un chœur de quatre voix (Alex Guimond, Judith Little, Sam Beaulé, David Bujold), un trio à cordes (Louis-Solem Pérôt, violoncelle, Catherine Mailloux, violon, et Sarah-Ève Vigneault, alto), la trompette de Jérôme Dupuis-Cloutier, le basson de François Viault. Avec le recrutement de cette petite armée, on a ici un ambitieux exposé intégrant le parcours musical de chacun à travers sa formation classique, jazz, pop et rock. Saluons cette initiative pharaonique et, disons-le, un tantinet échevelée de Pierre Alexandre. On peut comprendre cette tangente jubilatoire devant ce bol de friandises que constituent les ressources humaines ici exploitées.
Ces dernières années, Antoine Corriveau et Philippe Brach ont aussi fait leur trip « pop keb de chambre » inspiré d’un florilège de productions classiques. En voici un autre qui marque la chanson keb. Une fois de plus, on constate que plusieurs musiciens de cette génération peuvent compter sur une solide éducation musicale et osent même intégrer des formes pointues à des formes chansonnières. Or, quiconque connaît ces multiples références ne sera pas dérouté, car elles sont clairement identifiables et s’inscrivent dans une même mouvance indie impliquant la musique de chambre depuis l’aube de ce millénaire. Pour les amateurs de chanson keb, cette exploration demeure exceptionnelle, et sert d’autant plus les desseins poétiques de Pierre Alexandre : l’élévation, l’exploration, le changement… pas vraiment la romance.