Lamentations, deuxième volet de ce quintuple album signé Sufjan Stevens serait-il plus audacieux et riche que Meditations, sorti une semaine plus tôt ? Oui. L’orientation électroacoustique de ces dix pièces sans paroles, sans mélodies, sans structure chansonnière, peut-telle dérouter quiconque ne s’est pas rompu à ces pratiques compositionnelles en marche depuis les années 50? Oui. Une part congrue des fans réprouveront-ils l’exercice? Oui. L’artiste américain n’y exclut pas l’usage sporadique de flux harmonique, c’est-à-dire des lignes mélodiques ou accords exprimés en variations lentes, mais les recherches texturales, l’aménagement d’une banque de sons de synthèse ou sons naturels traités de multiples façons procèdent essentiellement d’un travail inspiré de la tradition acousmatique. En soi, le geste est audacieux, car ce travail de Sufjan bouscule les notions formelles auxquelles ses fans ont été habitués jusqu’à maintenant. Côté académique, ce travail pourrait être perçu comme un exercice de style au terme d’une première écoute mais… des écoutes subséquentes mènent à conclure que la patte de l’artiste est bien présente. Alors? Bravo. Le temps de se pâmer de l’usage du post-minimalisme dans la chanson est maintenant derrière nous, Sufjan prend le risque de plonger les hipsters dans d’autres univers sonores, dont celui de l’électroacoustique. Si ce n’est pas une chanson ou un beat destiné au plancher de danse, ce peut être aussi nourrissant… à condition de s’ouvrir, rester curieux, attentif, et se rappeler que Lamentations évoque un voyage dans l’au-delà, le voyage du paternel.
Notons que Lamentations est aussi associée à une oeuvre d’art vidéo générative de longue durée créée par l’artiste mexicaine Melissa Fuentes.