King Gizzard & the Lizard Wizard remettent ça avec leur cinquième album cette année. Pour ce groupe prolifique, chaque nouvelle parution voit s’avérer la loi des rendements décroissants. Dans Changes, la troupe psych-rock réalise son excursion la plus jazzée; il s’agit ici d’un album singulier, dans le catalogue touffu de King Gizzard.
Selon l’inénarrable chanteur-leader, Stu Mackenzie, la genèse de Changes remonte à 2017, alors que le groupe ne se sentait pas encore prêt à concrétiser sa vision. Changes arrive donc après une période de gestation de près de cinq ans. Cela s’entend dans l’environnement riche en détails que le groupe a créé. Tirant son nom du concept de changements d’accords, l’album explore un terrain plus aventureux sur le plan harmonique, tout en jouant sur les sensibilités expérimentales et pop de la formation.
Sur le plan sonore, Changes s’écarte quelque peu de l’inclusion habituelle de guitares électriques et de pédales de fuzz et s’oriente vers les claviers et les synthétiseurs (comme en témoigne la pochette). Bien que le groupe flirte cette fois avec une ambiance chaleureuse et plus jazz, Changes sonne indéniablement comme un album de King Gizzard, rappelant des albums antérieurs comme Sketches of Brunswick East. Le groupe a toujours eu l’étrange capacité de se réinventer sans perdre son essence. Alors que Infest the Rats’ Nest était un pastiche de thrash-metal et Flying Microtonal Banana de psychédélisme moyen-oriental, Changes est effectivement la version King Gizzard de la soft-pop et du yacht-rock des années 70.
La pierre d’assise de l’album réside au début de celui-ci dans Change, une odyssée audacieuse de treize minutes qui introduit les thèmes et les variations qui vont se succéder tout au long de l’album. Mackenzie lui-même a envisagé Changes comme une sorte de cycle de chansons structuré autour du concept de basculement entre deux accords différents, qui ne sont pas nécessairement liés l’un à l’autre par la tonalité. L’une des raisons pour lesquelles l’album a été si long à réaliser réside dans la difficulté de naviguer dans ces changements d’accords fréquents. L’ambiance décontractée et les mélodies accrocheuses de morceaux comme Hate Dancin’ et Astroturf camouflent, tout à leur honneur, le savoir-faire de Mackenzie et de ses acolytes. Changes est un ajout judicieux à la discographie de King Gizzard, qui devrait poursuivre dans cette veine, là où se côtoient la complexité et la simplicité.