Après une quinzaine d’années de silence, le groupe américain Khanate propose un nouvel exercice de patience pour ses auditeurs. Son nouvel album, To Be Cruel, offre une vision singulière et prosaïque de l’« extrême ».
Né des cendres du très éclectique Old Lady Driver, et composé entre autres de noms tels Stephen O’Malley de Sunn O))), Khanate agit un peu comme une version extrême du sludge metal. Tout y est vaseux, sale, décrépit. Les choses s’y meuvent avec une lenteur douloureuse. En effet, si les multiples sous-genres du doom metal sont tous redevables aux Black Sabbath et Candlemass de ce monde, on est ici bien loin d’un langage blues propre au heavy metal d’antan.
To Be Cruel n’est composé que de trois morceaux, lesquels totalisent plus d’une heure de musique. Si les tempi forti exagérés auxquels l’auditoire est soumis rappellent la lenteur écrasante du funeral doom, l’esthétique s’en démarque nettement. Au lieu d’un vrombissement d’outre-tombe à l’atmosphère lovecraftienne, la musique de Khanate est viscérale et sans artifices. Les guitares percent vicieusement le silence, ponctuées d’une percussion très éparse et de voix criardes dont l’imperfection technique est pleinement assumée. Les pieds sur terre, cette antithèse à l’évasion fait étalage de la misère humaine de manière conflictuelle.
Le côté minimaliste des arrangements fait d’ailleurs davantage penser à un album de punk dont on aurait dramatiquement ralenti la vitesse. Aucune place à la mélodie ni aux structures accrocheuses. En fait, si ce n’était de la batterie et des vociférations, To Be Cruel serait carrément un album de drone, ce que les battements et résonances des accords de Stephen O’Malley ne manquent pas de rappeler entre chaque séquence de feedback. À nouveau, il ne s’agit pas là d’une écoute facile. Khanate explore l’extrême détresse de la vie humaine plutôt que la poésie fantasmagorique qu’évoque la mort.