Kaitlyn Aurelia Smith est appréciée par des dizaines de milliers de mélomanes. Ça ne changera pas avec la sortie de son dixième album studio, Let’s Turn Into Sound. Parce qu’elle représente pour eux une séduisante hybridation de « chansons augmentées » et de démarches aventureuses, la résidante de la côte Ouest occupe un créneau séduisant. On aime son travail à la fois pour son approche exploratoire, côté textural à prédominance électronique, pour l’usage des synthétiseurs modulaires Buchla, pour ses déphasages rythmiques, mais aussi pour ses qualités de mélodiste et sa grande sensibilité harmonique. On n’est jamais dans l’austérité, dans les jardins luxuriants de cette compositrice, productrice et interprète très proche du mouvement des corps. On l’a d’ailleurs observé dans l’album The Mosaic of Transformation (2020). Elle n’évolue pas non plus dans la rythmique virile, bien qu’elle puisse parfois suggérer des patrons recherchés et complexes. Différentes cultures et genres s’entrecroisent ici : minimalisme américain, électroacoustique européenne, pop électronique pour jeux vidéo, ambient, new-age et dream-pop sont les couleurs principales de cet art sensuel et nourrissant. Certaines séquences exigent cependant une plus grande écoute, vu les cassures volontaires de la narration sonore (arrêt soudain d’une phrase, changement de cap, fausse piste, enchaînement rapide de courts tableaux, etc.). Néanmoins, Let’s Turn It Into Sound s‘avère l’album le plus facile d’accès de la discographie de KAS, sans qu’on en ressente un appauvrissement des ingrédients actifs de son œuvre.
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