L’orchestre de chambre I Musici de Montréal entre avec éclat chez ATMA Classique. Premier album de l’ensemble enregistré sous cette étiquette, ainsi que sous la direction de Jean-Marie Zeitouni qui a été le directeur musical de l’ensemble jusqu’en avril 2021. Réunissant deux géants de la musique des XIXe, XXe et XXIe siècles, le chef propose un programme empreint d’émotions et d’intensité véhiculée dans des langages musicaux opposés, mais d’une forte expressivité. En ouverture, on entend la pièce Metamorphosen de Richard Strauss. Créée quelques mois avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il s’agit d’une étude pour 23 instruments à cordes qui se déploie suivant une succession de thèmes. On peut y entendre, notamment, une citation de la Marche funèbre de la troisième symphonie de Beethoven. Les tonalités et les harmonies évoluent constamment, oscillant entre un caractère lumineux, sombre et élégiaque.
Dans une esthétique d’une même sensibilité mais aux contours plus sobres, la Symphonie no 4 de l’Estonien Arvo Pärt est emblématique du style tintinabulli qui lui est propre. Pärt y utilise une construction tonale d’accords simples sur laquelle est apposée une diaphonie de notes construites les unes contre les autres, ce qui crée un effet de petites cloches. Les trois mouvements de la symphonie, tous de tempo lent, créent une impression d’intemporalité et d’intériorité traversées d’accents dramatiques et exaltés. Hasard de circonstance, cette symphonie créée en 2009 à Los Angeles est dédiée à Mikhaïl Khodorkovski, magnat du pétrole russe emprisonné par Vladimir Poutine en 2004 à cause de son opposition au président de la Russie. Sans être politiquement engagées de manière directe, ces deux œuvres traduisent chacune à leur façon la souffrance et l’angoisse, puis nous font aspirer à un sentiment d’apaisement et à une plus grande humanité. Zeitouni, reconnu pour sa grande musicalité, sa fougue et son sens dramatique, tire profit de chaque section instrumentale et de chaque dynamique en les faisant vivre avec intensité, autant dans les moments d’apothéose sonore que de silences profonds.