Lorsque HOLY FAWN, un quatuor expérimental shoegaze-post-rock originaire de l’Arizona, a fait irruption sur la scène quelques mois après le début de la pandémie en 2020, sa notice biographique était (et est toujours) « quatre créatures faisant des bruits forts et jolis ». C’est l’une des meilleures notices que j’ai lues pour ce genre de musique. Toutefois, avec son deuxième album intitulé Dimensional Bleed, les quatre gars « qui font du bruit » se transforment en quatre gars « qui savent comment happer leurs auditeurs au moyen d’atmosphères étouffantes et sombres, qui subsistent pendant des heures après l’écoute ».
Le premier album du groupe, DEATH SPELLS, était bon, lourd et s’inscrivait dans la lignée black-gaze amorcée par Deafheaven à ses débuts (un groupe dont HOLY FAWN a d’ailleurs fait la première partie). Même si rien ne distinguait vraiment HOLY FAWN de ses pairs, la notoriété du groupe s’est accrue exponentiellement grâce au bouche-à-oreille. « Vous aimez Thrice et Nothing? Alors, jetez une oreille à HOLY FAWN. » Précisons que le groupe ne cherchait pas nécessairement à se distinguer non plus. La diversité musicale a toujours été prise avec un grain de sel, dans les genres post-rock et shoegaze; tout groupe qui pousse trop l’exploration risque de perdre ses inconditionnels. Deafheaven en est sans doute l’exemple parfait.
Avec Dimensional Bleed, cependant, HOLY FAWN a réalisé un album introspectif, lucide et lourd où l’on entend des synthés, de l’écho et des « sons trouvés » qui adoucissent les passages métalliques les plus exaltants (cris, batterie tonitruante et murs de guitares distordues). La chanson-titre en est l’exemple parfait, avec son intro qui rappelle Explosions in the Sky et qui file ensuite vers une conclusion diabolique et gargantuesque. Sightless, le morceau le plus long de l’album, prend de l’intensité jusqu’à une explosion de bruits et d’émotions. Le piano désaccordé qui termine le morceau vous laisse dans une étrange euphorie, puis Void of Light commence, comme un vaisseau spatial s’envolant dans l’éther.
Il semble que les musiciens de HOLY FAWN soient devenus des architectes de l’instrumentation lumineuse, qui mène ensuite celle-ci vers les abysses les plus obscurs. De plus, la réalisation de cet album mérite d’être écoutée. Après la deuxième écoute, de fait, des sons insoupçonnés se révéleront. Oui, Dimensional Bleed constitue une écoute obligatoire, pour les amateurs des mondes glauques mais magnifiques du métal post-rock.