Mauve Jacaranda, le plus récent EP du rappeur Gaël Faye, est sorti ce 1er juillet pour introduire l’été et conclure sa tournée. Ce court opus de cinq titres clôt un cycle floral, après Rythmes & Botaniques (2017) et Des fleurs (2018), et vient raconter tout ce qui suit.
Le jacaranda est un arbre dont les fleurs mauves tapissent les rues de Bujumbura. Bujumbura, cette ville du Burundi a vu grandir Gaël Faye, puis se fabriquer des souvenirs jusqu’à ses treize ans, âge où il fut forcé de quitter son havre de paix pour s’arrimer à son autre pays, la France. La France, c’est d’abord l’arythmie qui bouscule ses mélodies d’enfance, ce léger décalage de saison, la froideur de l’hiver et des bancs d’école pour un petit métisse né sous le soleil. Puis les années passent, Gaël écrit sa vie et retapissera d’EP en EP son chemin de fleurs, exhumera les parfums d’eucalyptus et de bougainvilliers et donnera du relief à ses rimes.
À mes yeux, le mauve est une couleur étrange, dont le pastel rappelle la douceur, alors que son champ chromatique, le violet, est réputé pour être difficile à assembler. Pourtant, ici elle prend tout son sens, à l’image d’un artiste difficile à classer, unique et tendre à sa façon. Depuis le premier album Pili-Pili sur un croissant au beurre (2013), en passant par Lundi méchant (2020), un roman, des concerts complets et une dizaine d’années, les morceaux se sont étoffés de chants chaleureux (Des graines) et d’une âme singulière. Sa texture est complémentaire aux idées de Guillaume Poncelet et de Louxor, qui composent et l’accompagnent sur scène. Dans cet EP, on y trouve des mélopées lancinantes qui n’accrochent pas l’oreille d’abord, puisque la musique actuelle demande d’être facile, et que celle de Gaël demande d’être docile, de prendre le temps de se fondre dans un univers dense. Mais, à la fin, il reste une chose certaine : on danse. Qu’elles s’habillent de guitares en vagues (Butare), ou qu’elles cherchent un ton grave (Nuit sans lune), les instrumentations sont claires, propres et appliquées, et servent sa poésie.
Il faut du temps, toutefois, pour entendre tout ce que renferme cet EP, tout ce qu’il abrite sous ses branches, entre les souvenirs et la maturité d’un artiste. Il faut enfin se laisser déborder par tout ce que ce genre d’artiste a à nous donner, car on a tendance à oublier dans l’industrie musicale ce que signifie le terme « authenticité ». Alors, à ceux qui ont la chance de ne pas le connaître encore, prenez-le ce moment, en partant de Mauve Jacaranda, puis remontez le temps, pour revenir à la naissance d’un artiste, fruit d’un pili-pili sur un croissant au beurre, et voyez ce qui se passe à l’intérieur.