Pour souligner son départ après avoir passé les vingt-cinq dernières années à la tête de l’orchestre de San Francisco, le chef d’orchestre et fin pédagogue qu’est Michael Tilson Thomas revêt son habit de compositeur sur un disque unique. Les deux œuvres qui y sont présentées, sa première et sa plus récente, prennent la forme d’un récit à la fois universel et personnel exprimant dans une esthétique musicale variée ce que l’humanité a fait de pire tout en laissant transparaître un élan d’espoir et d’optimisme pour le futur.
Créée en 1990 mais jamais endisquée, From the Diary of Anne Frank, première œuvre de la discographie de Tilson Thomas, était une idée de l’actrice Audrey Hepburn qui en assurait la narration. Divisées en quatre parties, ces variations symphoniques qui utilisent des passages du journal intime de la jeune Allemande Anne Frank présentent un portrait poignant de l’évolution de l’emprise du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale. La musique, à la fois idiomatique et expressive qui accompagne le récit raconté avec sensibilité par la mezzo-soprano Isabel Leonard, évolue suivant les paroles saisissantes et troublantes laissées par Anne Frank.
Un peu comme un contrepoids à la première œuvre, les méditations musicales sur des poèmes de Rainer Maria Rilke sont le reflet du parcours de Tilson Thomas qu’il traduit avec une palette musicale aussi éclatée que sa personnalité. En quelques instants, on passe d’un passage pianistique de style honky tonk (Herbsttag) à un lyrisme schubertien et coplandien (Immer wieder), puis à un duo utilisant un langage expressif rappelant par moments le sprechgesang (Imaginärer Lebenslauf). Soulignons à ce titre la brillante et sensible interprétation que livrent les deux chanteurs de cette œuvre, le baryton Ryan McKinny et la mezzo-soprano Saha Cooke.