$oul $old $eparately est le premier album solo de Freddie Gibbs depuis près de quatre ans, après quelques albums collaboratifs. Quatorze titres au programme, avec en prime Decoded, avec le légendaire Scarface. On y retrouve la macédoine de productions à laquelle Gibbs nous a habitués, dont ses fréquentes collaborations avec des gens comme Alchemist et Madlib. Freddy réussit parfois à déroger à son style, cependant. On y entend aussi des messages vocaux bidon et cocasses laissés sur le téléphone de Gibbs par sa maison de disques et, surprise, par Joe Rogan, ce qui m’a fait hurler de rire. La pièce SSS Resort and Casino, qui revient durant tout l’album et sert de liant aux autres chansons, produit un effet rétro sans pour autant paraître démodée. Cela incite l’auditeur à écouter $$$ dans l’ordre, chose rare et réconfortante, en cette époque où règnent les simples.
Tout se tient sur $$$, Gibbs continue d’offrir des productions sans accrocs. Ses rimes montrent également des signes d’évolution; la cadence est plus rapide, sur quelques pièces, et Freddie échantillonne à l’occasion son répertoire de débits et d’émotions. Too Much, avec Moneybagg Yo, constitue sans doute la meilleure chanson de $$$. Compte tenu du flow parfait de Gibbs et du léger recours à Autotune, ce titre se répand comme du miel dans nos oreilles. Le beat semble intangible; la façon dont chacun des MC empiète dans les vers de l’autre, tout en préservant son style, s’avère épatante pour les deux artistes. Bien qu’il s’agisse du principal extrait et qu’il soit plus « grand public », il s’intègre parfaitement au reste de $$$. De fait, la plupart des artistes de nos jours – surtout dans le hip-hop – ont tendance à rendre leurs simples plus pop que le reste de leurs albums et à les insérer maladroitement entre les autres chansons, généralement à la fin de l’album. Ce n’est absolument pas le cas ici.
Les titres Grandma’s Stove – avec Musiq Soulchild –, Dark Hearted et CIA constituent d’autres points forts. Les deux premiers sont empreints d’une émotion qui fait mouche, Freddie est très franc quant à ses relations avec ses ex et ses enfants, ainsi qu’à la rumeur selon laquelle il ne serait qu’un « papa rappeur bon à rien », comme Gibbs le dit lui-même. CIA, qui signifie « Crack, Instagram et AIDS (SIDA) », en mode vulnérabilité, aborde d’autres perceptions quant à lui, à sa famille, à ses amis et à la vie en général. Deux autres chansons remarquables : Pain & Strife, avec Offset, qui ressemble un peu à du Bone Thugs-N-Harmony contemporain, et Blackest In The Room. Cette dernière est un free-verse grivois qui m’a vraiment touché et m’a rappelé ce qui rend Freddie Gibbs si génial : sa simplicité. Ses rythmes sont toujours doux et simples, tout comme les mots qu’il prononce. C’est direct et c’est ce qu’il est, et ce réalisme transparaît dans chaque chanson.
J’ai bien du mal à trouver un point faible, je dirais que la chanson qui me plaît le moins est Zipper Bagz, parce que je n’aime pas le flow que Gibbs a choisi.$oul $old $eparately est incontournable, à mon avis. Je pourrais étayer mon amour de cet album toute la journée (le couplet de Rick Ross sur Lobster Omelette et Space Rabbit, qui incarne le son classique de Freddie Gibbs). Incroyablement réaliste et amusant par moments, $$$ est une combinaison parfaite de hip-hop indépendant et rétro, ainsi que de rap grand public et de pointe.