Depuis une dizaine d’années, les Brésiliens du Satanique Samba Trio assemblent divers styles de musique folklorique locale dans leur sinistre hangar à outils pour en faire des créatures innommables. À l’occasion de la célébration du macabre et du lugubre qu’est l’Halloween (Dia das Bruxas, ou Jour des sorcières au Brésil), ils ont fabriqué un monstre à deux têtes. Ils ont affublé le forró, une joyeuse musique de fête populaire provenant des territoires agricoles du nord-est du pays, des attributs électro des films d’horreur italiens des années 1970 et du synth-rock qui accompagnait les films de zombies et les thrillers giallo.
Il est difficile de bien voir à travers la brume de la xiboquinha, l’alcool de canne à sucre considéré comme la boisson officielle de la scène du forró, mais les deux têtes de ce monstre semblent se disputer à contre-sens ou échanger des œillades lascives. Quoi qu’il en soit, leurs débordements sont de courte durée. Les morceaux du Satanique Samba Trio ne durent jamais très longtemps : les 28 titres d’Instant Karma, paru au début de l’année, ne faisaient jamais plus de 15 secondes chacun, et la plupart de ceux de Forrível oscillent autour d’une minute. Pour certains morceaux, c’est très bien, c’est juste assez pour qu’on ait le temps de les voir, comme les bêtes curieuses d’un spectacle itinérant de mutants en cage.
Il y a cependant de nombreux moments où le Brasilien Munha da 7, bassiste, concepteur et réalisateur, accompagné par un groupe qui a apporté en studio tous les instruments nécessaires au forró (accordéon, viole caipira, zabumba et, bien sûr, l’incontournable triangle), réalise l’inattendu. Ce qu’ils obtiennent transcende le mélange incongru des genres, le tout étant plus grand que la somme des parties. Les revigorantes Semi-Obsessor Dream Sequence et Satanai’s Theme en sont de bons exemples, chacune faisant moins d’une minute, ce qui est bien trop court.