Il y a désormais une version sans paroles de Flamagra, titre auquel on ajoute la composante Instrumentals. On peut considérer ce travail de Flying Lotus comme une extrapolation de sa démarche compositionnelle du moment, soit la bande originale de Yasuke, film d’animation consacré au premier samouraï noir de l’histoire, produit par Netflix. Il y a un an, donc, l’album Flamagra était lancé sous l’étiquette anglaise Warp et réunissait un gratin d’invités : Anderson. Paak, Solange, George Clinton, David Lynch, Little Dragon, Tierra Whack, Denzel Curry, Shabazz Palaces, Thundercat, Toro y Moi. Flying Lotus a repris sensiblement les mêmes pièces, en a extirpé les voix humaines et en a allongé les propositions. Sans rap ni chant, le travail de Steven Ellison (de son vrai nom) est ici tributaire de ses actuelles connaissances instrumentales, c’est-à-dire un jazz-funk-fusion enrichi d’acquis électroniques et hip-hop auquel il adjoint des séquences plus complexes et plus conceptuelles. Sauf exception, la proposition de Flamagra était l’an dernier annonciatrice d’une certaine redondance dans la facture Flying Lotus, la voilà revivifiée dans sa version « instrumentale ».
Bien sûr, on en observe les limites : même enrichi d’harmonies modernes, le jazz groove traversé par le hip-hop et le R&B demeure confiné à ses obligations rythmiques, essentiellement binaires. Or, les compléments ici suggérés modifient les perceptions : les explorations de Flying Lotus dans les musiques contemporaines, écrites ou improvisées ne sont pas de simples immixtions, son corpus en est très clairement enrichi. Pour la suite des choses? Le Californien n’a certes pas atteint ses limites créatrices avec les outils dont il dispose aujourd’hui, mais le maintien de son pouvoir attractif exige désormais la maîtrise des techniques plus avancées au chapitre du langage instrumental contemporain, bien au-delà de la culture black et de ses manifestations les plus raffinées. Flying Lotus choisira-t-il cette voie à long terme? La prochaine étape ne serait-elle pas de réunir un orchestre permanent afin d’y faire évoluer son langage ?