Comme on le sait, les légendes vivantes ne courent pas les rues. Or, Willie Nelson – dont le nom fait justement partie de la toponymie d’Austin, au Texas – transcende allègrement cette catégorie pour s’inscrire dans celle des dieux vivants. Club très sélect, s’il en est, puisque son seul autre membre est Tenzin Gyatso, alias le dalaï-lama.
Le toujours très ingambe Willie, comme miraculeusement délesté du poids des ans (il a tout de même soufflé ses 87 bougies il y a tout juste deux mois), lance ces jours-ci son 70e album studio. Mine de rien, c’est 67 albums de plus que My Bloody Valentine. Sans compter ses 25 albums en collaboration, dont cinq avec feu son comparse hors-la-loi Merle Haggard.
Ce qui est frappant à l’écoute de First Rose of Spring, c’est la grâce de Willie, diantre! la jeunesse de Willie. Son phrasé demeure aussi incomparable, tandis que son larynx vibre toujours à la fréquence parfaite. Peu de nostalgie, pas de regrets, aucune lamentation sur ses douleurs arthritiques, ni de ruminations ou de réflexions sur l’imminent passage de la Grande Faucheuse.
Willie pète le feu, donc… en douceur, puisque le tempo demeure assez lent au fil des pièces. Au programme, des chansons de facture intemporelle bien qu’écrites récemment, comme la pièce-titre et Don’t Let the Old Man In, que Toby Keith avait composée pour la bande son du film The Mule de Clint Eastwood. Puis, des reprises de standards comme Just Bummin’ Around et I’m the Only Hell My Mama Raised, dont l’interprétation de Johnny Paycheck est la plus connue.
We Are the Cowboys est un hymne à la fraternité lancé en 1981 par Billy Joe Shaver : « Nous sommes les cowboys – Les vrais fils de la liberté (…) Les cowboys reflètent l’Amérique – Texans, Mexicains, Noirs et Juifs ». Willie a créé deux chansons avec Buddy Cannon, qui a réalisé l’album : la sentimentale Blue Star et la graveleuse Love Just Laughed. C’est Yesterday When I Was Young, émouvante adaptation d’Hier encore de Charles Aznavour, qui clôt cet album aussi divin que vivant.