On se souvient surtout de François Tousignant comme critique musical du Devoir de 1994 à 2005. Mais on oublie qu’il était avant tout compositeur, et qu’entre 1973 et 1993, puis en 2006, il a écrit une quarantaine d’œuvres qui méritent toute notre attention. Vous aurez remarqué que les années de fertilité créatrice sont exactement opposées à celles de sa carrière de critique. Une dichotomie qui témoigne peut-être du caractère entier de l’homme, et de son intégrité essentielle. Il ne pouvait probablement pas, c’est ici une supposition de ma part, composer et critiquer en même temps ceux qui composent et/ou qui interprètent.
Mais, l’important c’est la musique! Et, justement, qu’en est-il de celle-ci? Elle aussi, paraît-il, est en symbiose avec le caractère de l’artiste. Discrète, circonspecte, portée vers l’intériorité, des traits évidents de cette musique délicate et atonale.
Chez Tousignant, rares sont les éruptions agressives ou, sinon, elles sont constamment maîtrisées. Le compositeur favorise les lignes épurées, très claires et individuellement dépouillées qui se côtoient dans leurs individualités complémentaires. Pas de masse touffue, jamais de blocs sonores intempestifs. Toujours une dentelle abstraite mais savamment tissée et organisée, faisant miroiter la lumière des notes et des phrases dans un jeu adroit en clair-obscur. On pense à Webern, comme source primaire d’inspiration, mais avec une plus vive intensité sensorielle.
L’ensemble Paramirabo répond admirablement bien aux exigences des partitions et surtout à celle de la clarté absolue des différentes voix instrumentales, parfois aussi vocales (Myriam Leblanc et Catherine St-Arnaud, sopranos, et Vincent Ranallo, baryton, se joignent à l’ensemble dans quelques pièces).
François Tousignant est décédé bien jeune, à 63 ans, en 2019. Il n’aura pas entendu ce très bel hommage qui lui est rendu, mais il aurait certainement apprécié le résultat. Le grand public aura désormais le privilège de mieux connaître un aspect injustement méconnu de la carrière de cet homme grandement estimé de son entourage.