Si vous vous attendez à l’équivalent irlandais de Philip Glass ou Steve Reich, vous serez agréablement dérouté et surpris par la musique de Dave Flynn. Et si vous espérez le ‘’minimalisme’’ néoclassique à la mode Einaudi, vous serez plutôt heurtés. Bien que plusieurs des tics habituels de l’école américaine appelée (erronément pour plusieurs) ‘’minimalisme’’ se retrouvent dans les oeuvres au programme d’Irish Minimalism (pulsation rythmique, répétition, palette harmonique économe et assez linéaire, références pop et, ici, folk trad), la saveur particulière qu’amène la consommation des fruits musicaux créés par Mr Flynn est inédite et franchement rafraîchissante.
Le Quatuor no 2, The Cranning, cisaille la trame rythmique habituelle du minimalisme en hachurant les lignes. L’œuvre commence sur des idées thématiques qui s’enchaînent de façon inégale, comme vacillantes et incertaines (le premier mouvement s’appelle Slip…). Plus loin, les racines folk irlandaises du compositeur s’insèrent dans la trame de la partition et finissent par participer à la construction d’un avatar néo-Reichien et un brin déjanté d’une soirée bien arrosée dans un pub de Dublin.
Le Quintette pour Uilleann pipes (cornemuse irlandaise) et quatuor à cordes procède lui aussi d’une attitude festive séparée en son centre par un mouvement introspectif, presque funèbre, à renfort de drones sonores qui soutiennent les accents minimalistes/folk avec un bourdonnement timbral omniprésent. Le Quatuor no 3, The Keening, nous amène complètement ailleurs, avec des glissandos insistants qui grincent et brament comme dans une veillée funèbre barbare (dans le sens romain du terme). Le résultat est une musique enracinée dans le trad irlandais mais bouturée de partout par des ajouts et des inflexions savantes contemporaines. Ça se termine en danse macabre.
La dernière pièce au programme, Stories from the Old World, pour narrateur gaélique, cordes et uilleann pipes, se dévoile avec truculence et humour. Mais pour cela, il faut consulter le texte car le gaélique est probablement l’une des langues les plus incompréhensibles du monde (tout en étant magnifique, cela dit).
Un album qui ravira les amateurs de minimalisme et post-minimalisme qui ont également une fibre traditionnelle celtique.