Mingiedi Mawangu a jeté les bases de « L’orchestre folklorique tout puissant Konono No1 de Mingiedi » en 1966, l’année où Léopoldville a été renommée Kinshasa. Pendant les 35 années suivantes, la suite du parcours de Konono No1 ne trouva peu ou pas d’échos dans l’autre hémisphère. Avant que Marc Hollander, tête chercheuse en chef de la maison belge Crammed Discs, ne repère les musiciens kinois, ces derniers vécurent la dictature de Mobutu et des conflits qui firent des millions de morts en République démocratique du Congo.
À partir de 2004, le parcours de Konono No1 s’apparente donc à celui du Buena Vista Social Club et autres musiciens naguère injustement méconnus qui, sous les auspices d’esprits ouverts et audacieux comme David Byrne, Ry Cooder ou le susmentionné Marc Hollander, purent rayonner pleinement. Puis, Crammed Discs lança en 2010 l’album double Tradi-Mods vs Rockers: Alternative Takes on Congotronics, regroupant Konono et ses compatriotes également légendaires Kasai Allstars, ainsi qu’une pléthore de créateurs téméraires d’Europe et des Amériques.
L’année suivante, le projet transcontinental désormais baptisé « Congotronics vs Rockers » (Congotronics renvoie au titre du premier album de Konono N°1 chez Crammed Discs) poursuivit sa trajectoire. Il regroupait désormais dix musiciens de Konono N°1 et des Kasai Allstars, appuyés par une dizaine d’autres, nommément Deerhoof, Juana Molina, le duo suédois Wildbirds & Peacedrums et Matt Mehlan, leader du groupe brooklynois Skeletons. La formation participa à des festivals en Europe et au Japon. Tout fut enregistré et Greg Saunier, batteur de Deerhoof, mixa les pistes par la suite. On en retrouve plusieurs sur Where’s the One?, en plus de pièces enregistrées en studio et datant d’avant ou d’après les concerts.
Le musicophile savourera les hybridations de musique tradi-futuriste congolaise et de rock avant-gardiste occidental de ce consortium rebaptisé « Congotronics International ». Les pièces Mulume/Change et Kule Kule Redux illustrent la puissance de cet amalgame qui, aux dires de Greg Saunier, fut plus complexe à enregistrer qu’il n’y paraît. Les Européens et Américains y reprennent certaines de leurs chansons, ici étoffées de polyrythmies enlevantes, là pimentées de likembés (pianos à pouces) amplifiés; écoutez Super Duper Rescue Allstars et donnez-m’en des nouvelles!
Alors que rien n’est encore réglé en République démocratique du Congo, réjouissons-nous de cette réussite musicale galvanisante, qui catapulte au diable vert les arguties d’appropriation culturelle.