Colin Fisher est un musicien recherché sur la scène de l’improvisation sérieuse et avant-gardiste nord-américaine. L’éclectique Torontois, qui s’avère aussi un excellent multi instrumentiste (guitare, sax, basse, percus, tanbur moyen-oriental) s’épanouit autant dans des contextes de free jazz, d’électro ambient, d’avant-rock et tout ce qui se trouve dans les interstices. Suns of the Heart est son sixième album solo, et surtout une proposition remarquable.
À travers une symphonie de triturages sonores qui sculptent en un langage reconstruit les multiples sonorités extraites de la panoplie instrumentale ci-haut mentionnée, Fisher crée un superbe univers riche et complet, parfois lumineux (Terra Lucida), parfois chagrin (Illuminato Matutina qui rappelle Morton Feldman). La façon Fisher dans Suns of the Heart se rapproche d’un heureux mariage entre musique concrète et électro ambient, additionnée d’une préférence pour des textures pointillistes et aériennes de guitare. Il se dégage de la majorité des pièces un sentiment de légèreté, mais aussi d’abstraction dentellière, comme si l’apesanteur suggérée se vivait dans un nuage interstellaire chamoiré et parsemé de scintillements lumineux. En ce sens, Suns of the Heart constitue une évolution par rapport à l’album précédent de Fisher, Reflections of the Invisible World (également excellent). Ce dernier déposait les impros (guitares, saxos) sur un coussin sonore soutenu et continu. C’est beaucoup moins le cas ici, où les percolages timbraux se suffisent à eux-mêmes, et sont assez étoffés et entrelacés pour ne pas avoir besoin d’un soutien sécuritaire.
Certains parlent de ‘’psychédélisme lyrique’’ pour décrire cette musique. J’approuve. Si Clapton était distillé puis dispersé à travers un cristal prismatique, c’est un peu ce qu’on aurait.
L’album est produit par un autre tripatif Torontois et maître ès électro : David Psutka (ACT!, Egyptrixx, Ceramic TL).