Le mélomane qui décide de jeter une oreille attentive aux artistes qui sont portés aux nues par les plus grands peut découvrir des filons qui en valent diablement la peine. John Zorn qui, comme on le sait, est le pape de la scène expérimentale new-yorkaise depuis des décennies, n’a que des bons mots pour le violoniste Christopher Otto dont rag’sma est le premier disque en tant que compositeur. Aux dires du maître de l’avant-garde, ce dernier est un trésor vivant dont le travail représente un miracle. Rien de moins!
En plus d’être le thaumaturge musical célébré par Zorn, Otto est un mordu des mathématiques, domaine qu’il a étudié tout en poursuivant l’étude de son art. Tisser des liens entre ces deux univers l’intéressait particulièrement. Pourtant, en écoutant rag’sma, on réalise rapidement que son œuvre n’a que très peu avoir avec les compositions foisonnantes de Iannis Xenakis, son illustre prédécesseur dans les expériences de fusion entre musique contemporaine et sciences arithmétiques. Cette pièce le rapproche davantage de pionniers du drone tels Giacinto Scelsi, Éliane Radigue, Pauline Oliveros ou Phill Niblock. Otto accomplit d’ailleurs le prodige de nous livrer une version éminemment personnelle de ce genre musical que d’aucuns considèrent monotone et redondant.
Comme les étendues monochromes de Mark Rothko, les paysages musicaux créés par Otto révéleront leurs richesses à ceux et celles qui prendront le temps de les scruter de près. Ce phénomène est particulièrement manifeste sur la première pièce du programme, où le JACK quartet – quatuor à cordes qui fut d’ailleurs fondé par monsieur Otto en personne – joue l’œuvre en direct, superposant ainsi une nouvelle couche sonore à deux autres versions de l’œuvre qu’il a enregistrées au préalable. Les ondoiements circulaires hypnotiques qui se dégagent du tout feront voyager l’auditeur dans une galaxie fort apaisante. Nul besoin d’être doctorant en mathématiques avancées pour apprécier.