On entend d’abord un bourdon de violons, auquel s’ajoutent un ronron clair, un motif rythmique, puis des notes synthétiques, qui s’égrènent tandis que Catherine Major met à l’eau, de son timbre noble, un Bateau bleu. Jeff Moran, parolier et amoureux de Catherine, fait de la narratrice un navire maternel, dont la cale est l’utérus. Voilà. Les musicophiles qui suivent Catherine Major savent qu’elle aborde, par son art, des sujets vitaux. Aucun risque d’être dérouté par la teneur des textes de Carte mère, cinquième album de madame Major.
Le changement de mode opératoire réside ici plutôt dans l’instrumentation. Mettant de côté les musiciens de studio – outre le batteur Martin Lavallée, qui joue sur six pièces –, dont elle avait privilégié l’apport jusqu’à maintenant, Catherine Major a fait le pari logiciel. Et, comme on ne devient pas Kaytranada en un clic, elle a dû prendre le temps d’apprivoiser les outils de séquençage, d’échantillonnage et de programmation.
Catherine n’a pas exclu le recours à l’acoustique pour autant. Question de rendre ses chansons plus calorifiques, elle a décidé de les habiller d’arrangements pour orchestre de 70 musiciens, avec un coup de main d’Antoine Gratton. Il fallait ensuite trouver un orchestre symphonique. Celui de Bratislava, en Slovaquie, s’est montré disponible. C’est le chef d’origine espagnole David Hernando Rico qui a occupé le pupitre.
La pop relevée de Catherine se prête magnifiquement à ce traitement électro-orchestral. Sur Claustrophobe, par exemple, les cordes accentuent l’angoisse tandis que les textures synthétiques intensifient l’étrangeté. Puis, chose rare dans le répertoire de Catherine Major, La panique et Moi non plus pourraient cartonner sur les pistes de danse, compte tenu de leurs rythmes appuyés et de leurs rimes entraînantes.
Voici donc un album mûr, fruit d’une créatrice qui a conjugué ses capacités de composition et d’exécution à un flair esthétique hors pair. Bienvenue dans Carte mère, la matrice-machine de Catherine Major.