Des carillons au loin, un court roulement de tambour, puis Le cri de la bête retentit sous forme de salves de cuivres comme celles qu’on nous assénait, dans les péplums, lorsque surgissait la solennelle menace. L’Homme vide récite ensuite sa complainte, se transformant aux deux tiers de la pièce en crieur forain qui crache son autodérision. Ébouriffée s’adresse à une aïeule rongée par la démence, tandis que dans Sous les néons, la mort d’un proche survient trop tôt. Une supplique charnelle intitulée Petite folle suit et le microalbum se termine, déjà, avec Jusqu’à ce qu’elle danse, un rude constat de mal-être.
Ces six chansons sont le fait de la fratrie Doyon : Jérémie dit « Éli » se charge des paroles et fait équipe avec sa sœur Madeleine pour la musique. Éli chante, joue du banjo et manie la clarinette. Madeleine chante et gère le trombone ténor. Sa maîtrise de cet instrument lui vaut d’ailleurs d’officier dans l’octuor Oktopus ainsi qu’au sein des orchestres symphoniques de Laval et de Gatineau. Matthieu Bourget (trombone basse et contrebasse), Simon Bourget (cor et tuben), Mathieu Archambault (percussions) et Olivier Amyot-Ladouceur (contrebasse) complètent ce sextet. L’aube, un premier microalbum convaincant de six pièces également, était paru en 2018. Durant l’intervalle, Éli Doyon et la Tempête auront peaufiné leur mode d’expression axé sur les cuivres. Les influences balkaniques subsistent et s’amalgament aux composantes folk et trad d’ici. Ajoutons à tout ça quelques accents dramatiques à la Bernard Hermann (des fulgurances de la bande son du Voyage au centre de la Terre dans L’homme vide). Enfin, Éli Doyon a de Philippe B la tonalité et les inflexions vocales, ainsi que la capacité de produire de la chanson québécoise noble.