L’excellent violoncelliste Cameron Crozman arrive ici avec une sélection tout en contrastes de pièces pour violoncelle solo. Ricercari est basé sur un matériau de base du baroque moyen, les Ricercari de Domenico Gabrieli, l’une des (sinon LA) première œuvre pour violoncelle solo de l’histoire. Six en tout, un compte qui allait faire florès quand on pense au format des Suites pour violoncelle seul de Bach, et de plusieurs autres essais du genre par la suite.
Accolée à chacun des Ricercari (forme libre dont le terme signifie rechercher), une pièce commandée spécifiquement à autant de compositrices et compositeurs contemporains, sans autre exigence que celle d’exprimer leur voix personnelle à travers le violoncelle solo. Ce genre d’exercice à déjà été réalisé avec les Suites de Bach, et plus d’une fois, mais c’est la première fois que l’on tente le coup avec ces ricercari de Gabrieli. Une très belle idée, ne fut-ce que pour mettre un peu de lumière sur ces jolies petites pièces écrites dans un esprit d’exploration des possibilités d’un tout nouvel instrument, alors encore méconnu.
La limite de ce genre de juxtapositions est la même chaque fois : quel réel rapport entre la musique ancienne résolument tonale et les pièces contemporaines aux contours formels, rythmiques et harmoniques beaucoup plus éclatés? Souvent, très peu. Mais cela n’enlève absolument rien à l’intérêt de chaque pièce prise individuellement, et à la beauté de leur correspondantes baroques.
Crozman est un artiste accompli qui possède un merveilleux instinct du discours musical. Les Ricercari sont tonalement précis, stylistiquement épurés et techniquement d’une clarté absolue. Superbe. On découvre par la suite les pièces d’Alexina Louie (Quasi cadenza, contrastée et finement détaillée), Nina C. Young (Primary Colors, de nature abstraite impressionniste), Jordan Pal (Fleet, fébrile et excitante), Daniel Alvarado Bonilla (Senderos, ‘’percussive et boisée’’, de l’aveu du compositeur), Benoît Sitzia (Éloge du Chant II – Prière, éloquente et baignée d’une spirituelle intériorité) et Kelly-Marie Murphy (The Book of Elegant Feelings, exploratoire, sinueuse et mystérieuse). Cameron Crozman lui-même contribue à l’ensemble avec Falling Forward, une pièce tout en extrême délicatesse, habilement sensorielle et texturale. Pour un premier essai d’écriture, c’est bon signe.